Et si on aimait la France

par Eliane Jacquot
vendredi 20 septembre 2024

Nous vivons un moment où en France la démocratie vacille parce que la politique qui devrait être un art de la conviction destiné à parler à l'intelligence des citoyens est devenue un art de la séduction visant à recueillir leurs faveurs à court terme. Notre modèle social vacille de par les choix de politique économique qui creusent les inégalités.

C'est en tenant compte des préoccupations des citoyens sur un horizon long que l'Assemblée nationale et l'Exécutif pourraient affronter un avenir devenu incertain. Nous proposons ici quelques pistes visant à répondre aux urgence du pays.

En matière économique et budgétaire

On assiste à une stérilité des débats dans une situation budgétaire contrainte où les économistes se divisent sur le dogme de l'austérité de par le niveau de l'endettement public. Comment réduire le déficit sans peser sur la croissance potentielle ? A ce propos une note récente du Conseil d'Analyse Economique ( CAE N °82, Juillet 2024) propose une réflexion sur la trajectoire de la dette à 10 ans en lançant « une revue approfondie des dépenses publiques, avec un fort portage politique, pour trouver des pistes de réduction pérennes. » Pour les auteurs, la France a aussi besoin d'une expertise neutre visant à évaluer le coût des réformes et des mesures nouvelles. Le CAE est un organisme rattaché au premier ministre.

Dans le même temps la directrice de la Fondation IFRAP, Think Thank ultra libéral, Agnes Verdier Molinier propose de réaliser 30 Mds d'Euros d'économies en 2025 pour reprendre le contrôle de nos dépenses publiques et ce :

en freinant les dépenses sociales ( désindexation des minimas sociaux )

en gelant les dépenses de fonctionnement des administrations publiques ( dont 8 Millions d'euros sur la masse salariale publique, à la hussarde)

en baissant les dépenses d'intervention aux associations et à l'aide publique au développement. Elle propose d'agir vite et fort et de décider vite... conduisant à amplifier les fractures sociales et territoriales.

En matière de justice fiscale : comment rétablir plus d'équité ?

Nous avons déjà longuement évoqué les différentes formes de fraude fiscale qui représentent un manque à gagner annuel compris entre 80 Mds d'euros et 100 Mds d'Euros de recettes fiscales ( Source, Solidaires Finances Publiques, DGFIP ) soit l'équivalent de plus de la moitié du déficit budgétaire de l'Etat qui s'élève à 173 Mds d'euros en 2023. Mais Pour Jérome Fourquel devenu Directeur de cabinet du premier Ministre, les prix de transfert ne sont pas une science totalement exacte ( Les Echos , Juin 2022 Isabelle Couet )

L'ONG Oxfam vient de publier un rapport sur la fiscalité des héritages, au moment où il semblerait que 60 % de la population y soit favorable quand le débat public autour de projet de Loi de finances 2025 ne porte que sur les économies à réaliser.

Oxfam rappelle à bon escient qu'en raison des niches fiscales dont ils bénéficient, le taux moyen d'imposition des 0,1 % de la population est de 10% seulement. Alors que la part de la fortune héritée est de 60%, l'ONG propose de réformer la faible taxation des successions directes, demande de supprimer certaines niches fiscales et l'abattement spécifique aux assurances-vie. Rappelons ici que la France, de par son déclin démographique est devenu un pays où la richesse se concentre sur les 10% des ménages qui détiennent 47% du patrimoine total en 2021 selon des données récentes de l'Insee.

D'autre part l'économiste Jean Pisani Ferry a lui aussi souhaité la création d'un impôt fort sur les grosses successions, piste écartée par Emmanuel Macron lors de sa première élection. En 2023 dans un entretien accordé au quotidien Le Monde il nous informe préconiser « un impôt exceptionnel et temporaire assis sur le patrimoine financier des 10% des ménages les plus aisés » visant à financer une partie des investissements liés à la transition écologique.

L'intégration des immigrés, thème politique central et récurrent

Des données publiées par l'Insee en Aout 2024 devraient nous interroger sur la prégnance des discours extrémistes de non intégration servant à véhiculer la xénophobie au détriment des réussites .C'est ainsi qu'en 2023, 7,3 millions d'immigrés vivent en France, soit 1,7% de la population totale...En 2023, 47,7 % de ces populations vivant en France sont nés en Afrique et 32,3% en Europe. Nous sommes actuellement au 25ème rang des pays européens accueillant des immigrés nés dans l'UE et les ressortissants de l'espace Schengen se tournent vers d'autres pays, essentiellement nordiques.

Le dernier essai de François Héran « Immigration, le grand déni, 2023 » éclaire le débat dans une perspective historique. Il démontre chiffres détaillés à l'appui que la dynamique migratoire est inhérente à un mouvement mondial auquel la France ne peut qu'adhérer. Sa conclusion magistrale indique que la France n'est pas un pays attractif en termes migratoires parce que selon lui « nos gouvernants ne redoutent qu'une chose, braquer l'électorat. Il leur incombe pourtant de porter sur ce sujet un discours fort, réaliste, visant le long terme. La fuite en avant dans le tout sécuritaire est sans issue. » L'exécutif qui sait que l'immigration n'est pour rien dans la crise budgétaire va-t-il mettre en place une politique nationaliste et isolationniste ? Nous le saurons d'ici peu.

La réindustrialisation fondée sur la décarbonation visant à redresser notre appareil productif devrait s'amplifier. Pour ce faire les collectivités locales auront besoin de plus de moyens financiers et humains. Ce sujet mérite d'être abordé à part de par son importance, nous le ferons dans une note ultérieure.

En conclusion laissons s'exprimer Bernard Maris qui a écrit dans : Et si l'on aimait la France, 2015 : Un livre pour vous dire : non, Français, vous n'êtes pas coupables, vous ne devez rien ; le chômage, la catastrophe urbaine, le déclin de la langue, ce n'est pas vous ; retrouvez ce sourire qui fit l'envie des voyageurs pendant des siècles au pays où dieu est heureux... La droite parle de la France comme d'une douleur, d'un mal de dos. Elle en a une vision rhumatismale, et lorsque la France est battue en 1940, c'est la divine surprise, la douleur disparaissant soudain avec la République, comme le résume la phrase ignoble de Maurras...

(1) https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/regards-sur-le-systeme-fiscal-250531

 


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