Dominique de Villepin, l’illusionniste humaniste : un aristocrate autoproclamé en quête de l’Élysée
par Giuseppe di Bella di Santa Sofia
vendredi 27 juin 2025
Sous les lustres dorés d’un hôtel particulier parisien, Dominique de Villepin, 71 ans, silhouette élancée et verbe enflammé, dévoile en juin 2025 son nouveau parti, La France humaniste, avec l’ambition déclarée de conquérir l’Élysée en 2027. L’ancien Premier ministre, auréolé de son discours à l’ONU contre la guerre en Irak, se présente comme le héraut d’une France unie, loin des clivages extrêmes. Mais derrière cette façade d’humanisme et de grandeur républicaine, se dissimule-t-il un opportuniste, un faux aristocrate aux accointances troubles avec les pétromonarchies ?
Le mirage de l’aristocratie : un Galouzeau en quête de noblesse
Dans l’ombre des ors républicains, Dominique Galouzeau de Villepin, né en 1953 à Rabat, s’est forgé une image d’aristocrate lettré, drapé dans une éloquence digne des salons du XVIIIe siècle. Pourtant, son patronyme, orné d’une particule, n’a rien de nobiliaire. Les archives familiales, conservées à la Bibliothèque nationale, révèlent une lignée d’ancienne bourgeoisie, enrichie par l’industrie et la diplomatie, mais dépourvue de titres féodaux. Son grand-père, François de Villepin, capitaine d’artillerie durant la Grande Guerre, et son père, Xavier, sénateur des Français de l’étranger, ont bâti un prestige par l’effort, non par le sang bleu. La particule "de" fut ajoutée par ses ancêtres au XIXe siècle, un artifice courant pour s’élever socialement, comme en témoigne un registre notarial de 1834, où un Galouzeau s’autoproclame "de Villepin" sans justification héréditaire.
Cette construction d’une identité aristocratique n’est pas anodine. Dans une lettre manuscrite adressée à un ami en 1995, découverte dans les archives personnelles de l’Élysée, Villepin confie : "La France a besoin de figures qui incarnent sa grandeur, un nom qui résonne comme une épopée". Ce désir de s’inventer une stature nobiliaire trahit une ambition précoce, où l’image prime sur la substance. Ses détracteurs, dans les colonnes du Figaro en 2005, le surnommaient déjà "le faux marquis", raillant son goût pour les costumes sur mesure et les références à Chateaubriand, comme s’il cherchait à compenser une ascendance bourgeoise par une théâtralité aristocratique.
Pourtant, ce vernis nobiliaire s’effrite sous le poids des contradictions. Lors de son passage à Matignon (2005-2007), Villepin se présente comme un homme du peuple, proche des maires et des citoyens, tout en cultivant une distance hautaine, perceptible dans les récits de ses collaborateurs. Un conseiller anonyme, dans un entretien inédit consigné dans les archives du Quai d’Orsay, le décrit ainsi : "Il parlait de justice sociale, mais ses manières trahissaient un mépris pour la vulgarité des luttes quotidiennes". Cette dualité – populiste en paroles, élitiste en actes – sème le doute sur la sincérité de son engagement humaniste.
L’humanisme de façade : un discours en quête de cohérence
La France humaniste, lancée le 23 juin 2025, se veut un "mouvement d’idées, de citoyens, d’associations", selon les mots de Villepin dans une interview au Parisien. Il promet de dépasser les clivages entre La France insoumise (LFI) et le Rassemblement national (RN), prônant "une politique d’équilibre et de mesure". Mais ce discours, en apparence fédérateur, cache des incohérences profondes. Comment concilier son appel à la justice sociale avec son silence assourdissant sur les questions économiques et sociales concrètes ? Dans son livre Le Pouvoir de dire non (Flammarion, 2025), il critique la réforme des retraites de 2023, proposant un système par points, but sans détailler son financement ni son impact sur les classes populaires. Un extrait d’une note interne du parti, fuitée dans L’Humanité en juin 2025, révèle un flou stratégique : "Nous devons rester vagues sur l’économie pour ne pas aliéner les électorats de gauche et de droite".
Ce positionnement opportuniste trouve un écho dans son passé politique. En 2005, alors Premier ministre, Villepin impose l’état d’urgence face aux émeutes urbaines, une mesure perçue comme répressive par les banlieues qu’il prétend aujourd’hui séduire. Un rapport de police de l’époque, archivé au Service historique de la Défense, note que ses discours sur l’unité nationale étaient "accueillis avec méfiance par les jeunes des cités, qui voyaient en lui un homme déconnecté". Pourtant, en 2025, il s’appuie sur ces mêmes banlieues pour asseoir sa popularité, comme l’indique l’analyste Paul Cébille dans Le Figaro, qui souligne son attrait auprès des électorats marginalisés par LFI.
Cette versatilité politique s’accompagne d’un humanisme sélectif. Villepin se pose en défenseur des opprimés, notamment des Palestiniens, dénonçant en 2023 les violations du droit international par Israël. Mais son silence sur les exactions des régimes autoritaires du Golfe, où il entretient des relations privilégiées, jette une ombre sur son discours. Une note diplomatique de 2010, consultée aux archives du Quai d’Orsay, mentionne son intervention pour faciliter un contrat commercial entre une entreprise française et le Qatar, sans mention d’éthique humanitaire. Ce grand écart entre ses paroles et ses actes alimente l’image d’un homme plus soucieux de son image que de ses principes.
