13 militaires français arrêtés en Syrie ?

par heliogabale
lundi 12 mars 2012

Depuis quelques semaines, les forums et blogs bruissent d'une rumeur : des militaires français auraient été capturés à Homs par les forces loyalistes syriennes. Ces derniers jours, cette rumeur a pris une plus grande ampleur lorsque le quotidien anglophone libanais The Daily Star, en s'appuyant sur une source palestinienne, a relayé la même information, tout en précisant le nombre de treize officiers français.

Cette information a été reprise par de nombreux médias à travers le monde, notamment le très sérieux The Telegraph. En France, à l'exception de France soir, de Médiapart (dans sa partie blog, et dans son édition anglophone) ainsi que quelques sites obscurs affiliés à l'extrême-droite, c'est le silence total.

Pourtant ! Le Quai d'Orsay a réfuté l'information par l'intermédiaire d'un de ses porte-paroles, tandis que le ministère de la Défense refusait de faire tout commentaire, en s'abstenant de confirmer ou d'infirmer cette information.

Pourquoi cette omerta ? Invoquer la déontologie est à mon avis totalement contre-productif. Il est vrai qu'à l'origine de cette rumeur, il y a Thierry Meyssan, ostracisé pour ses prises de position polémiques, notamment sur la version officielle du 11 septembre et qui semble avoir de fortes proximités avec le pouvoir syrien en place. Néanmoins, cette rumeur a fait en quelques jours le tour du monde, a obligé les autorités françaises (via le ministère des affaires étrangères) à réfuter les faits supputés par l'article du Daily Star. Ces quelques événements auraient dû suffire aux médias français pour répercuter l'information, bien évidemment avec les règles de prudence qui prévalent quand on publie une telle info, notamment l'utilisation du conditionnel et la citation des sources.

Y aurait-il alors un cas typique d'auto-censure ? Probablement. Pour les lecteurs qui ne réalisent pas la portée d'une telle information si elle devait s'avérer vraie, je leur rappelle l'article 35 de la constitution :

« La déclaration de guerre est autorisée par le Parlement. Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n'est suivi d'aucun vote. Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée nationale de décider en dernier ressort. Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l'ouverture de la session suivante. »

La présence de militaires français sur un sol étranger sans l'accord du parlement est donc illégale : ceux qui prendraient (je souligne le conditionnel) une telle décision sont passibles des tribunaux pour atteinte à la sûreté de l'état et/ou haute trahison. Pour les médias ayant un impact national, diffuser une telle information, c'est prendre le risque délibéré d'affaiblir le pouvoir exécutif (que l'information soit vraie ou non, qu'il soit directement impliqué ou non) sortant à moins de six semaines du premier tour de l'élection présidentielle. C'est prendre le risque d'affaiblir une république de type monarchique, où le risque de concentration des pouvoirs par l'exécutif au détriment du parlement, détenteur du pouvoir législatif, est toujours latent. 

Un article du Canard enchaîné daté du 29 février et qui s'intitule "Une internationale de barbouzes prépare un coup d'Etat" laisse entrevoir la plausibilité du scoop du Daily Star, tout en présentant l'envoi de conseillers militaires occidentaux et arabes, français en particulier, comme une possibilité (sur le court terme) et non pas comme une réalité observable sur le terrain.


Cependant, il est très probable que des combattants, pour certains très proches de la branche salafiste, provenant des quatre coins du monde arabe (en particulier des Libyens, des Saoudiens et des Qataris) participent aux combats contre l'armée syrienne. Les mêmes sources qui font état de la capture de militaires français, évoquent également l'arrestation de militaires turcs. 

Pour être complet, les relais de l'opposition syrienne et l'armée syrienne libre évoquent quant à elle la présence de plusieurs milliers de soldats d'élite iraniens venus soutenir le régime alaouite. D'autres, comme Georges Malbrunot, ("Des militaires russes omniprésents en Syrie"), parlent d'instructeurs russes venus pour modérer la répression syrienne et restaurer l'influence de la Russie dans la région.


Le traitement de l'information en Syrie fait fi de la complexité des enjeux géopolitiques (tout en privilégiant une histoire à l'eau de rose où il y aurait forcément des gentils d'un côté et des méchants de l'autre, tout en nonobstant l'éventualité qu'il y ait des méchants un peu partout), notamment des rapports entre grandes puissances (occidentales d'un côté, russe et chinoise de l'autre) qui sont en train de se geler et font peser le risque d'une résurgence de la guerre froide, sans que l'on puisse pour le moment délimiter les frontières de ce conflit ou encore la position. Dans une telle optique, le conflit syrien pourrait déboucher sur un conflit régional global, source d'instabilité et de chaos mondial. 


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