Taddeï l’anticonformiste, de Dieudonné à Chomsky

par L’équipe AgoraVox
mardi 15 juin 2010

Depuis quatre ans Ce soir ou jamais suit son chemin. Un chemin de traverse, parallèle, en dehors des clous.
 
En deuxième partie de soirée, du lundi au jeudi, Frédéric Taddeï et son équipe concoctent cette émission qui décrypte l’actualité sous un angle culturel. La variété des thèmes abordés et la diversité des invités en font un rendez-vous sans équivalent dans le paysage audiovisuel français actuel.

Artistes, écrivains, intellectuels, ils sont six invités (en général), experts dans leurs domaines, à s’exprimer sur le sujet du jour : Séisme à Haïti, Eric Zemmour et Stéphane Guillon ou, plus récemment, assaut de la flottille Free Gaza par l’armée israélienne...
 
Sur le plateau ils débattent, se contredisent, ne sont pas toujours d’accord entre eux. Il arrive que le point Godwin soit atteint, mais l’animateur veille à ce que l’insulte ne prenne pas le dessus et que son plateau ne se transforme pas en tribune ou en tribunal.
 
Nous avons interviewé longuement Frédéric Taddeï à propos de son émission, mais aussi de l’Internet et en particulier d’Agoravox, site qu’il visite régulièrement. Une interview exclusive qui figure ci-dessous.
 
Taddeï agace pas mal avec son sourire en coin, son air de dandy et son apparente décontraction. Il prétend lui-même que dans son parcours se mêlent le hasard, la paresse et la chance. Après des vacances de dix ans, il se dit un jour qu’il fallait qu’il se mette à travailler : "J’ai envoyé des articles à l’Idiot international, l’hebdomadaire de Jean-Edern Hallier, le seul journal fait par des écrivains et non des journalistes, un vrai journal d’opinion, assez drôle."
 
Il y publie quelques articles. Et puis l’Idiot cesse sa parution. Il crée son magazine, Maintenant. A partir de là, son téléphone sonne. Le voilà chez Jean-François Bizot (Actuel et Radio Nova), puis sur Canal+ (Nulle part ailleurs), sur Paris Première, sur Europe1. Rachel Kahn l’appelle pour Ce soir ou jamais (parallèlement il anime D’art d’art sur France 2). L’aventure continue...
 
Particularité de Frédéric Taddeï : il invite des personnages qu’on n’ose plus convier ailleurs. Pour certains il est l’« un des derniers détenteurs d’espace de liberté au sein du paysage audiovisuel français ».
 
C’est beaucoup pour un seul homme. Par quel privilège serait-il seul le dernier détenteur de cet espace de liberté ? Dans les limites fixées par la loi on peut tout dire à la télé. Mais de cette liberté-là bien peu font bon usage. La preuve : Taddeï invite dans son émission qui il veut, c’est-à-dire des personnalités aussi contrastées qu’Alain Soral, Michel Collon, Shlomo Sand, Dieudonné, Marc-Edouard Nabe, Tarik Ramadan, Houria Bouteldja, Eric Laurent, Romain Bouteille, Alain Badiou, BHL, Alain Finkielkraut, Edgar Morin ou Guy Millière...
 
Pourquoi donc les autres animateurs sont-ils timorés, paresseux, conformistes ? Pourquoi choisissent-ils la facilité en invitant le fameux bon client qui crèvent l’écran et dont la réplique fait toujours mouche ? Le téléspectateur ne demanderait que ça, qu’ils se dégagent des ornières. Cela résoudrait certainement cette fameuse crise de la presse dont la corporation ne cesse de nous rebattre les oreilles.

On peut reprocher à Taddeï de vouloir créer le buzz en invitant des personnages infréquentables (comme on pourrait lui reprocher de ne pas les inviter !), mais qui oserait dire qu’il applique des recettes éprouvées ?
 
Bien sûr on a déjà vu Nabe, Dieudonné, BHL, Finkielkraut ou la hardeuse Katsumi plusieurs fois sur le plateau de Ce soir ou jamais. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt assure l’animateur qui préfère rappeler que certaines personnalités ne viennent quasiment que dans son émission, comme Paul Ariès, Edgar Morin ou, récemment, Noam Chomsky.
 
Pour Les RDV de l’Agora il nous explique comment il conçoit Ce soir ou jamais, comment il envisage l’avenir de la télévision et quel rôle y tient Internet. Il revient sur l’affaire Kassovitz, sur ses invités et il évoque au passage Agoravox en des termes plutôt flatteurs.
 
On vous le disait, un anticonformiste ! A un point tel que vous ne pouvez l’imaginer...

NDLR : Pour regarder les vidéos ci-dessous en Haute Définition (HD) activez le HD en cliquant sur le bouton en haut à droite de la vidéo.
 
Vidéo 1 : Quel rôle jouez-vous dans Ce soir ou jamais ?
 
 
« Je défie qui que ce soit de dire ce que je pense des sujets, des débats que j’anime. Je suis illisible. Je suis un animateur de débat. C’est moi, avec mon équipe, qui choisis les invités, c’est déjà une intervention énorme, je choisis ce qui me semble être le sujet d’actu le plus intéressant et sous quel angle on le traite.
 