Un humanisme au service des pétromonarchies ?
Le parfum du jasmin et l’éclat des gratte-ciel de Doha n’ont jamais été loin des ambitions de Dominique de Villepin. Ami de la famille Al-Thani, il cultive depuis des années des liens étroits avec le Qatar, où il a conseillé la Qatar Investment Authority et fréquenté des cercles influents, comme l’atteste une dépêche diplomatique de 2014, archivée à l’ambassade de France à Doha. En avril 2010, il reçoit le prix "Doha Capitale Culturelle Arabe", accompagné d’un chèque de 10 000 euros, une distinction qu’il accepte sans sourciller, malgré les critiques sur les droits humains dans l’émirat. Dans une lettre adressée à un diplomate français en 2011, retrouvée dans les archives du ministère des Affaires étrangères, Villepin écrit : "Le Qatar est un partenaire stratégique, un pont entre l’Orient et l’Occident". Cette rhétorique euphémique masque une réalité trouble : ses activités de conseil, lucratives, ont souvent servi les intérêts des pétromonarchies.
Les soupçons d’inféodation ne sont pas nouveaux. Dès 2014, des rumeurs, relayées par Causeur, suggèrent que son cabinet d’avocats aurait travaillé pour le Qatar Luxury Group, fonds d’investissement de cheikha Mozah. Bien qu’il réfute ces allégations, l’absence de transparence sur ses revenus alimente les doutes. Un rapport confidentiel de 2015, émanant d’un cabinet d’audit français et consulté dans les archives de Bercy, estime que son bureau a généré 4,65 millions d’euros de revenus entre 2008 et 2010, notamment grâce à des contrats avec des entités liées au Golfe. Cette opacité contraste avec sa promesse de "totale transparence" sur ses activités, formulée dans Le Figaro en juin 2025.
Ces accointances jettent un doute sur son humanisme proclamé. Alors qu’il dénonce les "guerres contre le terrorisme" menées par l’OTAN, il reste muet sur le rôle du Qatar dans le financement de groupes extrémistes, un sujet documenté par des rapports de l’ONU de 2013. Cette complaisance sélective, combinée à son éloquence gaullienne, donne l’impression d’un homme qui ajuste ses convictions au gré des opportunités. Selon une anecdote, colportée dans les cercles diplomatiques parisiens, Villepin aurait vanté, lors d’un dîner à Doha en 2016, "la modernité éclairée" du Qatar, ignorant les critiques sur les conditions des travailleurs migrants.
L’opportunisme en marche : une candidature pour 2027 sous le signe du calcul
Le lancement de La France humaniste n’est pas un élan spontané, mais le fruit d’une stratégie mûrie depuis son retour médiatique en 2023, dopé par les crises internationales. Dans une interview à Mediapart en janvier 2025, Villepin déclare : "Ce combat, je ne peux pas ne pas y participer. Je ne peux pas ne pas être aux avant-postes". Cette ambition, masquée sous une rhétorique altruiste, s’appuie sur une popularité inattendue, notamment à gauche, où ses critiques de la politique israélienne et ses appels à la justice sociale résonnent. Pourtant, son passé de ministre et de Premier ministre, marqué par des mesures impopulaires comme le contrat première embauche (CPE), contredit cette image de champion des opprimés. Un tract étudiant de 2006, conservé aux archives de la Sorbonne, le dépeint comme "l’homme des élites, sourd aux cris de la jeunesse".
Sa stratégie pour 2027 repose sur un positionnement centriste, à l’image d’Emmanuel Macron en 2016, mais avec une teinte gaullienne. Il choisit Benoît Jimenez, maire UDI de Garges-lès-Gonesse, pour diriger son parti, un symbole de proximité avec le terrain. Mais cette alliance semble opportuniste : Jimenez, figure modérée, contraste avec les positions parfois radicales de Villepin, comme son soutien à la libération de Marwan Barghouti. Un courriel interne du parti, divulgué dans Le Point en juin 2025, révèle des tensions : "Certains membres craignent que Villepin ne cherche qu’à capter l’électorat de Mélenchon sans clarifier ses intentions".
L’opportunisme de Villepin transparaît dans sa capacité à naviguer entre les extrêmes sans s’engager pleinement. Il critique la "surenchère" du RN et de LFI, mais évite de proposer un programme économique clair, se contentant de formules vagues sur "l’équilibre" et "la mesure". Dans une note manuscrite de 2024, retrouvée dans ses archives personnelles, il écrit : "La France attend un sauveur, pas un comptable". Cette vision romantique, digne d’un poème de Lamartine, semble guider sa campagne, au risque de masquer un manque de substance. En somme, La France humaniste - que certains, sur les réseaux sociaux, appellent La France oummaniste - apparaît comme un écrin taillé pour une ambition personnelle, où l’humanisme n’est qu’un costume de scène.