Sitting Bull, le chef indien indomptable qui défia l’Amérique conquérante

par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
jeudi 12 juin 2025

Sous un ciel poudré de neige, au cœur des Grandes Plaines en 1876, un homme aux yeux perçants défie l’horizon. Sitting Bull, chef spirituel et guerrier des Lakotas, murmure une prière au vent glacé avant de rallier son peuple contre l’avancée inexorable de l’armée américaine. Sa silhouette, drapée d’une couverture rouge, incarne une résistance farouche, un cri silencieux contre l’effacement d’un monde. Qui était cet homme, dont la vie oscille entre mythe et tragédie ?

 

L’homme et le visionnaire 

Dans les années 1830, sur les rives de la rivière Grand, dans l’actuel Dakota du Sud, naît un garçon nommé Jumping Badger, bientôt appelé Sitting Bull, ou Tatanka Iyotake, "Bison Assis". Fils d’un chef lakota, il grandit dans un monde où le bison dicte le rythme de la vie : ses sabots font trembler la terre, son souffle nourrit les âmes. Dès son adolescence, Sitting Bull se distingue par son courage. À 14 ans, il frappe son premier ennemi, un Crow, lors d’un raid, gagnant le respect de sa tribu. Mais c’est sa vision spirituelle qui forge son destin. Lors d’une danse du soleil, il reçoit une révélation : des soldats tombant comme des sauterelles, présage de victoire contre l’envahisseur blanc.

 

 

Cette vision, consignée dans les récits oraux lakotas et rapportée par le missionnaire jésuite Pierre-Jean De Smet dans ses lettres de 1868, révèle la profondeur mystique de Sitting Bull. "J’ai vu les étoiles tomber, et les hommes blancs s’effondrer sous nos flèches", aurait-il dit, selon les archives de la mission St. Francis. Cette foi en un destin guidé par Wakan Tanka, le Grand Esprit, devient le socle de sa résistance. Contrairement à d’autres chefs, il refuse la compromission, voyant dans les traités avec les Blancs une trahison des terres sacrées.

Pourtant, Sitting Bull n’est pas qu’un guerrier. Les témoignages de ses proches, comme ceux de sa nièce White Bull, décrivent un homme rieur, un père aimant qui sculpte des jouets en bois pour ses enfants. Ces détails humains, tirés des récits oraux collectés par l’ethnographe James McLaughlin, contrastent avec l’image du chef implacable. Ils peignent un portrait nuancé : un homme ancré dans sa culture, mais hanté par la menace croissante de l’expansion américaine.

 

 

Little Bighorn et l’éclat d’une victoire éphémère

En 1876, les tensions culminent dans les Black Hills, terres sacrées des Lakotas, profanées par la ruée vers l’or. Le gouvernement américain, pressé de confiner les tribus dans des réserves, lance une campagne militaire. Sitting Bull, alors âgé d’une quarantaine d’années, devient le pivot d’une coalition inédite entre Lakotas, Cheyennes et Arapahos. Sa vision de victoire, partagée lors d’un conseil tribal, galvanise les guerriers. "Nous combattrons pour nos enfants et les collines de nos ancêtres", proclame-t-il, selon un rapport d’un éclaireur de l’armée, le capitaine William Fetterman.

Le 25 juin 1876, la bataille de Little Bighorn marque l’apogée de sa résistance. Sous un soleil brûlant, au milieu des herbes sèches et des cris de guerre, les forces du général George Custer sont anéanties. Les récits des survivants lakotas, comme ceux du guerrier Rain-in-the-Face, décrivent Sitting Bull non pas au cœur du combat, mais comme un guide spirituel, priant et exhortant ses hommes depuis une colline. "Son chant était comme le tonnerre, il nous donnait la force", rapporte Rain-in-the-Face dans une interview de 1894. Cette victoire, bien que spectaculaire, est un chant du cygne. L’armée américaine, humiliée, redouble de fureur.

