Nos mondes (néo)libéraux : des racines anciennes mais aussi occultes, ou la mode de l’Eternalisme d’Avalon
par Mervis Nocteau-Seysan
lundi 21 août 2023
Nous nous étions essentiellement penchés sur le Devenir de l'héritage germanique, de l'antique continent à la péninsule scandinave – jusqu'à l'ère viking féodale – dans notre précédent article sur l'Hyperboréisme Essentiel. Hyperboréisme Essentiel qui, comme de mauvaises eaux, flue dans la modernité occultiste, polythéiste et plus généralement « néopaïenne commune » contemporaine. Tout ceci est une fange dont les sciences occultes, les polythéistes et par-dessus tout les « néopaïens communs » ont à se défaire : elle a le nazisme pour charnière, entre syncrétisme moderniste et New Age, des Ombres des Lumières à nos jours. Le tout, même quand cela prêcherait la citoyenneté du monde : c'est toujours un universalisme sectaire, du moins de fond, sinon de groupuscules. Enfin heureusement que, dans ces cas-là, il ne s'agisse par définition que de petits groupes, de groupuscules... et surtout, qu'ils ne font pas de prosélytisme monothéiste ou occidentaliste : rien d'expansif dans leur démarche, en dehors des dérives idéologiques minoritaires. Reste que cela ne suffit pas, pour clarifier nos mondes (néo)libéraux, si en plus on y ajoute l'Eternalisme d'Avalon ici questionné.
Le problème de l'Hyperboréisme Essentiel, c'est que, bien que touchant d'abord et avant tout l'héritage germanique moderne, il contamine la connaissance du celtisme actuellement, au point que d'aucuns amalgament ces deux cultures et fantasment de délurés « kelto-vikings » qui n'ont jamais mais jamais existé. Toutefois, les acculturations qui eurent lieu, eurent essentiellement lieu dans les Îles Ouest-Septentrionales d'Europe à l'époque féodale, c'est-à-dire une période passant l'antiquité. Rien de très ancien en vérité, et toujours-déjà concerné par le christianisme. Ça concerne une tendance anglo-saxonne avant tout, qui infuse pourtant chez nous comme le reste.
Si vous ne l'avez pas lu, le précédent article est vivement conseillé...
Enfin précisons qu'il y eut quelques acculturations antiques mais sur le continent entre la Belgique et l'Autriche : ces acculturations celto-germaines n'ont évidemment rien mais rien de « kelto-vikings ». On n'a aucune mais aucune, attestation d'un éventuel « druido-odinisme » – qui de toutes façons ne se serait pas nommé ainsi, ni même rétrospectivement. Au pire, il aurait été qualifié de « druido-wotanisme » et, au mieux, de druidicat seidr ou seidr druidique, voire de druidisme germain. Mais c'est dit pour être gentil.
En dehors de magies éloignées du druidicat celte, rien de rien dans le monde germain. Ces magies ont donné dans la fantasy la figure tolkienienne du magicien Gandalf, dont le nom-même tire sa racine des mages islandais : gandr. Etant donné qu'ils pratiquaient la magie avec des bâtons – c'est dans l'étymon de gandr – voilà bientôt qu'on en place rétrospectivement entre les mains des érudits celtes issus de l'aristocratie mais par erreur, j'ai nommé les druides évidemment. Druides qui, s'ils avaient un bâton, devaient surtout en utiliser comme des cannes avec l'âge... ou comme sceptres d'autorité, voilà tout.
Puis, sur la base des magiciennes germaniques nommées vǫlvur (sing. vǫlva) on invente des druidesses « bien sûr » ?... Les rêves de fantasy moderne vont bon train, c'est ce que nous allons continuer de dynamiter ici.
Rien qu'avec ces premiers délires d'Hyperboréisme Essentiel, nous avons un premier point concernant le sujet de cet article, qui concerne l'Eternalisme d'Avalon. De quoi s'agit-il ?...
