A babord, toute !

par Mmarvinbear
mercredi 21 septembre 2016

Il reste à peu près 9 mois au pays avant la prochaine échéance électorale d’importance. La Présidentielle de 2017 s’annonce à la fois ouverte et incertaine d’un coté, et pliée de l’autre.

Pour beaucoup de journalistes, la seule question est de savoir qui, de Alain Juppé ou de Nicolas Sarkozy, rapportera la droite au pouvoir, tant il semble évident que les dés du PS sont d’ors et déjà jetés. Seule autre inconnue, le score du FN au premier et au second tour, pour savoir si son pic de 2012 aura été dépassé ou pas.

Cette élection vient clore un cycle de 5 ans qui n’aura pas été de tout repos, au grand plaisir des chaînes infos et des caricaturistes, effrayés au départ par l’idée du retrait forcé de l’ancien président qui était un de leurs meilleurs clients.

Mais rapidement, les couacs gouvernementaux, les coups de malchance et l’épopée présidentielle en scooter ont montré que l’ Elysée allait pouvoir tout de même donner du grain à moudre aux éditorialistes.

Si on y ajoute, 5 ans après, une situation économique qui ne s’est guère améliorée, un chômage toujours plus haut quoique amorçant semble-t-il une décrue bienvenue, une gauche en crise et fracturée et un état de Guerre larvée contre un adversaire très difficile à appréhender, on comprends pourquoi l’ exécutif stagne dans les tréfonds des sondages, laissant semble t-il la place à une alternance prévisible.

 

La question première est de savoir comment en est-on arrivé là. Le Président bat tous les records d’impopularité et même les événements dramatiques comme les attentats ne lui permettent qu’une embellie passagère, méritée cependant car si une chose ne peut lui être reprochée, c’est de ne pas avoir pris conscience de la gravité de la situation, apportant rapidement des réponses sur le terrain.

A l’écoute des politiques et des éditorialistes, les reproches principaux tiennent dans son échec sur la lutte contre le chômage et une forme de « trahison », ayant mis en oeuvre une politique économique qui ne soit pas dans les canons du Socialisme Français. Ce qui encourage la contestation, la Fronde, les ambitions personnelles, diluant encore plus les chances du président sortant pour la campagne prochaine.

Mais en fait, les maux de la Gauche sont plus profonds encore. Les événements actuels ne font qu’illustrer une situation plus périlleuse encore. Disons le tout franchement : le terrain sur lequel se déplace Hollande est miné en profondeur, et par son propre camp qui plus est.

Pour comprendre les difficultés actuelles, il faut remonter loin dans le passé. En 1905.

Et même encore avant.

 

Au XIXè siècle, la vie politique française est bien plus agitée que celle de maintenant. Le pays a connu plusieurs régimes plus ou moins autoritaires, des monarchies, des empires même. Une fois la dernière couronne tombée en 1870 après l’échec de l’avènement de Henri V pour une histoire de drapeau, la République s’installe. Et à part l’épisode déplorable et criminel du Régime de Vichy, elle est toujours en place même si son allure a changé pour coller aux besoins du moment.

Sur le plan social, la fin des régimes autoritaires, le développement économique mais aussi les grandes inégalités sociales et le manque de solidarité nationale font que ce front est toujours passablement agité.

L’écrasement de la Commune de Paris met un terme au progrès des idées sociales pour une décennie. Il faut attendre 1878 pour que, revenus de leurs exils et profitant d’un relâchement législatif, les précurseurs des mouvements syndicaux et sociaux ne se réorganisent, aidés par la misère ouvrière qui fourni une quantité appréciable de militants intéressés à l’idée de ne plus être les Forçats de la Faim.

Pourtant, dès cette origine, le mouvement socialiste est loin d’être uni. Les variantes idéologiques et les ambitions personnelles ( nous n’avons rien inventé…) font que les partis Socialisants et ouvriéristes se répartissent en gros en 5 chapelles.

 Ce qui permet aux partis de la bourgeoise traditionnelle de continuer à pouvoir gérer les affaires du pays. Un ennemi divisé est chose précieuse pour bien disperser les votes pourtant plus nombreux des ouvriers qui prennent le pas démographiquement parlant sur les paysans plus soucieux de stabilité sociale et plus enclins à conforter la droite au pouvoir. 

