2017 : Terminus pour la Cinquième République

par Lo lop
vendredi 3 octobre 2014

Tous les ingrédients sont réunis pour une catastrophe politique et institutionnelle qui devrait mettre un terme au régime né en 1958. Une catastrophe qui n’en sera cependant pas une pour tout le monde.

Reprenons :

Soit une gauche en morceaux. D’un côté, une gauche de gouvernement qui a fait du reniement son credo, du renoncement sa cohérence, de la trahison son acte d’héroïsme. De l’autre, une gauche militante que le rétrécissement inexorable de sa base électorale condamne à devenir de plus en plus inaudible.

Soit un Front National qui n’a pas la capacité, ni la volonté, de prendre le pouvoir. Pas la capacité parce qu’en 50 ans d’existence il a été incapable de se structurer en organisation de masse cohérente sur le plan idéologique, structurée par des cadres compétents et fiables, portée par un programme crédible. Pas la volonté parce que l’histoire de l’extrême-droite française est celle de la loose perpétuelle, de février 34 au poujadisme, de Vichy à l’OAS, parce que l’identité profonde du Front National le porte vers la provocation et le scandale et non vers la gestion responsable, à l’image d’un Jean-Marie Le Pen dont l’empreinte infernale est aussi indélébile au sein sa famille politique que biologique.

Soit une droite donnée gagnante mais qui est en fait un colosse aux pieds d’argiles en raison. Une droite assurée de l’emporter par les sondages, quel que soit le candidat et quel que soit le programme, du fait de l’absence de concurrence, mais qui est en train de se glisser à elle-même une peau de banane en la personne de Nicolas Sarkozy.

Vous êtes prêts ? Allez, on secoue les ingrédients.

Nicolas Sarkozy est bien parti pour emporter la prochaine présidentielle en 2017. Il va en effet gagner les primaires à droite en 2016, contre le bon-sens, la logique et l’intérêt du « peuple de droite ». Il sera le candidat de l’UMP, car il est d’ores et déjà assuré de la présidence du parti en novembre prochain, grâce à l’emprise qu’il continue d’avoir sur un parti qu’il a façonné à sa main de 2004 à 2012. Or, sous la Ve République, celui qui tient le parti majoritaire gagne la présidentielle 1.

Pendant les trois ans qui viennent, il continuera d’attirer les médias comme un aimant et de monopoliser l’attention jusqu’à la nausée. Son programme qui s’annonce truffé de mesures bidons, incohérentes et vouées à être trahies, n’est en rien un obstacle à sa victoire. Bien au contraire, son jeu matamoresque a tout pour séduire à nouveau une base toujours en recherche du frisson que lui procure l’apparition d’une figure providentielle.

Il est bien parti, mais il n’arrivera pas. Karachi, Bettencourt, Khadaffi, Bygmalion…. Si l’ex-Président et son équipe écopent avec assez d’énergie pour éviter que la barque ne coule tout de suite, elle est quand même trop pleine pour rester à flot jusqu’en mai 2017. Sarkozy devrait donc gagner un délai suffisant pour tuer toute opposition interne avant que ses propres excès l’entraînent par le fond. Lors de la présidentielle, deux options pourront se présenter : si la justice l’en empêche, le premier tour aura lieu sans lui, mais avec plusieurs candidats de droite durablement affaibli ; si la justice est mise en échec, le premier tour se fera avec lui, seul mais essoré et largement discrédité.

Et en face ? Paradoxalement, la situation désespérée de la gauche fait la force de Hollande et Valls. Leur stratégie de fuite en avant vers la droite n’a en effet rien de suicidaire. Bien au contraire, elle montre à quel point l’instinct de survie des hiérarques socialistes est solidement ancré, tant, dans une perspective de conservation d’un pouvoir plus que jamais sous la tutelle de Bruxelles, il y a pour eux tout à perdre à maintenir une politique de gauche.

Nous voici au second tour. Admettons que Hollande soit candidat à sa propre succession : grâce à Nicolas « Deux Neurones » Sarkozy, ce sera donc François Hollande contre Marine Le Pen. Le président actuel aura alors tout à gagner à pousser jusqu’au bout son renoncement au socialisme : ses électeurs de gauche voteront pour lui quoi qu’il fasse, par réflexe républicain purement pavlovien. En revanche, il lui faudra offrir le maximum de gages sur sa droite en plaidant sa conversion au libéralisme (ça ne devrait pas demander trop d’efforts) et en proposant une vaste alliance au centre.

Il sera réélu et les législatives de juin verront la victoire d’une grande coalition sociale-libérale à l’allemande. Le Front National aura ainsi réalisé son destin d’épouvantail réactionnaire, protectionniste, xénophobe et liberticide, autorisant par son effet repoussoir la victoire définitive de la politique économiquement et libérale socialement régressive pour laquelle, on nous l’assure sur tous les tons depuis les années 80 : « There Is No Alternative ».

Nos dirigeants, affranchis de toute opposition crédible, débarrassés du si sclérosant clivage gauche-droite, auront enfin les mains libres pour soumettre définitivement l’Etat aux institutions européennes. Les institutions françaises survivront alors comme un simple niveau intermédiaire sous tutelle bruxelloise, une sorte de collectivité locale chargée d’administrer sans gouverner. Le parlement ne sera plus le centre du pouvoir mais au mieux un contre-pouvoir, le pouvoir effectif se concentrant dans les mains d’autorités indépendantes, à la légitimité basée sur la compétence technocratique, libérées des aléas électoraux. Le système politique français sera définitivement affranchi du concept de souveraineté, tel qu’il est inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 2. On ne manquera pas de baptiser ce nouveau régime VIe République.

 

Notes :

1- À une seule exception : celle de Giscard en 1974, mais le parti gaulliste UDR était désorganisé par la disparition de Pompidou, décédé sans avoir organisé sa succession

2- « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément. »


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