Le barbecue

par C’est Nabum
samedi 19 avril 2025

Qui billet qui tranche

 

Ça sent les vacances…

 

Et si on sortait le barbecue ? Après sa longue trêve hivernale, l'objet piétine d'impatience afin de mettre enfin le nez dehors. Il a sans doute besoin d'un bon coup de brosse métallique sur ses grilles et d'une circonstance qui vaille la peine de l'honorer comme un Dieu de l'Olympe. Il est vrai qu'il exige des servants, des personnes totalement inféodées à son service et des adorateurs de la carne sous toutes ses formes.

Ne rentrons pas dans la querelle des anciens et des modernes ni dans les débats sempiternels à propos de sa source énergie : gaz, électrique ou bien à combustion. C'est sur le feu qui couve que va ma préférence, sans doute pour me remémorer les feux de camp de l'enfance. Je tairais ainsi les mises en garde des hygiénistes, des gardiens de l'environnement ou encore des experts en considérations sanitaires…

Le bon vieux barbecue a donc tout lieu de se réjouir de la magnifique pièce qui lui sera servie comme offrande pour célébrer son retour à la vie. Pour aggraver mon cas au risque d'être voué aux gémonies, c'est une côte de bœuf qui attend son heure, mettant elle aussi le nez à la fenêtre avant de griller pour notre bon plaisir.

Je sais les griefs qui vont immédiatement assaisonner ce plat d'un autre temps, paradigme d'une surconsommation délirante et d'une domination de l'espèce humaine sur ses compagnons animaux. Ce crime sera bientôt passible du bûcher mais en attendant ce jour noir, je fais encore honneur au boucher et à l'éleveur. C'est d'ailleurs deux représentants de ces activités en voie d'extinction qui se chargent de mettre le feu.

Le premier point à examiner pour nos officiants avant la grande liturgie sacrée réside dans le choix de l'emplacement du bûcher. Le sens du vent joue un rôle prépondérant dans cette décision de la plus haute importance. Une erreur d'appréciation et ce sont tous les convives que se trouveront sous le vent et auront le bonheur de sentir le boucané.

L'autre question majeure portera sur le choix et la nature du combustible. Si le charbon de bois a un rôle irremplaçable pour produire une braise parfaite, il convient cependant de lui mettre au préalable le feu au derrière afin qu'il ne lambine pas en chemin. Notons au passage que l'allume barbecue est ici banni à jamais et que son usage relèverait du blasphème et de la faute de goût.

Puis se posera naturellement le choix de la cuisson. Les convives en font voir de toutes les couleurs à nos marmitons qui se trouvent confrontés à un problème insoluble à moins de couper la côte en quatre. Du côté de la cuisine il convient de calquer son rythme de préparation sur celui d'un feu qui parfois s'emballe mais qui toujours dispose. Les accompagnements devant comme dans un orchestre se mettre au diapason du soliste.

Enfin quand tout est réglé comme du papier à musique, il n'est que temps de passer à table à l'incontournable condition que le responsable de la divine boisson soit en mesure de remplir les calices en harmonie avec le plat du jour. Là encore, il n'est pas question de servir trop frais un vin rouge corsé ou capiteux, selon les préférences, afin de célébrer cette magnifique eucharistie avec un pain digne de ce nom.

Les fidèles se précipiteront à la grande table pourvu qu'ils soient tous des adeptes de ce rituel des temps anciens. Les mécréants des autres obédiences culinaires n'iront qu'à se faire cuire un œuf à l'exception notoire des végans qui feront ce qu'ils peuvent. Je me presse d'atteindre le point final de peur d'être oublié lors du service de l'apéritif. Je vous laisse donc à vos jugements et je me précipite rejoindre tous ces hérétiques qui osent encore célébrer pareil sacrifice en plein Carême et qui plus est, un Vendredi Saint !


Lire l'article complet, et les commentaires