 

Il faut attendre la fin du XIXè siècle pour qu’une synergie ne se fasse enfin et aboutisse à la formation de deux blocs de gauche. Un révolutionnaire, tendance Vaillant et Guesde, et un réformiste, avec Jaurès.

Déjà, le question de la participation gouvernementale se pose et quand Millerand accepte d’entrer dans un cabinet de coalition, les révolutionnaires glapissent déjà à la trahison des idéaux socialistes.

La raison électorale finissant par parler, les deux PSF ( Parti Socialiste de France et Parti Socialiste Français. Faut pas se tromper de salle les soirs de réunion… ) finissent, en 1905, par se trouver assez de points communs et d’intérêts pour s’unir au sein de la SFIO. Une des raisons du succès de l’alliance est la liberté laissée aux échelons de base pour les actions politiques et syndicales, ce qui permet aux mouvances de s’exprimer.

Mais rapidement, les divergences ressurgissent. Si Jaurès s’oppose à la guerre en vue en 1914, Guesde s’en réjouit car il pense que la guerre est le meilleur moyen de détruire le régime bourgeois et le capitalisme. L’assassinat de Jaurès nous prive à jamais de savoir quel courant l’aurait emporté. On peut le deviner en sachant que les socialistes allemands ont fini par voter les crédits de guerre, ce qui aurait mis Jaurès dans une position intenable.

La guerre finie, la volonté de paix donne plus de poids à l’aile réformiste du parti mais le développement rapide du communisme en URSS remet l’ équilibre en cause. Au congrès de Tours, les deux tiers des adhérents votent pour l’adhésion à la 3è Internationale Communiste et ces derniers fondent la SFIC, qui deviendra vite le PCF.

Réduit au tiers des anciens adhérents, la SFIO garde cependant la majeure partie des élus, locaux et nationaux.

 

On voit donc dès l’origine la partition entre un parti de masse et un parti d’élus. Une particularité des deux gauches qui ne cessera plus de s’accentuer avant la chute du monde communiste.

Réfractaire à la participation gouvernementale, il faudra la montée du fascisme pour pousser la SFIC à accepter l’idée de participer au gouvernement en 1936. La guerre civile espagnole mettra un terme rapide au Front Populaire, la SFIC voulant intervenir au coté des républicains espagnols, ce que les radicaux de gauche refusent, ne voulant pas aggraver la saignée démographique de 1914. La SFIO penche plus pour l’intervention mais à condition que le Royaume Uni s’implique aussi. Le refus anglais met fin aux espoirs français de renverser les fascistes espagnols, bien aidés par les nazis et les fascistes.

 

 Passée la seconde guerre mondiale, l’équilibre des forces se modifie en faveur du PCF. Son aura de « parti des 75 000 fusillés » ( quand on ne compte que 30 000 fusillés toutes tendances politiques confondues en France…) est tel qu’il arrive à faire oublier le piteux mois de Juin 40 et ses négociations avec Vichy pour la reparution de l’Humanité ( interdit en France suite au pacte germano-soviétique ) avant que Thorez, réfugié à Moscou, ne mette bon ordre dans tout cela.

Le PFC regroupe désormais plus de 25 % des suffrages à lui tout seul dans un paysage politique éclaté, talonnant de près en élus les groupes SFIO et associés, ce qui illustre sa force sur le moment. Le parti participe même à certains des gouvernements de la IVè république, mais doit se contenter de strapontins gouvernementaux. Piquant, quand on sait à quel point elle vilipende la SFIO quand elle fait pareil à l’occasion d’une crise gouvernementale qui la laisse sur le carreau.

Les années 50 et 60 voient le centre-droit diriger le pays de façon continue, la SFIO participant à l’occasion aux divers gouvernements mais l’instabilité chronique de la IVè République ( dont les gouvernements ont une durée de vie moyenne de moins de 6 mois ) l’empêche de développer une vue d’ensemble et d’imposer sa marque sur le plan social.

L’ instauration de la Vè n’aide pas vraiment car la SFIO est désormais isolée sur le plan intérieur : les Radicaux ont disparu ou se sont portés à Droite, le PCF est hors de question car trop inféodé à Moscou. Et De Gaulle profite de son image de Père de la Nation pour régner sans partage ou presque.

Sans alliés, la SFIO périclite doucement, ses grandes figures disparaissant lentement au profit de jeunes figures qui comprennent vite qu’au monde des idées, celui de l’image allait arriver avec l’implantation de la télévision.

