2023, année de la guerre ?

par Elric Menescire
mercredi 28 décembre 2022

 

La politique est une guerre sans effusion de sang et la guerre une politique sanglante

Mao

Alors qu’il est traditionnellement l’heure de se souhaiter « la bonne année » et « les meilleurs vœux », l’année qui arrive sera vraisemblablement l’année de tous les dangers.

 

A tel point que 2023 risque d’être l’année de la guerre. En effet avec plusieurs conflits régionaux ouverts ou larvés, et pouvant à tout moment déraper en conflagration mondiale...2023 sera-t-elle l’année où tout va se précipiter ?

Petit florilège…

 

Ukraine

Il y a d’abord l’Ukraine, bien sûr. Que dire si ce n’est que ce point chaud est de plus en plus bouillant ? La guerre entre la Russie et l’Ukraine est aujourd’hui de facto, un conflit larvé entre l’OTAN –avec les USA en marionnettistes- et la Fédération de Russie et ses alliés (Biélorussie, Iran, Corée du Nord…). Les premiers inondant d’armes la péninsule de Crimée et l’Ukraine, dans le but désormais avoué d’affaiblir de plus en plus l’armée Russe. Ce conflit est à lui seul le résumé de ce qui se prépare depuis les années 2020 : un basculement de l’ordre unipolaire, dominé par les USA depuis 1945, à un monde devenu multipolaire, avec la Russie et la Chine en fers de lance des contestataires. Tout dans ce conflit, peut déraper d’un moment à l’autre. Il suffirait d’un missile qui tombe au mauvais endroit, en Pologne ou ailleurs, ou d’une provocation de trop, pour qu’un conflit à large échelle éclate sur le sol européen, et par extension ne dégénère en guerre nucléaire généralisée. Sans doute le plus grave danger depuis la fin de la guerre froide… et le plus grave danger que l’Humanité ait jamais connu, tout court.

 

Kosovo

Le Kosovo est une petite enclave qui a déclaré son indépendance du grand frère Serbe, unilatéralement en 2008. Il faut dire que la guerre civile avait fait rage dans ce pays à la fin des années 1990, et que l’OTAN s’en était mêlé ici aussi encore une fois … Le grand frère n’a jamais apprécié la chose, et le fait savoir depuis quelques temps. Le 26 décembre au soir, la Serbie a ainsi placé en « état d’alerte renforcé » son armée, soit le plus haut niveau de préparation au combat. Il faut dire que la veille, le chef des armées Serbes s’était ramené à la frontière après que des incidents avaient éclaté suite à l’arrestation d’un ancien policier. Des barricades ont été érigées par les 5% de Serbes habitant le Kosovo, et qui s’estiment discriminés. De nombreux faits de désobéissance civile ont été rapportés (refus de payer les factures, manifestations) au fur et à mesure que les provocations s’accumulent. La dernière en date, c’est que les autorités Kosovares viennent de demander aux 50 000 serbes vivant dans le nord du pays de changer leurs plaques d’immatriculation, entraînant la démission de centaines de juges, policiers et fonctionnaires d’origine serbe… tout ceci pour certifier une chose : nous sommes à deux doigts d’un conflit armé régional, avec encore une fois l’OTAN en embuscade : 3700 soldats sont déployés sur le terrain « en interposition », et l’Alliance a bien sûr déclaré qu’elle interviendrait « si la stabilité de la région est mise en péril ». Pour en rajouter une couche, début décembre le Kosovo a officiellement déposé une demande d’adhésion à l’UE… Sommes-nous la poubelle de l’Europe ? ou, plus prosaïquement, n’est-ce pas plutôt l’Europe tout entière qui est la poubelle du monde ? Affaire à suivre donc...

 

