La rue de la plage …
par C’est Nabum
samedi 10 août 2013
Le Bonimenteur en vacances ..
Rue de tous les piétons …
J'aime à regarder le spectacle de la rue piétonne qui mène à la plage à l'heure où elle se réveille. Ensuite, elle devient bien vite un endroit infréquentable à bien des aspects. Prenons le temps d'observer ce microcosme étrange, ce raccourci de nos turpitudes estivales, des nouvelles mœurs de nos contemporains.
Il est bien tôt, la rue est déserte. Quelques camions viennent apporter leurs contingents de produits frais dans des estaminets alimentaires. Ils sont si frais qu'ils sont pour la très grande majorité congelés. C'est ainsi que la gastronomie et les vacances ne font pas bon ménage, il faut se résoudre aux produits factices.
Des échoppes s'ouvrent. Les vendeurs ont souvent le teint vitreux. La nuit a dû être courte. Ils confondent vacances et travail, c'est le propre des travaux saisonniers. Ils soufflent, chaque matin, il faut ressortir tout ce bazar qui se vend si mal. Bien souvent, les boutiques changent de destination à chaque saison, ce commerce est aléatoire, son insuccès garantie !
Les derniers noctambules passent une dernière fois par leur point de ralliement. Ils sont marqués par les excès de leur longue nuit. Ils ont essayé d'effacer les marques de leurs abus par un dernier plongeon dans l'océan. L'effet bénéfique n'aura été que de courte durée, ils grelottent et ont hâte de se coucher. Ils boivent un dernier café, sont enfin silencieux.
Le marchand de journaux sort tous les présentoirs. Il est toujours aussi peu aimable. Dés le matin, il porte sur sa trogne le poids de l'actualité. Il a bien de la chance d'avoir un commerce qui ne connait pas trop de fluctuation. D'année en année, on le retrouve, renfrogné derrière son comptoir. Le sourire ne doit pas faire partie de son référentiel.
Je me pause à la terrasse du Surf. Le patron est fort occupé à faire ses comptes. Sa nuit aussi a dû être courte. Pourtant, il tient à être présent à l'ouverture, saluer ses clients fidèles, ceux qui seront bien rares quand le flux des touristes aura cessé. Je commande un café frappé. Ce n'est pas à la carte, la serveuse m'assure qu'elle m'en fera un exprès pour moi, elle aussi aime cette boisson. Je la remercie !
Les premières vagues de clients arrivent. Ce sont des familles, des lève-tôt, des gens habillés en tenue de ville. Il faudra attendre un peu pour que les costumes se fassent de plus en plus légers. Plus la journée avancera et moins le tissus sera abondant. La fin de soirée donnera droit à quelques exhibitions savamment orchestrées, souvent de demoiselles qui n'ignorent rien de leurs charmes ostentatoires. Elles se vêtissent souvent d'un tatouage comme unique voilure.
Les premières odeurs d'huile frite ne vont pas tarder. Bientôt la rue ne sera que bouches ouvertes et parfums détestables. Les vacances réclament leur dose de crêpes, gaufres, chichis avec des glaces plus colorées les unes que les autres. Leurs couleurs fluorescentes semblent attirer les enfants comme des mouches, les parents ne sont pas en reste …
Tout ce monde marche et mange, c'est une vague humaine qui monte à la plage ou qui en descend. Il faut alimenter ses corps qui réclament les marques évidentes des vacances. Plus c'est mauvais et mieux cela doit paraître attrayant à ces gens pris d'une frénésie acheteuse. La rue sera bientôt noire de monde, un endroit bruyant et odorant, une reproduction parfaite du flot des grandes villes. Que c'est bon les vacances !
Bientôt, pour tout et n'importe quoi, il faudra faire la queue, se marcher sur les pieds, être apostrophé pour un achat indispensable, une petite pièce ou un artiste maudit. C'est le lieu incontournable, le but de toutes les sorties, le voyage au pays de l'abondance. Les terrasses sont pleines, la crise est soudainement oubliée.
Il y a longtemps que j'ai fui ce goulet encombré, ce traquenard sordide, ce lieu de perdition et de damnation. Les musiques amplifiées se dissolvent dans les odeurs douteuses, le va et vient hallucinant de la foule suit également son rythme interne. Les générations se succèdent sans vraiment se mêler. Plus l'heure avance dans la nuit et plus les cheveux gris disparaissent. Bientôt, ce ne seront que jeunes insouciants, adolescents qui semblent dépenser sans compter. Heureuse jeunesse qui ne connait pas le prix du labeur.
Vous trouverez une rue comme celle-ci en bien des endroits. Rien ne diffère, rien ne change vraiment. Curieusement je m'aperçois d'une chose étrange, la diversité de nos villes n'est pas invitée à la fête. Où est-elle ? Que fait-elle ? Ceci est une autre histoire !
Piétonnement vôtre.