L'Eternalisme d'Avalon, c'est une notion accointante à l'Hyperboréisme Essentiel, dans le domaine celtique. La notion d'Eternalisme, contrairement à celle d'Hyperboréisme, n'est pas issue du « milieu » néanmoins : ce milieu en est pourtant affecté, à tort et à raison : Avalon désigne l'Autre-Monde celte, un monde parallèle au nôtre, dont l'emblème est l'île des héros – aussi nommé monde des vivants, curieusement puisqu'il s'agit en fait du monde des morts.
C'est dans ce paradoxe, que la notion d'Eternalisme trouve sa meilleure justification : si les Anciens Celtes voient, dans l'Autre-Monde, un monde des vivants, cela mortifie réciproquement, le monde dans lequel nous vivons... et mourrons. Le monde des vivants est le monde des morts, qui n'est pas le monde vécu et dans lequel on meurt.
De plus, qu'il s'agisse de récits insulaires de légendes christianisées (rédigées durant la féodalité mais manifestant une celticité évidente) ou de curiosités à l'intérieur de la « matière de Bretagne » (c'est-à-dire à l'intérieur de la littérature féodale ayant un fond celtique) il faut savoir que les personnages se retrouvent, bon gré mal gré, entraînés dans l'Autre-Monde (souvent suite à une navigation étrange ou la poursuite d'un cervidé blanc). Ces personnages découvrent un monde de l'éternelle jeunesse, dans lequel le temps ne passe pas, et monde duquel ils reviennent temporellement déboussolés : des siècles ont pu passer depuis le début de leur voyage, dans le monde vécu où l'on meurt, alors qu'ils n'ont vécu que quelques jours ou quelques mois seulement, dans le monde des vivants qui est celui des morts.
À lire : « Lettre ouverte aux païens dont je suis,
aux monothéistes en général, ainsi qu'aux "athées" »
Ainsi ces témoignages semblent nous dire, sans surprise, que la jeunesse est adulée pour la meilleure partie de la vie, parmi les Celtes, et la vieillesse refoulée. Quand durant la féodalité ou même aujourd'hui, des monothéistes se demandent s'ils ressusciteront tels quels avec leurs défauts, ou bien rajeunis et dénués de défauts, ils ne font que réactualiser une vieille question à laquelle les Celtes avaient déjà répondu : en privilégiant la jeunesse, la jouvence, la fougue et le désir...
Mais ne distinguons pas si vite les religions : au plan symbolique, la jeunesse correspond à l'éternité. Si des légendes féodales recherchent la fontaine de jouvence comme on chercherait la pierre philosophale (rêve alchimique de l'élixir de longue vie) c'est bien pour atteindre une longévité qui, de proche en proche, évoque l'éternité d'un paradis (mais en ce monde vécu où l'on meurt, il faut bien éduquer les jeunes au Devenir biographique, malgré leurs manques d'évaluations du risque, afin qu'ils comprennent la maturation, la vieillesse et la mort – mort que d'ailleurs, nous leur souhaitons tardivement).
Pour les Celtes, ce monde des vivants qui vécurent et moururent, peuplé de jeunes, est avant tout un symbole d'éternité en effet, parce qu'ils croyaient déjà en l'immortalité de l'âme. Durant leur existence cela dit, ils n'escomptaient pas une mort tardive comme aujourd'hui nous la souhaitons tardive, et d'ailleurs contrairement au monothéisme, les Celtes ne croyaient qu'en une seule existence, où l'âme pré-existante provenait du monde spirituel par transmigration et y retournant post-existante, selon le même procédé : il faut découvrir Valéry Raydon à ce propos, contrairement à la vulgate pythagorisante qui ne jure que par la « réincarnation ».
Comment vous dire que le christianisme continua de traîner cette idée : que le monde vécu était mortifère, tout en l'accentuant ? Cela se sait des Anciens Celtes, car ils conservaient les crânes de leurs ennemis qu'ils embaumaient même, dans un art funèbre non-réservé aux sépultures (probablement issu des Ibères)... art dans lesquelles l'élite se laissait conserver aussi un peu, avec divers équipements. Enfin les crânes ornaient les portes comme les sanctuaires (nemeton). Il y a là tout une culture du mortifère, un memento mori si l'on peut dire, qui n'est jamais explicitée par nos contemporains.