J’invite des artistes et des intellectuels représentatifs. Je prends garde à ce qu’il y ait des antagonismes, des centristes et des excentriques, des contestataires, des hommes et des femmes, des vieux et des jeunes. Bref, la configuration idéale. Je veux qu’ils aient le temps de parler et qu’ils aient le temps de finir leur phrase. Je rends la parole à celui qui a été coupé. Quand on anime une émission comme celle-ci on doit bien connaître la loi... »
 
Vidéo 2 : retour sur "l’affaire" Kassovitz et le 11 septembre
 
 
« Le cas » Mathieu Kassovitz est exemplaire. Il a suscité de nombreux débats, notamment sur Agoravox. Est-ce que le débat sur le 11 septembre mérite d’aller sur la place publique. Kassovitz qui a prêté sa voix pour le documentaire Apocalypse explique qu’il a des doutes et que pour lui ce débat mérite d’étre posé.
 
Et donc je ne l’interromps pas. En face de lui ses contradicteurs Marin Karmitz, Ismaël Kadaré et Hélène Cixous lui disent qu’il a tort. Frédéric Taddeï a-t-il eu raison de laisser la parole à Kassovitz ? Cette question a été l’objet d’une mini polémique étouffée dans l’oeuf sur laquelle revient l’animateur.
 
Vidéo 3 : Y a-t-il de « bons clients » à Ce soir ou jamais ?
 
 
« En quatre ans, j’ai montré avec plus d’un millier d’invités, qu’il y avait des gens formidables : Paul Ariès, Romain Bouteille, Alain Badiou, Alain Finkielkraut, Edgar Morin, Claude Lanzmann
 
Je n’ai pas d’invité de service, mais j’invite souvent dans mes émissions des contestataires. On ne les aime pas parce qu’ils ne facilitent pas les choses dans les débats où l’on préfère inviter des gens qui sont à peu près tous d’accord.
Chez moi, Tariq Ramadan a le droit de finir sa phrase. On comprend mieux ce qu’il veut dire ! Guy Millière dit d’ailleurs que je suis le seul à l’inviter et à le traiter normalement, avec les égards que j’ai pour tous mes invités. Les rares fois où on l’invite à la télé c’est toujours pour le faire taire ».
 
Vidéo 4 : Subissez-vous la censure ?
 
 
« Jamais je n’ai reçu un coup de fil de la direction de France Télévision pour me dire de ne pas inviter telle ou telle personne. Aucun lobby, groupe de pression, parti politique, personne jamais ne m’a appelé. Je peux faire ce que je veux. Je suis libre.
 
Jamais personne ne m’a reproché d’avoir laisser Dieudonné s’exprimer. Et jamais je n’ai dit « regardez c’est Dieudonné, aimez-le ! ». Je lui ai laissé l’occasion de s’expliquer comme je l’ai laissée à tous mes invités.
 
On a dit que Ce soir ou jamais était la voix de la France. Toutes les diversités s’expriment. On est dans une démocratie. On a le droit de parler. Tout va bien. Si les gens que j’invite, d’autres ne les invitent pas, c’est uniquement parce qu’ils n’osent pas... »
 
Vidéo 5 : "Je suis le premier à avoir montré Internet à la télévision"
 
 
« Je pense à Internet tout le temps et ça ne date pas d’hier », rappelle Frédéric Taddeï dans cette séquence où il évoque l’avenir du Net lié intimement, selon lui, à celui de la télévision.

Vidéo 6 : "L’arrivée d’Internet marque la fin d’une certaine autorité"
 
 
« Jusqu’à présent il y avait une autorité. Avec Internet c’est la fin de cette autorité-là. Elle est partout et nulle part. Chacun est émetteur. La classe dirigeante se méfie donc d’Internet. Et peut-être non sans raison. Tout vaut tout, tous les avis se valent.
 
Et moi aussi je me méfie d’Internet, mais cela n’a pas de sens. On a dit autant de sottises à propos du train, du téléphone, de la radio... Être contre Internet est un combat d’arrière garde, de conservateurs, de gens qui ont un pré-carré à défendre ».
 
Vidéo 7 : Agoravox permet de se faire son opinion parce qu’il fournit tous les éléments
 
 
«  Agoravox est un site que je visite très régulièrement. J’y ai très souvent lu des articles véritablement bien faits. En particulier sur l’affaire Kassovitz. C’est véritablement le travail le mieux qui a été fait. Un travail d’information formidable. J’ai toujours vérifié une grande qualité d’information sur Agoravox. On peut se faire son opinion parce que on a tous les éléments. »
 
Vidéo et photos : Iannis Pledel - Texte et interview : Olivier Bailly
 
Nous remercions Mme Emmanuelle Silve-Tardy (Direction de la Ville de Neuilly sur Seine) de nous avoir autoriser à réaliser cette interview dans le théâtre municipal Le Village, ainsi que sa directrice, Mme Danièle Divanach. 
 
 
 

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