Anthropomorphisme routier

par C’est Nabum
dimanche 27 avril 2025

 

Que c'est bête !

 

C'est entre chien et loup que se déroula un de ces faits divers routiers qui alimentent la rubrique des chiens écrasés. Nous sommes sur une route de campagne que jadis l'on qualifiait de vicinale. Sur la chaussée nulle trace blanche pour montrer la voie tandis que l'accotement faisait la part belle aux nids de poules et autres anfractuosités piégeuses.

Une deux-chevaux allait paisiblement son train de sénateur. Le conducteur, myope comme une taupe se traînant tel un escargot ce qui ne n'était pas du tout du goût d'un jeune homme, tête brûlée et chien fou qui faisait le coq au volant de sa coccinelle pour faire de l’esbroufe à une charmante poulette aux yeux de biche, passagère ramassée sur son parcours alors qu'elle faisait de l'auto-stop.

Pour corser le tableau, il pleuvait comme vache qui pisse alors qu'un froid de canard menaçait de transformer le bitume en une terrible patinoire. Rien cependant pour inciter ce jeune homme à user de prudence alors qu'il fondait sur la Citroën à vive allure. En dépit d'une visibilité réduite, le jeune loup s'engagea inconséquemment dans un dépassement des plus risqués.

C'est alors que se dressa sur son chemin un dos d'âne au moment précis où il dépassait le véhicule qui lambinait. Contraint de faire une méchante queue de poisson, la coccinelle ne peut néanmoins éviter la perte de contrôle avant de terminer son envol contre une barrière qui délimitait un pré où paissaient des vaches. Le choc froissa l'aile ce qui sommes toutes n'était que de la roupie de sansonnet pour ce fils de carrossier mais provoqua un vilain coup du lapin à sa dulcinée.

Il parvint à rétablir la situation avant de se garer sur le bas-côté pris soudain d'un vilain cafard devant une aventure qui tournait à son désavantage. Il n'était pourtant pas au bout de ses peines puisqu'une alouette bleue de la gendarmerie arriva sur ces entrefaites. Fidèle à la tactique chère à la profession, le poulet surgit souvent au moment le moins propice.

Le fonctionnaire demanda des nouvelles d'une passagère quelque peu endolorie tandis que son chevalier servant, un chat dans la gorge ne put fournir d'explication aux questions de pandore. La situation prit alors plus mauvaise tournure encore lorsqu'il dut avouer qu'il n'avait pas ses papiers sur lui. « Je suis un peu tête de linotte ! » plaida le chauffard pour sa défense quand le brave conducteur de la deudeuche arriva en l'agonisant de noms d'oiseaux.

Les deux hommes en vinrent aux mains devant un représentant de l'ordre médusé qui ne savait plus sur quel pied dansé. L'état de la jeune femme le préoccupant d'avantage que l'algarade qui mettait aux prises ces deux bourriques qui dans les conditions présentes, le faisaient tourner chèvre.

Il fallut un coup de sifflet strident pour ramener à la raison ces deux coqs de combat qui soudain prirent conscience de la stupidité de leur comportement. C'était à croire qu'ils faisaient tous deux l'autruche pour ne pas prendre en compte l'état de la pauvre passagère, vraiment mal en point. C'est même avec des yeux de merlans frits que tous deux se tournèrent vers la pauvrette qui souffrait de plus en plus.

Dans de telles circonstances, le gendarme fort heureusement avait eu la présence d'esprit d'appeler les secours se moquant un temps du tour de cochon que lui jouaient ces deux lascars qui finirent par se réconcilier dans le panier à salade. Une ambulance pris en charge la blanche colombe qui en fut quitte pour un gros torticolis tandis que l'homme à la coccinelle perdit tous ses points.

Les deux véhicules immobilisés sur le bas côté, après s'être fait remonter les bretelles par la maréchaussée, nos deux protagonistes rentrèrent au pas de l'oie chez eux, la tête et la queue basse. Ils avaient fait les ânes, fidèles qu'ils étaient à leur réputation de tête de mule. Pour confirmer cette désignation, le gendarme fit mettre deux sabots de Denver, l'un à la coccinelle et l'autre à la deudeuche.


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