A l’agonie, le parti cède enfin en 1975 quand Mitterrand, venu de la droite, achève sa conversion idéologique et transforme la vieille centrale en PS. Ses discours sont sans concessions, bannissant l’idée du rôle de l’argent dans la conduite du pays et des vies de ses adhérents. Une réthorique que Mélenchon ne renierait pas.

 

En revanche, sur le plan pratique, il reste vague et évasif, se contentant de reprendre les points principaux déjà développés dans les programmes précédents. C’est flou, et le loup ne tarde pas à se montrer.

Mitterrand sait qu’il a besoin d’un allié pour réunir les suffrages nécessaires et seul le PCF est en mesure de lui apporter les voix qu’il désire. Pragmatique, Mitterrand se sait assez rusé pour finasser et user de la force électorale du PCF a son profit exclusif. C’est la signature du Programme Commun.

C’est dès 1974 que l’alliance est mise à profit. Mais c’est l’échec. De peu. Mitterrand sait que la victoire est à sa portée mais il craint que les 7 ans qui viennent ne soient trop longs pour parachever ses ambitions.

Les législatives de 1978 voient à nouveau l’échec de peu. C’en est trop pour l’alliance qui se brise. Il faut dire que Marchais a compris la combine et voit les voix communistes se porter de plus en plus vers le PS. Il ne peut pas arrêter l’ hémorragie car même s’il a quitté l’orbite moscovite, son refus de rénover les instances rebute les réformateurs. Circonstance aggravante : la sociologie du pays change rapidement. Les employés surclassent les ouvriers et le niveau d’instruction des citoyens augmente, et le PCF néglige de conquérir ces nouvelles classes sociales.

 

 L’invasion soviétique de l’ Afghanistan est une bénédiction pour Mitterrand qui sait que le déclin du PCF est désormais irréversible. Après Budapest en 1956 et Prague en 1968, beaucoup d’électeurs communistes ont tourné leurs veste et Kaboul en 1979 lui offre les voix manquantes en 1981 pour achever son parcours politique à l’ Elysée.

Les lendemains déchantent vite cependant. Certes, Mitterrand applique son programme basé sur une nationalisation massive des outils de production et du système bancaire ( au prix du creusement d’une dette alors presque inexistante ) mais les résultats tardent à arriver. Deux ans après, c’est la douche froide et le tournant de la Rigueur.

Mitterrand a compris. Le programme économique de gauche ne peut pas marcher, c’est aussi simple que cela. Les crises pétrolières ont mit fin aux Trente Glorieuses et le monde, qui a fini de se débarrasser des cendres de la seconde guerre mondiale, ne connaitra plus de croissance vertigineuse. Mitterrand en conclut qu’il est arrivé trop tard au pouvoir pour espérer changer cela.

Pour lui et le PS, toute la difficulté va être d’expliquer cela aux électeurs. Il va lui falloir jongler entre les vieux idéologues, les pragmatiques, ceux qui gardent de l’espoir et les premiers iconoclastes qui veulent brûler les vieilles figures.

Et il ne peut plus compter sur le PCF. Ses voix, il les a siphonnées, faisant passer le Parti Communiste de 20 à moins de 5 % en à peine vingt ans. Autant dire que le RPR de l’époque et l’ UDF ont une voie royale qu’ils ne se privent pas de l’emprunter en 1986.

Mitterrand a alors de la chance : Chirac est imbu de lui-même et arrogant. Il ne met qu’un an à se faire détester par les Français quand le PS en aura eu besoin de trois. Ce qui met Tonton en selle en 1988 pour mettre 8 points dans la vue de Chirac qui est encore loin de voir ses problèmes réglés. 

Remis en jeu par la débâcle du RPR, le PS se perd alors dans la tourmente médiatique naissante. Il se perd aussi dans l’exercice du pouvoir et accumule les scandales financiers et politiques, ce qui le replonge dans la crise électorale.

De son coté, le PCF a tenté une refondation et une reconquête des coeurs et des votes à l’occasion du départ de Marchais à la retraite. Mais nous sommes en 1990 et l’ URSS et le Communisme n’ont plus qu’un an à vivre. La chute de Gorbatchev, ultime espoir de réforme du monde soviétique, n’est que le point final de l’agonie du monde communiste, les partis frères étant tous chassés de leurs piédestaux par des révoltes et des révolutions dont ne subsistent que la Chine et Cuba.

