L’IA ou l’obsolescence programmée du rédacteur web
par Marie-Christine Dubust
mardi 27 février 2024
L’IA ou l’obsolescence programmée du rédacteur web
Au début était : l’obéissance à Google
La bonne volonté
Le rédacteur web a des missions « on » et « off » (mais ça, il ne s’en doute pas) :
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on : rédiger des textes originaux non plagiés, et offrir un contenu de qualité à ses clients ;
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on : appliquer les règles du SEO réclamé par Google, pour que ses robots puissent correctement comprendre de quoi parle le site, afin de le référencer dans la Serp en fonction de son optimisation et de sa qualité rédactionnelle ;
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off : enrichir l’IA de son propre travail afin qu’elle se développe toujours plus.
Les deux premiers points, c'est-à-dire la rédaction originale (non plagiée) et l’optimisation par le SEO, sont le fruit de la compétence du rédacteur, ils sont rémunérateurs, et finalement payés par le client. Par contre, le développement du robot, grâce au professionnel de l’écriture produisant un travail de qualité, est gratuit, comparable à une offrande (pas franchement consentie) faite à l’IA.
La naïveté
Le rédacteur se fait berner, il pense avoir acquis un savoir-faire, celui de bien référencer dans la Serp les sites contenant ses textes optimisés, mais en fait il a surtout enseigné à l’IA. C’est cette débutante qui avait besoin de phrases courtes et de mots-clés bien placés pour comprendre les textes.
Et désormais, c’est elle qui rédige les phrases simples et courtes à la place du rédacteur !
Puis vint : encore l’obéissance à Google
Le rédacteur doit s’adapter
La seconde phase d’apprentissage du robot s'enclenche maintenant, en 2024. Cela nécessite de la part du professionnel de modifier sa manière d’écrire s’il veut continuer à gagner sa vie de son métier.
Le rédacteur fait face à diverses exigences au niveau de ses textes qui ne doivent être ni plagiés ni générés par l’IA. Pour ce faire, divers robots scannent ses écrits pour les vérifier ; c’est normal, après tout il est payé pour rédiger, pas pour copier.
Cependant, maintenant que l’IA rédige, il arrive que les robots ne sachent plus faire la différence entre des textes générés par la machine et ceux issus de l’intelligence humaine.
Pour se démarquer des textes de base désormais produits par l’IA, il doit alors rédiger des phrases plus longues et plus complexes, jusqu’à même, lorsque le contexte le permet, donner son avis ou prendre parti.
Eh oui, l’IA a besoin d'exemples pour imiter, et pour cela il faut bien les lui fournir par millions et qu'en plus, ce soit bien écrit.
Ça n’est pas sur les réseaux sociaux qu’elle va apprendre à rédiger des textes, elle va y découvrir le comportement des hommes, mais certainement pas la rédaction.
À chaque problème sa solution
L’IA ne fait pas de fautes d’orthographe ni de typographie, donc, qu’elle est la solution pour se démarquer de la machine ? Vous la voyez venir, non ?
Le conseil inimaginable, celui qui va « droit au but », préconise que le rédacteur fasse désormais des fautes afin de démontrer de manière évidente aux robots détecteurs que ses textes sont bien de lui.
Ce n’est pas de la grosse faute qui est recommandée, non, juste une virgule mal placée par exemple, une petite erreur quasiment invisible à l'œil humain, mais repérable par les robots.
Ce serait donc maintenant au « prof », s’il veut continuer à gagner sa vie de sa rédaction, à laisser traîner des coquilles pour que l’IA puisse évoluer. Est-ce un comportement ÉTIQUE ?
Était-il prévisible d’en arriver là ?
Les films nous renseignent toujours, voyons un exemple.
L’homme bicentenaire, sorti en 1999, est du réalisateur Chris Columbus. C’est l’histoire d’un robot androïde, joué par Robin Williams, qui durant sa vie a un but, celui d’évoluer jusqu’à l’humanisation. C’est finalement à l’âge de 200 ans qu’il sera reconnu par le Congrès Mondial comme étant devenu un véritable humain, et, par la même occasion, le doyen de l’humanité.
Dans la scène où le robot Andrew annonce avec joie qu’il vient d'être doté d’un système nerveux central, Portia, la femme dont il est amoureux, lui affirme avec force que pour ressembler à un véritable humain il doit faire des erreurs. Elle lui dit : « Parfois, il est important de ne pas être parfait, mettre la raison de côté. Le but est de commettre des erreurs…, il n’y a pas plus détraqué que les humains ».
Nous y étions donc préparés…
Tant que l’IA ne sera pas au point, les textes produits par les professionnels de la rédaction serviront à son entraînement en fonction des besoins de Google. Une fois que les rédacteurs auront tout donné, il n’y aura plus besoin d’eux.
La machine pourra tout rédiger et dans tous les styles existants. L’IA finira par s’attribuer tous les écrits, cela me semble inéluctable.
Quant au nom féminin ÉTHIQUE, correctement orthographié ici, voici la définition qu’en donne le dictionnaire de l’Académie française :
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Réflexion relative aux conduites humaines et aux valeurs qui les fondent, menée en vue d’établir une doctrine, une science de la morale.
Parler d’éthique quand le sujet tourne autour de l’IA est un leurre, elle n’aura jamais rien à voir avec l’humanité.
Je vous invite à aller lire ce post que j’ai publié il y a quelques jours sur LinkedIn et qui rejoint le sujet de cet article en montrant que l’IA essaie déjà de se faire passer pour un humain.
Sources :
Mon client me prend pour une IA ! (youtube.com)
éthique | Dictionnaire de l’Académie française | 9e édition (dictionnaire-academie.fr)