Agence Science-Presse : Aux claviers, citoyens !

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jeudi 14 mai 2009

Fini le temps où le monde médiatique n’était réservé qu’aux communicateurs et aux journalistes patentés ! Désormais, tout un chacun peut s’improviser journaliste d’un jour grâce au journalisme citoyen sur le web. Et Samia Mihoub, chercheuse au Groupe de recherche sur les usages médiatiques(GRM) à l’UQAM, avance même que cette forme de journalisme devrait être prise en considération par les journalistes professionnels !
 
« Il y a une complémentarité à construire et à chercher entre journalistes amateurs et professionnels », précise la chercheuse lors d’une conférence prononcée cette semaine au congrès annuel de l’Association francophone pour le savoir (ACFAS) à Ottawa. D’un côté, le citoyen fait preuve d’un certain recul que le journaliste professionnel n’a pas devant des événements. De l’autre, les journalistes maîtrisent cette déontologie propre à la profession que le citoyen ne connaît pas bien, nuance-t-elle.
 
La pratique d’un journalisme alternatif n’est pas nouvelle. « Il y a toujours eu des médias qui revendiquaient une indépendance vis-à-vis les médias traditionnels. Cela s’inscrit dans la logique de la professionnalisation. » La différence aujourd’hui, c’est que les outils et le support technologiques sont plus efficaces et assurent une meilleure visibilité. Le phénomène du journalisme citoyen, soit la production et la diffusion d’informations par des utilisateurs du web, prend ainsi de l’ampleur.
 
Et, selon elle, ce type de journalisme parallèle est profitable aux grandes entreprises de presse. « Le journalisme citoyen permet aux médias de masse de réaliser qu’il y a un problème, qu’ils ont failli à leur mission d’informer. Ils se rendent compte de la crise de confiance à laquelle ils font face. Ils ne peuvent plus fermer les yeux. » En effet, la logique marchande qui prévaut dans le monde des médias dérange de plus en plus les citoyens. « Le public n’est pas dupe. Il sait faire la différence entre une information neutre et objective et une qui ne l’est pas. »
 
Même si l’objectif des médias alternatifs est de parler d’événements qui ne sont pas traités dans les médias traditionnels, la tâche reste ardue. D’après les observations préliminaires de Samia Mihoub, « la révolution est lente à venir et les médias de masse restent dépositaires de l’ordre du jour », de la hiérarchisation des nouvelles.
 
Est-ce alors que le journalisme citoyen est l’avenir du journalisme ? Pourrait-on même aller jusqu’à dire qu’il remplacera le journalisme traditionnel ? « On ne peut pas trancher tout de suite. » La chercheuse ne croit cependant pas que l’un remplacera l’autre, mais qu’un plus grand enchevêtrement entre les deux apparaîtra. « Mais le journalisme citoyen pourrait aussi disparaître ! On ne sait pas ! C’est ce qui rend le sujet passionnant. »
 
Chose certaine, la montée en popularité du journalisme citoyen nécessite qu’un cadre éthique et une réglementation soient établis pour baliser la pratique, comme le souligne Samia Mihoub. Et c’est déjà commencé ! Le média citoyen européen AgoraVox, par exemple, est maintenant doté d’une politique éditoriale et d’une charte de rédaction pour justifier la sélection des articles mis en ligne. Quant à l’hostilité jadis forte entre journalistes professionnels et amateurs, elle commence à s’estomper. « Les uns se rendent compte qu’ils ont besoin des autres. » La méfiance fait place à la collaboration.
 
Julie Picard

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