C'est là que nous devons nous arrêter, avec la justification de l'Eternalisme. Car l'Eternalisme d'Avalon, est une féerie. Où, bien que les Anciens Celtes aient eu leur lot d'esprits de la nature, il n'est pas permis de dire que ces esprits fussent tous féeriques, ce que l'on s'enchante par l'idée de féerie depuis le XXème siècle – et notamment depuis l'incontournable Walt Disney avec son Merlin l'Enchanteur (de l'américanisme : c'est dire que l'Hyperboréisme Essentiel rogne bien sur l'antique réalité celte).
En effet, la féerie est une invention du merveilleux chrétien essentiellement continental, de ladite « matière de Bretagne », les légendes insulaires conservant une part de rudesse dans leurs démarches. De plus, de nos jours, on retrouve des fées monstrueuses toujours, dans des séries telles que Torchwood qui leur consacra un épisode... Donc si l'Hyperboréisme Essentiel concerne surtout le monde anglo-saxon, il n'a heureusement pas empêché de conserver ces éléments spirituels plus mortifères, mais on observe autant qu'il s'est fait avoir par l'Eternalisme d'Avalon.
Avec Avalon, depuis la féodalité et jusqu'à nos jours, tout est enchanté. L'île des héros est une terre où les hommes portent la scintillante armure de plaques complète, qui ne fut conçue qu'au coeur de la féodalité, des siècles après l'antiquité celte.
L'épée héroïque de même, Excalibur, devient alors surfaite : bien que des légendes celtes évoquent des épées magiques, aucune n'a l'importance ni la trame narrative d'Excalibur, qui n'apparaît qu'au XIIème siècle. Excalibur est l'arme de la chevalerie féodale par excellence, aspirant au Graal en tant que coupe dans laquelle Joseph d'Arimathie recueillit le sang du Christ à l'époque romaine. Même le Graal, n'est pas directement lié au celtisme, quoi qu'on veuille y voir l'équivalent d'un chaudron...
Manifestement, nous sommes en face de créations médiévales et modernes qui, d'une part, participent de l'Hyperboréisme Essentiel et qui, d'autre part – et lorsqu'on s'intéresse au celtisme avant tout (puisque le précédent phénomène concerne le germanisme avant tout...) – produit bien un Eternalisme d'Avalon, c'est-à-dire une mentalité par laquelle nos contemporains, rétro-projettent antiquement ce rêve. D'ailleurs, c'est bien un rêve car, comme disait Sigmund Freud, « l'inconscient est intemporel ». Ce qui ne gêne absolument pas les rêveurs : ils ont tellement envie de rêver, généralement sur une base nourrie de fantasy (au mieux tolkienienne) qu'ils affirment la réalité de ce rêve, dont ils se sont faits un doudou. Pire encore : quand on leur parle de réincarnation, ils veulent revivre et revivre ad libitum, alors que la démarche spirituelle consiste à s'en délivrer (celtisme de vulgate pythagorisante, hindouisme tordu).
C'est devenu un dada, certainement depuis « la matière de Bretagne » et la Beat Generation si New Age. Culture qui, du cycle arthurien à Kaamelott, et du merveilleux chrétien (romano-germain dominant la féodalité) à l'Hyperboréisme Essentiel (contemporain) trama comme une araignée l'imaginaire collectif européen, sur les derniers siècles. Comment se débarrasse-t-on d'un imaginaire collectif, lui qui est alimenté de tant d'oeuvres déjà ? Sans parler de tous les éléments qui font référence à ces oeuvres, autres oeuvres ou non... c'est une folie qui m'a pris, en entamant cet article...
À lire : « Kaamelott : la santa Muerte française,
sainte Mort du roi Arthur »
À savoir que, même dans les milieux de la recherche, seraient-ils académiques, l'Eternalisme d'Avalon a pris. En effet, dans le domaine de la littérature médiévale c'est inévitable, quoi qu'historiquement on y raisonne. Dans le domaine de l'Histoire antique et médiévale, c'est naturel, et pourtant on l'aime, ce rêve. Dans le domaine de l'Histoire des idées, comme c'est le nôtre ici, quelques ressortissants de la littérature médiévale et de l'Histoire antique et médiévale, tirent leur épingle du jeu.
