Notre drame d’Israël !

par Jules Seyes
jeudi 18 avril 2024

Certes l’échange d’orions dans le ciel du moyen orient peut inquiéter. Trop souvent le monde fut destabilisé par les combats de cette région et dans la nouvelle guerre froide, la poudrière retrouve son pouvoir de destabilisation.

Pourtant, dans le nouveau monde multipolaire, les jeux de pouvoir sont plus complexes et peut-être y a-t-il enfin place pour un peu d’optimisme ?

Roulement de tambour, en ce cinq janvier 1895 le capitaine Dreyfus pénètre dans la cour de l’école militaire. On brisera son sabre et dépouillera son uniforme de tous ces insignes, la farce macabre divisera durablement la France en deux.

Souffrez cependant que nous laissions le destin s’accomplir pour détourner le regard vers l’assistance et découvrir cet homme au milieu du public : Theodor Herzl. Venu de l’empire Austro-hongrois, il assiste à la dégradation et en tirera, dit-il, la conclusion de la nécessité d’un « abri permanent pour le peuple juif ».

L’historiographie, tentera de lire l’évolution de la pensée du responsable sioniste, il reste la conclusion dans la mémoire occidentale de cette injustice commise par antisémitisme. On aurait pu passer dessus, toutes les nations ont leurs martyrs et leurs injustices, mais les crimes nazis et d’efficaces campagnes de presse ont contribué à imprégner la culpabilité dans l’esprit des peuples européens.

Il y eut d’autres victimes dans la Shoah : Homosexuels, Tziganes… Le traitement des prisonniers russes est proche d’un génocide, à la fois dans les intentions et le nombre de morts. Seulement, les tziganes, les homosexuels, les Russes n’auront pas l’appui des journaux anglo-saxons.

Cela dit, est-ce encore important ? Toujours est-il que les peuples européens ont intégré dans leur mémoire la notion de culpabilité… avant de s’en débarrasser en appuyant la construction de l’état israélien.

Ce fut certainement une preuve de mauvaise foi, Israël se construisait sur une terre non Européenne à laquelle nous n’avions d’autre droit que celui du plus fort. Faut-il s’étonner que les Arabes l’aient vécu comme une injustice ?

De plus, à cela se sont ajoutés les problèmes classiques de la colonisation : Privatisation des terres publiques en faveur des colons, allocation de l’eau sur un territoire où elle est rare. De plus, les colons accédaient au capital et pouvaient pratiquer une agriculture mécanisée et implanter leurs industries. Ce faisant, ils recouraient à la main d’œuvre palestinienne et aux conflits religieux, raciaux éventuellement, culturel certainement s’ajoute la lutte sociale. Nous avons connu cela en Algérie et le dénouement du conflit fut, faut-il le rappeler, violent ! Sur cette terre, les germes de la tragédie ont été plantés en toute bonne conscience, mais les résultats sont désastreux.

 

Il ne s’agit ni de justifier, ni de condamner, mais de démontrer les multiples enchevêtrements qui rendent ce conflit difficile à dénouer. Pourtant, avant de nous étendre sur la situation actuelle, nous devons clarifier deux points : Tout d’abord, les intérêts divergents entre les populations arabes et les dirigeants de leurs pays, base des accords d’Abraham puis les problèmes politiques d’Israël dont l’évolution a gâché l’occasion.

La population arabe, portée par la religion pour supporter son manque de développement vit avec l’Idée d’Umma. La solidarité avec les populations palestiniennes est donc programmée dans sa matrice culturelle. L’injustice subie par ces derniers trouve aussi une résonance dans le combat nationaliste de ces pays pour s’émanciper de l’occident qui avait pris dans l’orient une place de choix suite à l’effondrement de l’empire Ottoman.

Pourtant, nous sommes payés pour savoir que les peuples veulent et que leurs dirigeants agissent en général comme ils le désirent. Or, les élites des pays arabes souvent formées en occident désirent souvent conduire leur monde vers la modernité. Ils cherchent des alternatives pour améliorer le capital sur les territoires1. Lorsque Mohamed Ben Salman évoque par exemple une ville ultra moderne, il voit probablement bien au-delà des promenades piétonnes. Il s’agit de technologies, de diversification industrielle, bref de la voie vers une certaine indépedance. Pour cela, les partenariats technologiques avec Israël revêtent une séduction certaine aux yeux des dirigeants arabes.

Ce fut le génie de Donald Trump d’identifier les parties au deal pour faire signer les accords d’Abraham, alliance entre les dirigeants arabes et Israël. Seulement, la logique de Trump, faite de contrats signés et d’accords gagnants gagnants a laissé de côté les perdants : Les peuples d’orient, mais surtout les Palestiniens.