Haut-Karabagh

Encore un foyer rempli de cendres chaudes au cœur du continent européen…

Cette fois-ci il faut remonter un peu plus loin : en 1991 exactement, lorsque la province Arménienne du Haut-Karabagh, s’autoproclame « République indépendante d’Artsakh » et fait sécession avec l’Azerbaïdjan, dont elle dépendait officiellement. Cette petite enclave est peuplée d’environ 150 000 habitants à 95% en majorité Arméniens, pour une superficie d’à peine plus de 11 000 kilomètres carrés. Il s’agit d’un des multiples rejetons de l’URSS, qui suite à sa dislocation de l’ennemi rouge, déclare unilatéralement son indépendance le 2 septembre 1991. Les hostilités vont immédiatement débuter entre l’Azerbaïdjan et cette bande de sécessionnistes, et dureront jusqu’à la trêve de 1994, avec malgré tout des combats sporadiques jusqu’en 2016…Pogroms, déplacements de populations forcés, exécutions sommaires viendront compléter le tableau entre deux communautés qui ne cessent depuis de se haïr. Les années passant, le 27 septembre 2020 les belligérants remettent officiellement le couvert dans un conflit qui ne durera que 44 jours. Il faut dire que la situation a désormais changé : le Haut Karabagh avait été considéré comme le vainqueur en 1994, mais en 2020, l’Azerbaïdjan se venge… grâce au soutien actif de la Turquie, c’est un véritable massacre pour la jeunesse Arménienne envoyée sur le front. Personne n’a vu venir les drones Bayraktar-TB2 turcs opérés par l’Azerbaïdjan, et ceux-ci font le vide autour d’eux. Bilan des courses : l’armée Arménienne, n’ayant pas de parade face à cette menace venue du ciel, est rapidement mise en déroute, ses chars, son artillerie et ses hommes tombant comme des mouches face aux drones de tonton Erdogan. En quelques jours ce sont plus de 3500 soldats arméniens qui passent de vie à trépas. La capitale Arménienne est même attaquée… Un cessez-le feu s’apparentant à une capitulation en rase-campagne est négocié à la hâte par l’Arménie, et les sept provinces du Haut-Karabagh retombent dans l’escarcelle de l’Azerbaïdjan, qui va fêter sa victoire sans retenue chez son allié Turc… On assiste alors à un exode massif, les arméniens de la République d’Artsakh, qui vient de perdre un tiers de sa superficie, abandonnant terres et maisons –auxquelles ils mettent souvent le feu- dans leur fuite… Seul un étroit corridor d’évacuation est maintenu entre l’Arménie et la petite République, pour permettre la fuite de tout ce petit monde.

Toujours est-il que cette défaite n’a jamais été digérée –et on peut le comprendre. Ainsi en mai 2021 de nouvelles « tensions » se matérialisent entre les deux frères ennemis, l’Arménie accusant l’Azerbaïdjan « d’infiltration » visant à lui soutirer de nouveaux territoires. Bien sûr ce dernier nie, évoquant juste la « protection de ses frontières ». La Russie, à la manœuvre sur l’accord de cessez-le feu de 2020, demande à ce que celui-ci soit respecté. La France et les USA appellent au retrait des troupes Azéries. Regain de tensions en décembre 2022 : des éco activistes Azéris bloquent l’accès de la seule route menant au corridor d’évacuation qui relie l’Artsakh à l’Arménie, sous des prétextes de « pillage écologique ». Ce qui, de fait bloque le ravitaillement des habitants de la région. Les Arméniens enclavés se sentent abandonnés de tous, et multiplient les appels à l’aide…combien de temps avant qu’ils ne soient entendus ?

 

Pakistan

Sortons un peu de la sphère européenne, pour nous déplacer en Asie… à la frontière entre l’Inde et le Pakistan plus exactement. Là-bas se trouve l’enclave disputée du Cachemire, une région himalayenne à majorité musulmane rattachée à l’Inde. Depuis 75 ans, ces deux voisins se mettent sur la figure à cause du Cachemire : en automne 47 déjà, suite à la fin de la colonie britannique des Indes, le conflit avait démarré à cause de cette région qui avait des velléités sécessionnistes. En 48, l’ONU avait demandé un référendum d’auto détermination, en vain, l’Inde s’y opposant farouchement. Depuis ce temps-là, la région est partagée entre l’Inde, le Pakistan mais aussi la Chine…ce qui n’empêche pas l’Inde de réclamer la souveraineté sur la totalité de l’enclave, pour des motifs historiques. Des mouvements séparatistes et terroristes mettent continuellement de l’huile sur le feu, ce qui a conduit à plusieurs reprises à la guerre ouverte : en 1965 et 1971 les deux ennemis se tapent copieusement sur la figure, avec à chaque fois des dizaines de milliers de victimes et des millions de réfugiés… tout ça bien sûr sans que le problème ne soit jamais réglé. 

 

1998, rebelote mais avec cette fois-ci une différence de taille : les voisins ennemis sont tous deux désormais dotés de l’arme nucléaire, et ont tous deux refusé de signer le traité de non-prolifération. L’arrivée du parti ultranationaliste Bharatiya Janata Party au pouvoir en Inde, va précipiter les choses : seulement quelques semaines après sa victoire électorale, l’Inde lance 5 tests nucléaires pour la seule journée du 11 mai 1998. Le Pakistan « réplique » le 29 mai, avec 6 essais... La « communauté internationale » aura beau jeu de « protester », tout ceci fut fait de manière très hypocrite, car ces deux pays étaient (et demeurent) indispensables dans la fameuse « guerre contre le terrorisme » menée par le Camp du Bien Occidental… des protestations de pure forme donc. Toujours est-il que régulièrement, des émeutes, pogroms et autres « tensions » ressurgissent sur cette frontière, impliquant parfois des escarmouches entre les deux armées comme en 2019 –plus de 400 morts en quelques jours tout de même. A l’image du dernier incident en date, qualifié par les Indiens de « profondément regrettable » : un missile indien a juste parcouru en mars dernier, suite à « un tir par erreur », plus de 100 km à l’intérieur des frontières pakistanaises, ne faisant heureusement que des dégâts matériels lors de sa chute. Jusqu’à la prochaine regrettable erreur de trop ?