Où c'est curieux alors, comme d'aucuns taclent Jean-Louis Brunaux (qui, il est vrai, déborde régulièrement l'archéologie pour des théories non-historiques : c'est lui qui est cause de la vulgate pythagorisante). Car Jean-Louis Brunaux mérite son statut d'archéologue, et surtout il a une excellente plume pour décortiquer l'Histoire des idées, concernant l'historiographie du celtisme ces derniers siècles : entre anachronismes des premiers découvreurs (le mégalithisme – les menhirs d'Obélix... - n'est pas celte d'un ou deux millénaires !), romantismes des glosateurs ensuite, et nationalismes modernes enfin, sans parler des néodruidismes – qui n'ont même pas vraiment un siècle en vérité (il faut lire Grégory Moigne, récemment).
Et dans nos mondes (néo)libéraux, nous retrouvons l'Eternalisme d'Avalon, sous une forme qui ne surprendra pas tant que ça : le jeunisme. Oui, il est clair que le jeunisme est une tendance démocratique en général et consumériste en particulier, où l'égalitarisme de nos contrées a l'intergénérationnalité torve, de niveler les enfants avec les seniors en passant par les adultes : plus personne ne devrait avoir d'autorité âgiste sur personne (ce serait, sinon, justement de l'âgisme : de la discrimination par l'âge...).
Bien que cela provoque d'innombrable problèmes sociaux et éducatifs, les oeuvres mettant en scène les affres d'enfants livrés à eux-mêmes (Lord of the Flies, Sa Majesté des mouches en français) ou au contraire les difficultés à engendrer (Children of men, les Fils de l'homme en français) en passant par diverses frayeurs des aînés, d'être assassinés par les puînés (Children of the corn, les Enfants du maïs en français) ou bien des puînés, d'être dévorés par les aînés (Hunger Games, les Jeux de la faim en québécois – les Français ayant conservé Hunger Games...). Bref.
On voit clairement qu'un élément traditionnel incompris dans la modernité (l'âme celte) devient un parasite dans l'inconscient collectif avec l'Eternalisme d'Avalon, pour l'incarnation des âmes immortelles selon les Celtes d'abord, pour le paradis et la résurrection monothéistes ensuite, pour la compréhension du cycle des réincarnations ensuite selon la vulgate celtiste pythagorisante, et pour les relations humaines en général dans les sociétés laïques enfin : le productivisme-consumérisme, en tant que rêve intemporel déniant la mort, ataviquement, nous ressert des désirs d'éternité (Nietzsche fut d'ailleurs le premier à les chanter voire danser, dans Ainsi parlait Zarathoustra) que nous investissons. Emblématiquement, les amours de- et pour- Brigitte Macron...
... une femme ici évoquée, non seulement par la boutade, mais aussi parce que son prénom-même s'enracine dans le nom Brigantia : la grande Déesse celte. Tout est contourné.
À lire : « Astérix au cinéma :
Vae Victis ! Malheur aux vaincus ! »
De concert avec l'Hyperboréisme Essentiel, l'Eternalisme d'Avalon cherche aussi un monde non-romain – plus rarement anti-romain cela dit. D'une part, nous avons religieusement hérité d'un regard extra-européen sur nous-mêmes : en effet, le monothéisme, essentiellement chrétien mais aussi diasporiquement juif et colonialement musulman en Hispanie (Al-Andalus, Emirat de Cordoue) et en Hongrie (Maganarország, Pays Magyar)... le monothéisme, disions-nous, est sémitocentrique – avec ses aventures bibliques et coraniques, au Proche-Orient.
Bien que les Européens adaptèrent moult légendes, notamment hagiographiques (vies de saints reconnus ou non par les Eglises) il n'en reste pas moins que la source monothéiste n'est pas géolocalisée en Europe et, sans conteste, elle se répandit bon an mal an sur les Anciennes Coutumes polythéistes. Bien entendu, le monothéisme lui-même a des racines polythéistes, mais c'est un autre débat – polythéisme, dont curieusement les Basques ont hérité en partie, d'ailleurs, en Europe...