Cela aurait pu se traiter si le gouvernement israélien avait su identifier la lacune et proposer un accord à minima, mais l’évolution politique d’Israël a interdit une telle solution. La constitution israélienne accorde à la Knesset de désigner les cabinets et confère donc aux petits partis une influence de faiseur de rois bien au-delà de leur poids électoral et donc favorise les extrémistes.

Tout a été dit sur l’extraordinaire influence des religieux et de leur capacité à imposer leur agenda et le pays des Kibboutz socialisants est devenu l’otage de rabbins portés par leur vision messianique. Malgré une vie politique intense et une véritable opposition engagée et combative, la vie parlementaire israélienne tient souvent de la farce et des petits arrangements politiques entre amis2 !

Ainsi, faute de débouché pour la population palestinienne, la négligence ou le refus Israéliens ont pavé la voie vers le sept octobre. On glosera ou non sur l’échec de la stratégie du renseignement électronique ou une volonté délibérée du premier ministre Israélien de chercher l’attentat suffisant pour, enfin obtenir le mandat en vue de liquider les Palestiniens ou en tout cas grouper le pays autour de lui afin de se servir des morts comme d’un moyen de rester en poste et d’éviter la justice. Est-ce important ? Les conséquences le sont, et des vies innocentes ont été de part et d’autres sacrifiées encore une fois pour des dirigeants loin du terrain.

Netanyahu, animal politique, a instrumentalisé avec cynisme la frappe du 7 octobre pour lui permettre de liquider la population palestinienne. On devine l’accord immoral entre le premier ministre israélien et les rabbins, au prix de dizaines de milliers de morts à Gaza, mais aussi en Cisjordannie. Hélas, le 7 octobre fonctionnait bien pour attirer les médias, mais alors il était difficile de s’en débarrasser au moment de liquider les Palestiniens et la stratégie de Netanyahu a trouvé ses limites : Le monde regarde et il sera impossible d’aller au bout de la manœuvre.

Confronté à l’échec de sa stratégie, le premier ministre a décidé d’escalader et de bombarder une ambassade iranienne. Il s’est attiré des représailles de ce pays. Dans cette pièce sinistre, chacun joue sa partition dont les rôles sont distribués depuis longtemps.

Certes, passons, ces (Permettez-moi le terme) « gesticulations », même si elles font la une des médias ravis de ce ballet réglé au millimètre, sont sans importance. Israël, malgré sa volonté demeure incapable de détruire l’Iran seule par manque de puissance de feu pour traverser la défense AA Iranienne3 et les USA ne rentreront plus là-dedans. Ils ont eu leur chance après la seconde guerre du Golfe et ont passé leur tour.

Par contre, observez bien : L’Arabie Saoudite, la Jordanie ont activement participé à la protection d’Israël contre la contre frappe iranienne. On peut donc en conclure à la persistance de la base des accords d’Abraham ! Une autre tentative est possible, seulement, cette fois-ci, il faudra faire l’effort de construire une solution à long terme sans laisser personne sur le bas-côté. Une solution bien plus exigeante donc.

Quelle sera-t-elle ? Impossible de le savoir, la haine semée pendant ces derniers mois complique la situation, il conviendra donc de rechercher des termes constructifs pour créer une solution de paix. Sinon, Israël, affaiblit moralement devra constater l’érosion de son avantage technologique et se retrouvera dans une position militaire inconfortable le jour où le nombre d’hommes comptera de nouveau. Dans ce cas, vu la détestation actuellement à l’œuvre, ce sera pour les Israéliens la valise ou le cercueil, comme en Algérie, ou bien la valise leur sera même refusée.

Alors, au lieu de convoquer les ambassadeurs iraniens pour leur infliger les leçons de monsieur Sejourné, nous devrions les inviter à prendre le thé. La France, a comme je l’ai rappelé une responsabilité morale dans la naissance d’Israël et nous devrions nous sentir engagés. Pourtant, vouloir le bien d’une personne passe parfois par lui expliquer des vérités désagréables.

Une base est là, sachons la sauver et commencer à reconstruire !

 

 

1Attention, seulement une fois leur appétit pour la consommation de luxe largement assouvi, cela reste des classes supérieures persuadées de leur droit divin à bien vivre et à profiter des fruits de la terre et de la civilisation !

2Vice fréquent des diplomaties parlementaires, Israël est loin d’être un cas unique.

3Des bombes passeront bien sur et Israël pourra détruire une poignée de cible et causer quelques milliers de morts, mais ce résultat fera la barbe, qui repousse, à l’Iran.


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