Une histoire de faubert
par C’est Nabum
mardi 6 mai 2025
Un billet très terre à terre.
Ne reculant devant aucun sujet et aimant m'abaisser à aborder des thèmes qui ne sont pas jugés digne d'intérêt, je me lance une nouvelle fois dans un écrit qui sera jugé à tort très terre à terre. Tout d'abord parce que l'histoire de la chose tendrait à supposer que c'est surtout mer à terre qu'il conviendrait de qualifier l'épopée du faubert, cet ustensile si peu connu des élites puisque rangé dans la catégorie des outils pour nos techniciennes et techniciens de surface, ceux qui travaillent au petit jour ou à la toute fin de la soirée pour que les gens importants n'aient pas à croiser leur chemin au risque de laisser des traces comme le fit jadis un certain DSK…
Rendons aux marins la paternité de cette chose qui selon ceux qui en promeuvent l'usage, aurait transformé radicalement la manière de passer l'éponge. Je devine le propos abscons et je dois me faire plus précis juste avant de prendre le manche du balai. Acceptez donc de me suivre sur le pont d'un navire en haute mer à l'époque héroïque de la Navale au risque de prendre des seaux de mer sur la tête.
Il est inutile de rappeler le souci de propreté des officiers à bord qui n'hésitaient jamais à coller des corvées aux matelots afin qu'ils briquent ponts et entre-ponts avec vigueur et célérité. La chose domestique n'avait donc aucun secret pour ces hommes qui ne rechignaient pas à laver à grandes eaux en un lieu où celles-ci ne venaient jamais à manquer.
Un autre élément qui ne manquait pas à bord. L'éloignement des familles et des amis mettait inévitablement l'équipage devant l'obligation de tuer le temps en différentes tâches subalternes qui échappaient aux obligations de service. C'est ainsi que certains se mirent à tresser des cordages pour devenir maîtres dans l'art du matelotage.
Il importe tout d'abord de choisir des fibres de chanvre qui vont être tournées ensemble afin d'obtenir des fils de caret. Ensuite, il s'agit de réunir ensemble nombre de ces fils de caret tout en les tordant dans le sens inverse de leurs fibres. Ceci constitue alors des torons qui sont tordus de gauche à droite.
L'ultime phase cherche à réaliser un cordage commis pour lequel les torons sont réunis puis tournés ensemble dans le sens inverse des fils de caret. Avec ce cordage tressé, les torons sont ainsi réunis tout en étant croisés entre eux. Fixés au bout d'un manche pour essarder c'est à dire éponger le pont, le faubert naquit donc de l’ingéniosité de nos marins assignés à la corvée. On les appela les fauberteurs et un grand pas dans les corvées domestiques allait être franchi une fois cette formidable innovation descendue à terre lorsque les matelots se mettaient en ménage.
L'idée ne s'arrêta pas en si bon chemin puisqu'il restait des inconvénients majeurs dans l'utilisation de la chose. Il fallait se baisser, mettre les mains dans l'eau et utiliser un seul seau qui indifféremment recevait eau de lavage et résidus du rinçage. La mécanique vint au secours des gens souffrant du dos tandis que le doublement des contenants permis de clarifier la situation de l'eau de lavage.
Le balai à franges vit le jour au cœur de cette course à la modernité, laissant la serpillière sur le carreau. Il devint ce faubert qui équipe tous nos professionnels des surfaces carrelets. Le chariot, pour conséquent qui soit, impose le respect et place son utilisateur néophyte devant un certain nombre de questions. C'est précisément ce qui me poussa, au sortir d'une expérience peu glorieuse, à me pencher sur l'histoire de ce balai qui évite de se courber.
J'espère avoir parfaitement balayé le sujet dans toute sa dimension historique tout en vous ouvrant de nouveaux horizons sur une activité souvent dans l'ombre. Qu'importe si notre faubert récalcitrant ne fut pas à franges mais prolongé par une serpillère. Je ne vais tout de même pas narrer nos ridicules tentatives d'en user convenablement.