Gare à l’univers prétendument bébête d’un Charles de Gaulle !... (6)
par Michel J. Cuny
lundi 7 juillet 2025
Après avoir vu comment se posait, dans les années 1930, la question de la répartition du pouvoir entre civils et militaires au sein même du Conseil supérieur de la Défense nationale, et après avoir mesuré ainsi ce que Charles de Gaulle avait pu alors en connaître, nous revenons à lui au moment où, à ce qu’il semble, André Pironneau, secrétaire général (rédacteur en chef) de ce journal, L’Écho de Paris, souventes fois présenté comme l’expression plus ou moins officielle du Haut-État-major, n’avait pas encore mémorisé l’orthographe de ce nom qu’il renvoie – involontairement sans doute – au temps des… Gaulois.
Non seulement, cette bourde est dans le texte publié le 31 mars 1932, mais elle est également dans le titre qu’un rédacteur en chef ne peut manquer de… contrôler tout de même un peu…
Si nous nous en tenons à la présentation qu’en ont fait les auteurs du livre Charles de Gaulle et l’irruption hitlérienne – Le gaullisme précurseur, 1932-1940, et tout spécialement Jean-Paul Thomas dont c’était la tâche particulière, voilà ce que nous en savons déjà :
« Le choix du texte par Pironneau (ou par l’auteur même ?) était-il innocent ? Il défendait les valeurs militaires immuables comme môle de sûreté pour la nation ; en les équilibrant par deux nuances fondamentales : que les peuples détestent la guerre et qu’ils en aient des « remords » est « salutaire » ; mais que « l’ordre international que notre époque essaie de créer » ne peut se « concevoir sans une force militaire pour l’établir et l’assister ». On peut juger qu’elle (?) préfigurait sa force de manœuvre mécanique de 1933. » (page 58)
La fameuse « force de manœuvre mécanique », ou encore le « corps cuirassé », seraient sortis de là : le remords populaire « salutaire » en face de la nécessité de la guerre, et la contrainte, pour maintenir l’ordre international, d’en passer tout de même par une « force militaire »…
Pour le reste, dans cette conférence-là – intégrée au livre Le fil de l’épée paru en 1932 à la Librairie Berger-Levrault -, il n’y aurait sans doute que le développement de cette petite affaire un peu bébête des bons sentiments et des dures nécessités, le tout étant placé sous un titre où apparait le mot : « prestige »… Au fait, c’est quoi, ça, le « prestige », dans ce contexte tout simplement bébête ? Le « prestige » de qui, de quoi ?...
Ma France, on te prend pour une parfaite imbécile !... et ce ne serait pas la première fois, ni la dernière… À moins que tu ne te donnes la peine de regarder un peu certaines des archives que Gallica convoie jusqu’à ton domicile, et gratuitement encore…
Dans le cas présent, vois-tu, c’est ici que cela se passe… Allons-y ensemble…
https://gallica.bnf.fr/ark :/12148/bpt6k814399d/f8.item.zoom
Soit dit avec davantage de gravité…
Dans l’actuel temps de préparation insidieuse de la jeunesse française à la guerre qui s’annonce, et tandis qu’elle se fabrique activement du côté d’une certaine élite économique et politique, il ne sera pas vain de mesurer ce qui est sous-jacent à la Constitution de 1958-1962, c’est-à-dire : celui qui a su en faire avaler l’amère pilule… il y maintenant de si nombreuses décennies…
Le « prestige » qu’il s’agit de faire renaître en s’en donnant les moyens se place dans cette perspective, nous dit le commandant de Gaule :
« Les soldats professionnels s’étonnent et s’indignent d’une situation morale diminuée. »
En temps de guerre, ces gens-là viennent se glisser – chacun à son rang – au-dessus du « troufion »… En temps de paix, ils en sont presque à raser les murs, et tout cela dans un contexte général qui ne leur fait pas la part belle…
« Les élites, comme les individus, n’ont plus le prestige de droit. »
Nous n’allons pas tarder à le comprendre : le prestige, chez De Gaulle, c’est l’attribut des « élites »… et rien que des élites… Dans la condition militaire, cela répond à un certain « esprit » dont elles sont imprégnées : il leur permet de prendre le dessus sur le commun des mortels, c’est-à-dire sur les masses…. En effet, ainsi que de Gaule le précise…
« La force des armes ne se conçoit pas sans un esprit à part qui l’organise et la vivifie. Mais justement cet esprit, tout en isolant les soldats, contribue à leur prestige. La masse éprouve à son égard la considération que suscite une grande puissance morale. »
Ici, le « soldat », c’est donc le professionnel doté de l’esprit militaire… Ce n’est pas la foule… Il se fait parfois aider par une idéologie que viennent entretenir toutes sortes de moyens d’information à destination du bon peuple…
« Voulût-on oublier l’histoire, que la légende, l’image, la chanson témoigneraient suffisamment de l’effet produit sur les foules du passé par la splendeur des armes. Et, quant au présent, il n’est, pour être fixé, que d’assister aux jeux des enfants, de voir le peuple figé devant le cercueil d’un Maréchal de France, ou le regarder courir au spectacle d’une troupe en marche. »
Que ce peuple vienne à souhaiter une guerre plus ou moins mondiale, sûr que le moindre militaire de carrière a déjà son bâton de Maréchal au bout du nez… Hein, Charles !
Michel J. Cuny