17 mars 2021, du jour d’après au jour sans fin ; désarroi durable de la société

par Bernard Dugué
mercredi 17 mars 2021

 Il y a un an, le président Macron utilisait le bazooka sanitaire et confinait le pays. Cet épisode fut pris avec légèreté et circonspection par les Français. Puis l’été arriva et le virus se calma pour reprendre de la vigueur dès le début de l’automne. L’espace de quelques mois nous pensions en avoir fini avec ce virus. Puis les bars, cinémas, restos et spectacles furent fermés. Couvre-feu quelques semaines, puis confinement en décembre, allègement pendant quinze jours, couvre-feu à 20 heures pendant les fêtes, puis à 18 heures dès janvier, puis le week-end dans deux départements. Le monde d’après, imaginé comme une reprise de la machine sociale, avec ses productions, ses habitudes et de nouveaux modes culturels, n’est pas arrivé. Nous sommes plongés, englués dans un « certain monde » devenu anxiogène pour ne pas dire cauchemardesques. Des gamins de moins de 10 ans dépriment, ne dorment plus, ont parfois des idées suicidaires. Le monde du spectacle agonise lentement. Les cafetiers et restaurateurs sont en difficulté. Et personne ne voit le bout du tunnel. Le PM Castex a même annoncé que les vacances d’été ne seraient pas toutes à fait ordinaires, comme les autres années. Que faut-il entendre dans cette formule sibylline ? Le président Macron a laissé planer le spectre d’un confinement en Ile-de-France. Les Franciliens se demandent quelle sera la note à payer et les provinciaux épargnés par les mesures drastiques se demandent combien de temps le sursis sera de rigueur. Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, le vaccin AstraZeneca, le moins cher et le plus facile à manipuler, vient d’être suspendu pour des raisons non scientifiques liées à la folie médiatique qui s’est emparée des cerveaux.

 

 Sur les plateaux médiatiques, un certain monde d’après s’est installé durablement avec le virus. Chaque jour, les médias organisent des conseils scientifiques avec des journalistes, des élus politiques, des peoples, des consultants, des chefs de service, des syndicalistes, des porte-paroles de formation politique, bref, des tas de gens qui ne maîtrisent pas les sujets scientifiques, se comportant comme des sachants donnant un avis sur les masques, les vaccins, les traitements, les mesures sanitaires, commentant les projections, critiquant les mesures gouvernementales, les attitudes des Français. Finalement, rien de nouveau si ce n’est que l’épidémie occupe une place prépondérante dans les médias et que si l’on suit les unes des journaux et les discussions de plateau, nous avons le sentiment qu’un seul horizon nous est offert, celui de maintenir le pays en marche et de maîtriser le Covid « coûte que coûte » en vie sociale et en argent. Plus beaucoup de place pour les faits de civilisations. Seuls les faits de sociétés entrecoupent les infos sanitaires et récemment, les violences des ados avec les quelques émeutes sporadiques dans les zones urbaines. Depuis des années, les directeurs des chaînes se préoccupent des diversités amenées à être visible dans l’espace médiatique. Or, nous n’avons pas beaucoup constaté la diversité. Sont apparus sur les chaînes d’info en continu les médecins, les chefs de services, les statisticiens, les consultants, les porte-paroles, les syndicalistes, les intellectuels qui savent tout sur la société. Mais nous n’avons pas beaucoup vu les jeunes à la peine, les étudiants sans travail, rivés dans leur studio, les mères de familles, les sportifs, les travailleurs, les acteurs, les artistes, les saltimbanques, les seniors, bref, la France dans son ensemble, qui peine, souffre et attend indéfiniment la quille après déjà un an de sévices sanitaires.

 

 Les Français ne sont plus en mesure de comprendre la situation et que chacun tente de sauver sa peau alors que la plupart sont préservés par les mesures de l’Etat ou leur statut professionnel stable. C’est une étrange atmosphère qui règne. La société française, et pas seulement elle, a été gagnée par une sorte de folie collective qu’on n’a pas connue depuis 80 ans en Europe. La puissance techno-sanitaire alliée à l’impuissance sociale conduit la nation vers une direction inconnue. Finalement, nous ne sommes plus maîtres de notre destin comme l’a suggéré hâtivement le président Macron, maître des horloges reconnaissant que le virus mène le jeu et que nous devons le suivre. Les jours d’avant semblent loin et les jours sans fin rythment notre quotidien sans voir le bout du tunnel. Pendant l’automne, des dates avaient été annoncées pour une improbable réouverture des lieux fermés. Actuellement, aucune perspective n’est prévue à part fermer le couvercle en fonction de la situation et de l’état d’abattement de la population. Nous n’étions pas prêts à vivre ainsi, en 1940 non plus. Le problème est différent néanmoins. Nous n’avons pas un ennemi sur lequel tirer et qui pourrait être amené à capituler. Un virus ne capitule pas. Seules les défenses immunitaires finissent par le mettre hors d’état de nuire, ou du moins, le rendre moins virulent. Un virus mute aussi, ce qui confirme que nous ne sommes pas maîtres du jeu. Maîtres de nos vie, certainement, encore faudrait-il reprendre la main sur les forces morales, intellectuelle, et ne plus avoir peur, ni de la maladie ni de la mort.

 

 Et pour d’autres, espérer dans un salut vaccinal ou une improbable découverte majeure effectuée par un non moins improbable Darwin de la virologie.

 


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