La culture chrétienne, bien qu'elle s'appropria européennement le judaïsme (depuis saint Paul et Rome) mais à cause de cela aussi... la culture chrétienne suscita un déchirement psychogéographique des Européens avec eux-mêmes, en leurs âmes et consciences.
Ainsi, quand finalement de nos jours, les celtomanes, les celtophiles et les celtologues convoquent le celtisme... c'est aussi pour une altérité doublement romaine et monothéiste, à l'heure de la laïcité (post-)chrétienne. D'où que le celtisme contemporain (en plus d'ailleurs, de créer l'erreur grossière d'un interceltisme jusque dans la péninsule ibérique, qui fut tardivement celtisée en vérité, mais surtout dans le centre) demeure avant tout un celto-(post-)christianisme dans l'âme. Même, voire surtout, en Bretagne armoricaine.
Celto-(post-)christianisme d'ailleurs parfaitement reconnu par les chrétiens eux-mêmes (notamment identitaires) qui vont follement (avec les audaces démentielles de Jean-Louis Brunaux, quand il déborde son domaine archéologique et laisse parler sa religion sémitique) parler de monothéisme druidique tendanciel, dès l'antiquité. C'est évidemment introuvable, bien qu'on sache des choses sur les druides – au hasard, qu'ils pratiquaient l'astrologie, et que leur arbre est paneuropéen jusque chez les Slaves, pas forcément issu des cultures celtes.
Entre, de base, le cycle arthurien et l'écriture chrétienne des légendes insulaires, des « cas » tels qu'Emile Mourey – d'ailleurs aussi auteur sous AgoraVox, convoquant l'Atlantide et la secte juive des Esséniens, en les amenant dans la vallée du Rhône... – en passant par ledit pseudo-druidicat proto-monothéiste, et aussi par des thèses anachroniques d'un pseudo-druidicat, antiquement infiltré dans l'Eglise naissante – alors que cela faisait déjà quelques siècles que le druidicat celte était déchu (par exemple manifesté dans la BD fictive Merlin) – ou en pssant enfin par la fantasy féerique, et jusqu'à la mode de l'Hyperboreisme Essentiel (manifesté dans la BD fictive Troisième Testament)... on doit même dire que le celtisme moderne est un alter-christianisme.
Martelons-le : des chrétiens identitaires saint-patriciens, jusqu'aux apparemment anti-chrétiens (au nom d'une charité supérieure pour l'Europe) en passant par les buveurs de la saint Patrick et les festivaliers interceltiques de Lorient (qui ne vont pas aussi loin dans l'intellectualisation) sans parler du néodruidisme britannique diffusé sur le continent depuis la Gorsedd de Bretagne. Néodruidisme qui de toutes façons, rentre largement dans le cadre de l'Hypérboreisme Essentiel.
On cherche encore des Celtes là-dedans, eux qui ne sont que des ombres culturelles à notre connaissance protohistoriques, et auxquels nous imposons d'être les ombres de nous-mêmes... Ces malheureux !
des Occidentaux de traditions balto-slaves, parlent »
Mais il faut portraiturer le Celte en claniste paysan guerrier, avant tout. Il est régulièrement habitant de forts citadins industrieux et commerciaux – des dunoi (sing. dunon). Ce Celte est en outre adepte d'une religiosité encadrée par un sanctuaire (nemeton). Il aime être craint par les autres clans, ou toute forme d'étranger, pour sa survie (comme tout le monde par le passé et on le voit jusqu'à nos jours) quoi qu'il fasse preuve (comme tout le monde antique européen) d'un certain goût pour l'étranger et les aventures mercenaires.
Par ailleurs, c'est un faiseur de viae celticae (voies celtiques) avant les viae romanae, c'est un grand artisan au point que les Romains récupéreront son savoir-faire, dont les techniques demeureront durant la féodalité, quoi que renouvelées selon les modes et quelques trouvailles. Il avait même, déjà, de l'acier (rarement).
