Akhenaton : rap, religion et politique

par L’équipe AgoraVox
vendredi 7 mai 2010

"Je ne suis pas dans la haine de l'autre". Akhenaton trace son chemin. Artiste avant tout, ce Marseillais d'origine napolitaine qui a toujours regardé vers New York se tourne vers l'avenir. Ce qui ne l'empêche pas de poser un instant ses valises. Aujourd'hui, la quarantaine passée, le co-fondateur d'IAM, auteur et chanteur de raps introspectifs, décide de se confier. Nous l'avons rencontré dans le cadre des RDV de l'Agora.
 
« C'est l'histoire d'un gamin destiné à faire des études d'archéologie et qui finit par faire de la musique ». Ce gamin, c'est Akhenaton, alias Philippe Fragione, co-fondateur d'IAM en 1988. Nous l'avons rencontré à l'occasion de la sortie de son livre, La face B (Don Quichotte éditeur).
 
« De moi-même, explique-t-il, je n'aurais pas écrit ce livre. Mais je me suis pris au jeu. Eric Mandel [journaliste, co-auteur de cet ouvrage] m'a dit : "j'ai écouté des morceaux introspectifs que tu as pu faire au cours de ta carrière et j'ai envie de faire une bio". »
 
Ainsi est né La Face B, de la rencontre d'un journaliste passionné avec l'un des musiciens les plus ouverts et créatifs de sa génération.

IAM, contraction de « I am a man », mot d'ordre que les Afro-américains arboraient sur leurs pancartes lors des marches pour les droits civiques. Force est de constater, comme le remarque Akhenaton dans l'interview ci-dessous, qu'en quarante ans l'Amérique a fait bien plus de progrès que la France.
 
A part le rock dit alternatif, dans les années 80 et 90, le rap, ce journalisme citoyen avant l'heure, avec ses chroniques sociales, a été le seul porte-voix de ceux qu'on s'obstine à appeler les Français de la deuxième, troisième, quatrième génération.
 

La Face B est un livre qui vient à point, un signe de maturité, un retour en arrière introspectif pour Akhenaton. Mémoires, autobiographie ? On est proche de la confession orale, brute de décoffrage.
 
Et c'est très bien comme ça. Il faut l'écouter casque sur les oreilles avec la bande originale en arrière fond. Habilement construit, le livre propose une interaction entre les raps d'Akhenaton retranscrits in extenso (l'Americano, Entrer dans la légende, Je danse le Mia, Le soldat, Où sont les roses, Il n'est jamais trop tard...) et les propos de Philippe Fragione.

Ce dernier évoque sa vie (publique et privée), son enfance, sa famille, ses origines napolitaines, sa conversion au soufisme, sa passion pour l'égyptologie d'où il tire son pseudonyme, sa difficulté à s'insérer dans un système éducatif rigide, son intérêt pour d'autres cultures, d'autres musiques comme le rock (Led Zeppelin, les Rita Mitsouko dont il trace un portrait touchant), son amour pour la terre ancestrale, Naples, mais aussi pour Marseille et pour New York où il part très jeune en quête du rap.
 
C'est le parcours d'un petit français qui rêve d'être tout en haut, mais sûrement pas de bling-bling. La naissance du rap en France est un fait social. Akhenaton analyse la montée en puissance de ce mouvement culturel qui part de l'underground pour se massifier, à l'instar du rock. Il consacre une bonne partie de son livre à analyser comment on continue à percevoir cette musique non pas d'un point de vue esthétique, mais à travers la chronique judiciaire comme lorsque sort Eclater un type des Assedic où Alain Juppé lui-même le poursuit pour « incitation à la violence envers des agents de police du service public ».
 
Plus loin il explique qu'« En France, on aime tant s'acharner sur le rap. Et pour cause : c'est une musique produite en grande majorité par des fils d'immigrés, par des Noirs et des Arabes, entre autres, autant de personnes dont le pedigree et le statut social interdisent toute prise de position dans le débat public et que l'on déclare inaptes à développer une réflexion construite et nuancée ».

Pourquoi cette Face B alors que les raps d'IAM, ces chroniques qui disent tout d'une France laissée de côté, se suffisent à eux-mêmes ? « Le rap, explique Akhenaton, c'est beaucoup de constat, du vécu, je l'ai toujours fait caché derrière ma musique, mes vers, mon personnage public. Mais dans le livre c'est du factuel. On apprend des choses, notamment sur ma période new-yorkaise, mais ce n'est pas un livre avec de l'anecdote, du people, de la balance. »
 
Les amateurs de détails croustillants en seront pour leur frais. Les amateurs de rap aussi, d'ailleurs. Akhenaton s'adresse à tous et pas seulement aux aficionados. Tout est dit. Presque. Le reste est dans les chansons d'IAM, dans La face B... et dans ce RDV de l'Agora dans lequel Akhenaton se livre :
 
Dans cette vidéo, Akhenaton évoque le rap qui représente toute sa vie, mais également la situation politique française : "on est entré dans une ère ou tout le monde a peur de tout le monde" :
 
Akhenaton évoque notamment le modèle républicain français et dit son profond attachement à la France. Il parle de sa famille napolitaine, croyante et communiste et de sa conversion à l'Islam : 
 
Akhenaton évoque la scène rap française et souligne la diversité de cette musique :
 
Crédit photo : Iannis Pledel
 

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