Sachant en outre que depuis 10 ans la Chine s’est jetée dans la course effrénée au capitalisme d’ Etat, le PCF n’a plus d’exemple et de soutien pour espérer changer les choses. Son modèle économique et social est par terre. Le capitalisme a gagné par KO.

Les législatives de 1993 achèvent le chemin de croix du PS. Avec une cinquantaine d’élus seulement, le parti enregistre son pire score électoral depuis ses origines.

Seule consolation : son héritier présomptif, le mouvement écologiste issu des Verts et de Génération Ecologie, se gaufre à la grande surprise des instituts de sondages. Avec 7 % des voix, les Verts ne peuvent qualifier que deux candidats pour le second tour, qui tous perdent. 

Le mouvement paye sa jeunesse, le manque de confiance des électeurs qui se méfient toujours des nouveaux et son arrogance qui poussait ses dirigeants à se voir déjà l’égal du PS. La scission Verts-GE qui suit met un terme aux espoirs de successions.

Les analystes estiment donc avec raison que les trente prochaines années seront passées sous les auspices de la droite. La victoire de Chirac en 1995 en est le premier acte.

 

Mais la vie politique française est ainsi faite que ce qui semble écrit n’est jamais certain.

En 1997, Chirac dissout l’assemblée, afin de se redonner une dose de légitimité démocratique. Il faut dire que les deux ans passés sous le gouvernement Juppé ont été fraichement appréciés par la population, qui a pu, à force de manifestations et de protestations, faire reculer le gouvernement sur des points importants d’un programme qu’ils avaient accepté pourtant lors de l’ élection de Chirac.

En politique, il faut avoir de la chance, mais il faut surtout bien préparer le terrain et connaître les moindres recoins de la carte électorale. Le PS a alors la chance de se doter de Jospin à sa tête. Une laitue rendrait dix points en charisme et en joie de vivre au secrétaire général de l’époque mais Jospin est un excellent stratège. Tout comme un certain Hollande, il a bénéficié des cours magistraux donnés par Mitterrand en matière de politique et de stratégie.

En premier lieu, le PS bénéficie d’une meilleure image grâce à un renouvellement des générations. Les figures les plus impliquées dans les scandales financiers ont été écartées pour redonner une nouvelle virginité au parti.

Ensuite, le contexte lui est favorable. Les deux premières années de Chirac se sont déroulées dans un contexte de crise économique et les électeurs ont vu que le RPR ne pouvait pas faire mieux que le PS. De plus, les scandales politico-financiers se multiplient, cette fois ci au débit du RPR et les français s’aperçoivent qu’en comparaison, les ripoux du PS étaient des voleurs de bonbons.

Jospin a aussi la chance de voir ses deux alliés potentiels être dirigés par des pragmatiques. Si le PCF est toujours plus marqué idéologiquement, il a su dans sa chute garder des bastions électoraux sur lesquels le PS va s’appuyer en ne présentant pas de candidats dans ces circonscriptions pour unir les voix. 

Le PS s’appuie sur les citadins en y favorisant le vote écolo. Le résultat est sans appel et la Gauche remporte les législatives de 1997.

En prime, le nouveau gouvernement bénéficie d’une embellie économique internationale certaine qui l’aide à réduire les déficits, équilibrer les budgets et à faire repartir l’emploi à la hausse. Jospin surfe sur la vague en proposant des réformes d’ampleur qui améliorent encore plus la situation, faisant aussi la joie de l’aile gauche du PS qui applaudit les 35 heures des deux mains. La situation de la gauche de gouvernement ne pourrait être plus favorable, et la présidentielle de 2002 se présente sous de bons hospices.

Plus a gauche, les trotskistes ont le vent en poupe grâce au charisme de Besancenot qui dépoussière sa LCR. En ajoutant les bons scores de Laguiller, l’extrême gauche, héritière de la gauche révolutionnaire, on arrive pratiquement à 10 % de l’électorat.

 

Cette force n’est que virtuelle malgré tout. LO et la LCR sont en concurrence directe et frontale et leurs différents idéologiques interdit tout accord qui aurait renforcé leur synergie et leur pouvoir électoral. Après tout, ils prônent la révolution dans la rue, pas dans les urnes.

Pire encore, l’abstention, plus que le vote FN, monte lentement.

