2014, extension du domaine chaotique et de la bętise chronique

par Bernard Dugué
mardi 31 décembre 2013

L’année 2013 se termine, les rédactions meublent le temps d’antenne avec les rétrospectives sans faire preuve d’une grande originalité. Dans tous les coins de France, les gens se préparent à fêter la nouvelle année alors que d’autres réfléchissent à ce que 2014 nous promet. Les seules choses dont on est certain qu’elles arrivent, ce sont les choses imprévues. En 2013 il y en eut, de l’affaire Snowden à la crise politique sur la Syrie sans oublier le président Morsi débarqué par l’armée. Ce ne sont que des événements s’inscrivant dans une tendance ; des véhicules de symboles puissants sur l’état du monde. On se doutait que le monde était surveillé, maintenant on ne doute plus. On émettait quelques doutes sur l’avenir du printemps arabe, maintenant, on sait ce qu’il en est. On imaginait que la Russie revenait sur la scène géopolitique, maintenant, avec la crise syrienne, on est sûr. Monsieur Poutine pourra célébrer la grande Russie éternelle qui organise les JO d’hiver. Et le Brésil se prépare à célébrer son émergence avec le Mondial de foot.

Le bon sens incline à penser que l’année 2014 épousera quelques contours calqués sur les événements de la fin de l’année 2013. Si tel est le cas, alors attendons-nous à voir le chaos et la bêtise gagner le monde. On commémorera 1914 et la mort de Jaurès. C’était une autre époque. D’abord les citoyens marqués par le patriotisme ou pire, le nationalisme. Et puis des blocs solides, les Etats-Nations, réunit dans des alliances stables, triple entente, triplice. Et des tensions résolues après quatre ans de boucherie sur les fronts. 2014, les blocs n’existent plus, les alliances sont floues et instables, les combattants sont des rebelles, des mercenaires, des activistes, des factions, mais sans organisation étatique pour les contrôler. On se demande comment des conflits, tels que ceux du Mali, du Soudan, de Centrafrique, d’Afghanistan, d’Irak ou de Syrie, peuvent se terminer. On imagine un terrible dessein aussi certain que l’entropie galopante. On ne voit pas qui pourrait stopper cet engrenage de la violence. 2014 ce sera l’extension du domaine chaotique. Chaque mois, des dépêches sinistres sur les événements du monde. Espérons que le Moyen Orient ne soit pas le théâtre d’un conflit généralisé comme en 1914.

Extension du domaine de la bêtise. 2014 sous le signe de la quenelle et la querelle stérile. Bientôt, le bras d’honneur sera considéré comme un signe nazi. Bref, cette lamentable comédie médiatique ne laisse guère augurer d’un avenir guidé par la raison et l’intelligence. Les politiques sont impuissants et autistes, souvent dans le déni de réalité. Ne sachant plus comment sortir le pays de la crise, ils se focalisent sur la quenelle. En fait, la crise est de civilisation et la bêtise en est un signe. Il n’y a plus d’unité républicaine. Les finances sont malmenées par une gestion mauvaise des finances publiques. Qui dure depuis des décennies. Il n’y a pas de solution et la politique est même un problème. Cette année 2014 verra la bêtise atteindre quelques sommets, notamment avec le cirque médiatique autour des élections municipale et européenne. Crise de nerf assuré autour de la montée du FN. La bêtise sera de tous des rendez-vous politiques, présente dans tous les partis, sans exception. Les problèmes actuels conjuguent les erreurs passées, les mauvaises décisions, et les structures bancales de l’économie, la politique, l’Etat, sans oublier l’état de déficience intellectuelle consécutif aux médias de masse.

La bêtise marque un achèvement de la civilisation moderne, avec l’échec de la raison et de la religion. Les médias de masse tirent la société vers le bas. Pour preuve, non seulement la quenelle mais aussi l’agitation autour de l’état de santé de Michael Schumacher après son accident de ski. Comme si le destin de la France était concerné. Des conférences de presse et des tas de journalistes pour faire le point sur le cerveau de Schumacher. Même Ionesco n’aurait pas imaginé un théâtre aussi absurde. A se demander si les médias ne sont pas fascinés par le morbide. Et puis, un pilote de formule 1 traité au même niveau qu’un chef d’Etat, faisant la une alors que de terribles attentats frappent Volgograd, ville maudite s’il en est, depuis la tragique bataille de celle qu’on appelait alors Stalingrad, la plus sanglante de toute l’histoire.

La télé tire la société vers le bas. Avec d’autres médias et pas seulement en France car aux States, les grands journaux sombrent dans la médiocrité. C’est l’un des facteurs conduisant à la crise de civilisation. Un peuple rendu sot ne peut pas se forger un destin d’exception. Pauvre France si riche de son passé culturel et qui se complait dans la promotion de la médiocrité. Avec en plus des financements publics. La télé de Sébastien et Drucker qui starise les Shirley, Dino et autres Eric Antoine, France Inter qui vire deux humoristes corrosifs pour les remplacer par les nouveaux comiques troupiers. Une télé qui assure le culte des idoles et se prépare à célébrer le plus populaires des sports, celui qui est joué par des cons, dirigé par des incapables et corrompus, regardé par des abrutis. Brazil 2014. Une télé qui prend soins des petits enfants que nous sommes, religion cathodique, journalistes maternants, nous expliquant comment il faut manger, préparer les fêtes, être prudent sur les pistes, ne pas manipuler des pétards de nouvel an, ne pas boire d’alcool, faire attention quand il vente ou il neige, se mettre au frais quand il canicule…

En émoi, les fans de Michael qui frétillent d’émotions sur les réseaux sociaux. Emotions, tous les jours, pour tout le monde. Les esprits médiatiques animaux se répandent telle une pandémie de sottise. C’est pour cette raison qu’on ne peut pas sortir de la crise et que la France continuera à s’enfoncer en 2014. Comme le monde du reste. Un monde dirigé par des élites narcissiques, corrompues et incompétentes alors que le peuple finit par devenir une masse abêtie. Des belles âmes traversent le marasme en planant sur les marécages sociaux. L’intelligence résiste, et les authentiques artistes avec. C’est peut-être cela, l’acte politique essentiel, résister, non plus contre un ennemi à abattre comme en 40 mais contre les penchants vers le bas. Résister mais pas à n’importe quel prix. Dans certaines communautés religieuses, résister à l’appel du corps et des désirs revient à s’emprisonner dans les fictions cultuelles avec des observances limitant la liberté. L’homme libre est celui qui s’est défait de toutes les Bastilles, qu’elles soient matérialistes, idéologiques ou religieuses.

Instruisez-vous, libérez-vous, c’est le vœux que je formule pour 2014, sans aucune illusion mais avec beaucoup de conviction. La tendance s’oriente hélas vers des mouvements de colères et de chaos avec des réactions policières et sécuritaires musclées. Et sans la colère, alors ce sera pire, le lent dépérissement des sociétés. Bref, en 2014, le choix entre la peste et le cholera.

 


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