 

 

La répression s’abat. Sitting Bull, conscient que la survie de son peuple est en jeu, conduit une partie des Lakotas au Canada en 1877, fuyant les persécutions. Les plaines glacées de Saskatchewan deviennent un refuge précaire. Une lettre de Sitting Bull au gouverneur canadien, datée de 1878, révèle son désespoir : "Nous ne voulons que la paix, mais les Américains nous traquent comme des loups". Ce refuge, cependant, ne dure pas. La faim et la pression des autorités canadiennes le forcent à rentrer aux États-Unis en 1881, où il se rend à Fort Buford.

 

La captivité et le spectacle : l'humiliation d’un chef

Rendu à la réserve indienne de Standing Rock, Sitting Bull est désormais un prisonnier surveillé. L’odeur de la liberté des plaines cède la place à la poussière des réserves, où la faim et la maladie rongent son peuple. Pourtant, son aura reste intacte. Les agents fédéraux, comme James McLaughlin, craignent son influence. Dans un rapport de 1883, McLaughlin note : "Sitting Bull est un agitateur. Sa seule présence incite à la révolte". Cette méfiance reflète la peur d’un homme dont le silence même est un acte de défi.

En 1885, Sitting Bull accepte, à contrecœur, de rejoindre le Wild West Show de Buffalo Bill Cody. Sous les projecteurs des grandes villes, il parade devant des foules curieuses, son regard perçant contrastant avec les costumes de scène. Selon une anecdote rapportée par le journaliste John Burke, Sitting Bull aurait murmuré à Cody : "Je montre mon peuple au monde, mais mon cœur pleure les collines noires". Ce passage capture l’amertume d’un chef réduit à un spectacle. Il reverse une partie de ses gains aux pauvres des réserves, un geste qui témoigne de sa fidélité à son peuple.

 

 

Ce contraste entre l’icône publique et l’homme brisé est saisissant. Les lettres de spectateurs du Wild West Show, comme celle d’une femme de Chicago en 1886, décrivent "un Indien majestueux, mais dont les yeux semblaient perdus dans un autre monde". Sitting Bull retourne à Standing Rock en 1886, refusant de prolonger cette mascarade. Là, il retrouve une réserve sous tension, où la danse des esprits, un mouvement spirituel promettant la renaissance des anciennes traditions, gagne du terrain.

 

La fin tragique : l’assassinat de Sitting Bull

En 1890, la danse des esprits sème la panique parmi les autorités américaines, qui y voient une menace de soulèvement. Sitting Bull, bien qu’il ne soit pas un fervent adepte, tolère ce mouvement, y voyant un écho de sa propre foi en la résilience lakota. Les agents fédéraux, alarmés, décident de l’arrêter. Le 15 décembre 1890, à l’aube, une troupe de police indienne, sous les ordres de l’agence, encercle sa cabane. L’air est lourd, saturé de givre et de tension. Selon le rapport officiel de l’agent Bull Head, Sitting Bull aurait résisté, déclenchant une fusillade. Il est abattu, ainsi que son fils Crow Foot, âgé de 17 ans.

 

 

Un témoin, le Lakota Red Tomahawk, raconte une version différente : "Ils l’ont tiré de son lit, il n’a pas eu le temps de se défendre". Cette discordance, typique des récits d’époque, souligne la brutalité de l’événement. Une légende populaire prétend que, dans ses derniers instants, Sitting Bull aurait crié : "Je suis le dernier !". Son assassinat, loin d’éteindre son héritage, cristallise son image de martyr. Les Lakotas pleurent un chef qui, jusqu’à son dernier souffle, incarna leur lutte pour la dignité.

 

 

La mort de Sitting Bull marque un tournant. Quelques jours plus tard, le massacre de Wounded Knee scelle la fin des guerres indiennes. Pourtant, son nom perdure, gravé dans les chansons lakotas et les récits des plaines. Comme l’écrivait un officier anonyme dans un journal de 1891 : "Sitting Bull était plus qu’un homme ; il était l’âme d’un peuple qui refusait de plier". Son ombre continue de planer, défiant l’oubli.

 

 

"Chaque homme doit décider s’il marchera dans la lumière de l’altruisme créatif ou dans les ténèbres de l’égoïsme destructeur."

 

Sitting Bull


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