Ses druides sont issus d'une aristocratie qui domine le commun des mortels soumis, au moins voire plus que durant la féodalité, mais ces druides ont peu de chance d'être des femmes – quoi qu'il y ait des prêtresses et devineresses.
Néanmoins, la société de ce Celte est matrilignée, avec de grandes dames en armes, telles qu'on en connaîtrait seulement dans la féodalité européenne encore – et cela seul, a suffi à récupérer son imaginaire, de nos jours de fantasy. Pourtant, ce gynocratisme relatif, voire ce matriarcat éventuel – anthropologiquement – expliquerait assez bien une agressivité défensive, envoyée en mercenariat de par les mondes méditerranéens jusqu'en Ibérie, en Punicie, en Lybie, en Numidie, et en Turquie anatolienne...
Pour ma part, je veux penser que le rôle impressionnant de la femme élitaire celte, vient de la rencontre de la culture de Hallstatt au plan matériel, avec les cultures du littoral atlantique et méditerranéen au plan culturel, du Nord au Sud : car on sait que les Irlandais et Basques sont génétiquement apparentés, fortement toujours aujourd'hui. Les Brittaniques sont fascinés par cela, de même les Bretons, qui sont aussi apparentés aux Basques.
Avec la légende des « Milésiens », l'influence de la déesse ibère Tanit est potentiellement forte, d'autant plus que « Celtos » et « Iberos » furent légendairement des frères d'une certaine princesse « atlante », et que les Celtes embaumaient les crânes de leurs ennemis : un usage préhistorique attesté en premier dans la péninsulle ibérique, des millénaires même avant l'Egypte (par exemple en la Cueva de la Araña, Andalousie).
Enfin, la parité du droit d'aînesse est demeuré dans le monde pyrénéen antiquement ibère, d'ailleurs parent interculturel du monde étrusque, où les femmes disposaient de la liberté de banqueter, voire de forniquer. On pourrait parler encore des Ligures, dont les femmes étaient des coriaces... autant de cultures celtisées, voire supprimées par les Celtes.
C'est ainsi que les Celtes vénérèrent Epona-Rhiannon, déesse chevaline. Les chevaux ont une structure zoologique tendanciellement matriarcale, et sont dans les sociétés celtes quelque chose comme les vaches sacrées hindoues : ainsi Vercingetorix libéra les chevaux à Alesia, plutôt que s'en servir pour renforcer ses troupes nutritivement, malgré le siège de César. Cette sacralisation, dirait-on, est indo-européenne, mais plus proche des Celtes les Ibères ont un vaste bestiaire, et on sait qu'équidés, cervidés et bovidés étaient catégorisés antiquement, dans la même famille animale : les animaux à sabots. Darwin n'était même pas attendu, à cette époque...
Symboliquement, cela permet d'évoquer les taureaux si importants dans le monde ibère, dès le Sud-Ouest français à partir de la Garonne (courses landaises, camarguaises, basques... et évidemment corridas, de Dax à l'Andalousie). Pas sûr, donc, qu'il faille rendre « l'indo-européanité » hermétique, bien loin de là. Vouez aussi la Táin Bó Cúailnge irlandaises, Razzia des vaches de Cooley. Or, toutes ces cultures littorales furent parcourues par des Phéniciens, adorateurs de Tanit, et fondateurs du monde punique influençant l'Ibérie, qui elle-même adora Tanit sûrement de l'Afrique berbère jusqu'au pays basque, avec ses fameuses mains de protection, mains de Tanit, et récemment découverte : la main d'Irulegi (une ancienne ville proto-basque, c'est-à-dire aqutianique/vasconique/variété ibère, monde helléno-punique).
Bien sûr, ces consdérations évoquent un vrai potentiel substrat dans le celtisme... de même que le celtisme est un substrat romano-germain chrétien – c'est-à-dire féodal, jusqu'aux vikings. Féodal.
Donc finissons-en avec les rêves, finissons-en avec l'Eternalisme d'Avalon.