Faut-il bannir l’usage du mot « noir » ?
par Fergus
mardi 12 novembre 2024
Frédéric Maillot, député réunionnais de la Gauche démocrate et républicaine (groupe communiste), voudrait bannir l’expression « travailler au noir » du langage courant. Il rejoint en cela les combats d’autres militants de la cause noire, porteurs d’une idéologie woke qui relève parfois du délire paranoïaque…
Proscrire de la langue française tout ce qui porte atteinte à la dignité de nos concitoyens noirs est parfaitement légitime. Encore ne faut-il pas tomber dans les excès du wokisme dont on ne dénoncera jamais avec suffisamment d’énergie l’insigne stupidité. À cet égard, la prise de parole (le 24 octobre) du camarade député Frédéric Maillot à l’Assemblée nationale n’a pas manqué de sel : le sympathique élu de la Réunion a affirmé voir dans l’expression « travailler au noir » une connotation raciste.
Manifestement, notre député porte des lunettes déformantes car il n’y a jamais eu la moindre relation entre la couleur de peau de quiconque et le travail dissimulé. Cette expression remonte en effet au Moyen Âge, autrement dit à une époque où il fallait être doté d’une acuité visuelle hors normes pour voir un Noir dans la société française ; et cette locution désignait les activités exercées clandestinement dans l’obscurité de la nuit, alors que la réglementation interdisait le travail nocturne.
On peut aussi être « payé au noir » – le cas échéant sur une « caisse noire » – sans qu’il y ait la moindre ambiguïté. De même peut-on brasser des « idées noires » ou entrer dans une « colère noire », fût-ce à l’encontre de sa « bête noire », sans qu’il soit question de racisme. Ou bien encore se délecter d’un sketch d’« humour noir » ou des péripéties d’un « roman noir » racontant possiblement le sort tragique d’un traître, un « mouton noir », sacrifié lors d’une « messe noire », là encore sans le moindre rapport à la couleur de peau.
Au risque d’être brocardé une nouvelle fois, Frédéric Maillot pourrait faire une nouvelle tentative. Par exemple en exigeant que soit bannie de notre langage l’expression « broyer du noir ». Elle ne fait pourtant pas référence à des personnes noires destinées à être passés à la broyeuse tels de malheureux poussins mâles surnuméraires, mais à une ancienne pratique picturale consistant à piler du charbon carbonisé pour élaborer une couleur sombre. Par conséquent, rien de raciste là non plus.
Qu’à cela ne tienne, notre député pourra toujours solliciter l’interdiction du vocable « tête de nègre ». Que ces mots désignent un délicieux bolet comestible ou une non moins succulente meringue chocolatée – il y a même eu naguère une friandise à la réglisse ainsi dénommée –, ceux-là font indéniablement référence au faciès des Noirs. Dès lors, il semble légitime que, faute de pouvoir être totalement bannis du langage populaire, ces mots soient placés sur la « liste noire » des locutions indésirables.
Une petite suggestion en passant : cibler le « marché noir » des périodes les plus sombres de notre histoire ou les « pistes noires » tracées sur le manteau blanc des stations de ski n’étant, à l’évidence, pas non plus pertinent, Frédéric Maillot pourrait, outre la « tête de nègre », dénoncer l’usage dans l’aviation du terme « boîte noire » pour désigner les enregistreurs de vol. Certes, il n’y a rien de raciste dans cette dénomination. Mais ces boîtes étant jaune ou orange, c’est incontestablement une faute de goût à proscrire impérativement !
Mais trêve de plaisanterie ! Ce député, ou toute personne chatouilleuse sur l’usage du mot « noir » à ses yeux dévoyé, pourrait aller plus loin en exigeant que soit enfin réformée la notation musicale ; celle-ci porte en effet gravement atteinte à la dignité des personnes noires : une note blanche y vaut deux noires, ce qui est proprement scandaleux ! Et cela en attendant peut-être que d’autres élus, d’origine indienne ou asiatique, ne s’en prennent à leur tour à l’usage des expressions « se fâcher tout rouge » ou « rire jaune » !
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