 

Taïwan

Le meilleur pour la fin…

En 1949, cette petite île faisant partie de la Chine est occupée par le Kuomintang, ce mouvement nationaliste dirigé par Tchang Kaï-chek, et qui perd alors la guerre contre les communistes de Mao. La Chine n’a jamais cessé de revendiquer cette île comme faisant partie intégrante de son territoire. Dans les faits, Taïwan a une indépendance administrative, politique, diplomatique et même militaire par rapport au continent chinois, mais son indépendance n’a jamais été proclamée ni par l’une ni par l’autre partie. La Chine considère Taïwan comme sa 23e province. Taïwan est aujourd’hui un des « 4 dragons asiatiques », un des pays les plus industrialisés au monde, qui jouent un rôle essentiel dans l’économie numérique mondiale. Les entreprises taïwanaises –les fameux « fondeurs », comme TSMC- fournissent une très grosse partie des puces électroniques équipant les appareils de tout un chacun (portables, ordinateurs…). Ces entreprises sont parmi les seules à maîtriser de bout en bout les procédés industriels les plus complexes, lesdits procédés incluant les savoir-faire et les infrastructures, de gigantesques usines représentant des investissements colossaux ; et ceci que ce soit en biotechnologie, nanotechnologie, semiconducteurs, communications et réseaux, photovoltaïque, véhicules électriques… Alors, sous des prétextes somme toute classiques –« démocratie », etc.- on a plusieurs fois salué « l’héroïque résistance » des Taïwanais face à l’encombrant voisin chinois, lors des multiples mouvements de protestation réclamant l’indépendance de l’île. La réalité semble hélas bien plus triviale : ce sont au moins 6 millions de travailleurs chinois qui font tourner ces usines, et la technologie, les brevets, les ingénieurs Taïwanais…sont tout simplement vitaux pour les chinois, qui refusent de voir tomber tout cela dans l’escarcelle occidentale. Les très dures sanctions économiques et financières de l’administration Trump contre la Chine –sanctions ayant par exemple conduit à la quasi faillite de fleurons technologiques chinois comme Huawei-, voire celles encore plus récentes du gouvernement Biden –qui a interdit en octobre dernier aux ingénieurs américains de travailler dans ces entreprises, sous peine de perdre leur nationalité- s’apparentent à une déclaration officielle de guerre économique. Pékin ne s’y est pas trompé, et multiplie désormais les exercices militaires dans les environs, avec entre autres plusieurs simulations de débarquement militaire sur l’île…

Si en plus on y rajoute les propos belliqueux de Creepy Joe (« les Etats-Unis interviendront si Pékin envahit Taïwan »), on se rend compte que c’est bientôt à une guerre tout court à laquelle nous risquons d’assister. Une guerre entre les deux plus grosses puissances mondiales, surarmées et nucléarisées à souhait…un conflit dont l’issue funeste, hélas, ne ferait pas l’ombre d’un doute pour le monde entier.

 

Et surtout n’oubliez pas  : la santé  !

En guise de conclusion, si j’étais croyant, je pense que j’irais à la messe. Je demanderais au curé tous les cierges dont il dispose, et les allumerais tous en même temps. En attendant la fin.

Mais comme je ne le suis pas, je reste finalement plus pragmatique. Car il ne fait aucun doute que les crises économique, sociale, sanitaire, environnementale, civilisationnelle même… que nous expérimentons en ces temps troublés, se retrouvent à tous les niveaux dans l’état d’instabilité géopolitique globale que nous connaissons aujourd’hui. Et que ça n’est qu’une question de temps avant que nous ne regrettions amèrement le temps béni du covid, des masques et du confinement.

J’exagère ?

Si seulement…

Car malheureusement, où que l’on pose le regard, dans quelque région du globe que ce soit, force est de constater que nous sommes assis sur une véritable poudrière géante. Et la question n’est pas « est-ce que ça va péter ? », mais plutôt « quand est-ce que ça va péter ? ».

2023 sera, à n’en pas douter, une année remplie de surprises.

Dans l’attente, et comme le disait si bien Desproges, « vivons heureux en attendant la mort ».

Alors passez de bonnes fêtes … et à votre santé !


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