Le commandant de Gaule et le sang des masses dont se gavent les élites... (7)

par Michel J. Cuny
mercredi 9 juillet 2025

Décidé à alimenter le « prestige » de l’armée française, le commandant de Gaule nous a été présenté comme l’un des possibles futurs grands chefs militaires de notre pays par un anonyme dont il nous sera dit, plus tard, qu’il s’agissait d’André Pironneau, secrétaire général du journal (voix de l’État-Major), L’Écho de Paris

Cela se passait à la page 8 (dernière) du numéro du 31 mars 1932…

Constatation générale du brave commandant…
« L’esprit militaire offrit pendant la guerre, un capital moral dont on se trouva fort bien. »

Un « capital moral  »… Décidément, cet homme-là n’y va pas avec le dos de la cuillère… À ce capital moral, il faut offrir de se rencontrer avec du travail (moral ?) : des tueurs et des tués, des embrocheurs et des embrochés (de bon cœur)… à condition, bien sûr, que « l’esprit militaire » réussisse à régner comme un maître en face de la société civile … En tout cas, poursuit notre commandant…


« Les hommes de métier savent bien que, dans l’horreur de la guerre, ne furent, en somme, valables que les aptitudes collectives, qu’ont eut (sic !) de bonnes raisons pour employer dans certaines circonstances à peu près toujours les mêmes unités, que peut-être une rare élite se laissa river aux devoirs du soldat par un idéal qui ne devait rien aux armes, mais qu’on n’eut pas maintenu à leur place les pauvres gens qui se battaient, ni obtenu d’eux tant d’oubli de soi, de crédulité, de résignation, sans l’esprit militaire qui les livrait à l’engrenage de l’universel consentement.  »

Tout cela nous est balancé comme une vulgaire purée… Doucement, la charrette ! Voyons un peu ce qu’elle transporte…

Les « hommes de métier » sont les militaires de carrière. Et puis, parmi les combattants en général, il y a une « rare élite »… Celle-ci est détentrice – comme les grands chefs - de « l’esprit militaire », sans lequel… « on n’eut pas maintenu à leur place les pauvres gens qui se battaient, ni obtenu d’eux tant d’oubli de soi, de crédulité, de résignation, sans l’esprit militaire qui les livrait à l’engrenage de l’universel consentement.  »

La part des masses (enrobée dans l’esprit militaire de la rare élite), c’est donc : l’oubli de soi, la crédulité, la résignation, et le fait de se livrer (de s’abandonner) à l’engrenage de l’universel consentement… à l’universelle boucherie… au profit, bien compris, de la « rare élite » et de ses chefs… car elle en a. Le rôle de ceux-ci est d’améliorer décidément la qualité de la colle… de l’universel consentement à la boucherie, en commençant par le sommet de la pyramide :
« De même que la plus habile réserve ne suffit pas au prestige d’un homme s’il n’en fait l’enveloppe d’un caractère résolu, ainsi l’élite la plus fermée et hiératique n’exerce pas d’ascendant s’il lui manque la confiance en elle-même et en son destin. »

Le destin de « l’élite » ne lui autorise aucun remords d’aucune sorte. Par contre – et cela ne gâche décidément pas le spectacle qu’aura fourni cette grande boucherie que fut la guerre de 1914-1918…
« Après une conflagration sans exemple, les peuples détestent la guerre plus sincèrement qu’ils n’ont jamais fait. Les Français, surtout, éprouvés plus que les autres, d’ailleurs victorieux et ne désirant rien ajouter à ce qu’ils possèdent déjà, maudissent cette calamité. Un tel état de l’opinion est par lui-même salutaire. Il est bon que les peuples aient des remords et si les hommes, dans leur ensemble, ne rêvaient que de se détruire, il y a beau temps que leur race aurait pris fin. »

Donc : tuons et faisons tuer, mais n’abusons tout de même pas trop de la ressource qui sert à nos si jolis ébats, pourvu qu’elle soit portée à la bonne température par les gestionnaires du débit des grandes boucheries en dosant soigneusement l’esprit militaire qui laisse aux produits la fraîcheur et la consistance nécessaires.

Ainsi faut-il s’y résoudre, nous dit Charles de Gaule…
« Que des hommes consacrent leur vie à préparer des épreuves dont justement on ne veut point, cela ne laisse pas d’indisposer la foule et d’autant plus que les professionnels, s’ils déplorent la guerre du point de vue humain et spéculatif, éprouvent pour le champ d’action qu’elle leur ouvre une inclination de carrière et prennent aux problèmes qu’elle soulève un intérêt technique assez désobligeant, en somme, pour ceux qui n’en attendent rien. »

C’est qu’il y a, pour l’élite… « une inclination de carrière  », un « intérêt technique  » qui doivent impérativement clore le bec à ceux qui, de ce micmac de la guerre « n’en attendent rien  » que des plaies et des bosses, des veuves et des orphelines et des orphelins, etc… 
« Et, d’ailleurs, sans manquer de déplorer les maux que les armes traînent après elles, comment ne point saluer leur rôle prodigieux ? La destruction est leur œuvre. À leur bilan s’inscrit un total odieux de vies brisées, de biens disparus, d’États mis en poudre. On ne compterait point ce qu’elles ont gaspillé de travaux, éteint d’efforts, empêché de bien-être.  »

Arrêtons-nous là ! C’est déjà beaucoup à avaler… et c’est au cœur même de la Constitution de la Cinquième République : pour celles et ceux qui n’en auraient pas déjà eu l’intuition…

Michel J. Cuny


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