Une large part de l’électorat de gauche ignore le mouvement en marche. Pour l’essentiel, il s’agit des populations rurales, isolées et écartées du progrès social par la fermeture des services publics et la désertification des campagnes. On compte aussi les populations des banlieues, immigrées ou non, qui ne s’estime pas écoutée, estimée ou représentée par l’ offre politique. Certains basculeront ensuite vers le vote FN mais leurs pas les éloignent des urnes dans la grande majorité.

Et le pire est à venir : les deux dernières années du gouvernement Jospin voient la tendance économique se retourner et les 35 heures commencent à montrer leurs effets pervers.

 

S’ils ont permis de libérer du temps de vie aux employés, les 35 heures ont aussi renchéri les couts de production et affaibli les entreprises à l’international, en concurrence directe et frontale avec les pays moins onéreux en terme de cout salariaux. Tant que la croissance était là, tout allait bien mais le retournement de tendance incite les acheteurs à privilégier les entreprises à bas couts, excluant de fait les représentants français. Les usines perdent des marchés et ne pouvant pas en trouver d’autres, les licenciements se multiplient.

Les 35 heures sont aussi la source d’une aggravation de la dette du pays. Jospin était alerté du fait que passer aux 35 heures dans le service public aurait un cout important. Il a voulu dans un premier temps en exclure certains secteurs comme les hôpitaux, préférant un système plus souple et adapté mais l’intransigeance de la gauche de la gauche représentée par Aubry et son ambition de devenir président lui font perdre toute prudence. Sa capitulation, qu’il espérait productive, va causer sa perte en fin de compte. Hollande, qui soutien le premier ministre, en tirera une leçon précieuse : céder aux besoins du court terme se fait au détriment des ambitions à long terme.

 

Mais Jospin et la gauche croient toujours en leur étoile. Malgré la hausse du chômage, le retour des déficits, les fautes médiatiques, la gauche est toujours perçue comme favorite. Tous les sondages donnent au moins 4 points d’avance à Jospin au second tour face à Chirac. Pourquoi se méfier ?

Le soir du 21 avril, Jospin comprends qu’il ne sera pas le premier premier ministre à devenir président alors qu’il est toujours en poste.

Les candidatures multiples à gauche, l’abstention, une certaine naiveté médiatique ont raison des espoirs du gouvernement. Amer, Jospin jette l’éponge de façon définitive, laissant un vide total à la tête du PS qui se retrouve comme un canard sans tête. La gauche, elle, est contrainte de choisir entre Chirac et Le Pen comme prochain dirigeant. 

Outre l’image désastreuse de voir un parti d’extrême-droite au second tour de la Présidentielle, la gauche Plurielle boit le calice jusqu’à la lie. Le départ de Jospin met un terme à l’ alliance des deux gauches et des écolos qui avait si bien pris pourtant. C’est le sauve-qui-peu électoral et aucun accord n’est trouvé pour les législatives qui suivent la réélection de Chirac.

 

Les analyses diffèrent quand aux raisons de la défaite électorale. Déjà, la gauche du PS argue d’une voie trop centriste choisie par Jospin. Mais cette analyse est battue en brèche par la victoire du PS aux Régionales suivantes de 2004, s’offrant en plus la première place aux Européennes et aux Cantonales de la même année. Une triple couronne qui contraste avec la défaite des Municipales de 2001 et qui n’avait pas été assez prise en compte par Jospin.

Comme toujours en situation de crise, le PS trouve sa voie de salut par une réforme interne et un nouvelle campagne d’adhésion qui attire une masse de jeunes électeurs effrayés par 2002 et déçus par le manque d’ouverture du gouvernement Raffarin. Hollande est satisfait des résultats qui ont en plus le mérite de rajeunir grandement les masses présentes. La moyenne d’âge des adhérents chute de 55 à 43 ans. Hollande et le bureau comprennent aussi l’évolution sociologique qui écarte les ouvriers au bénéfice des employés. Il ne s’agit somme toute que de l’évolution sociale du pays entier. Les industries issues de la première révolution industrielle ont disparu ou vont s’éteindre. Le textile est parti en Afrique et en Asie, le charbon n’est pas rentable, de même que la sidérurgie qui pâtit de son isolement au sein des terres alors que les grands groupes se massent dans les ports afin de limiter les couts d’exploitation.

Les travailleurs du privés prennent le pas sur les fonctionnaires et les hauts diplômés progressent aussi. Dans les congrès qui suivent, les motions sociales-démocrates ( ou sociales libérales pour leurs adversaires ) réunissent une large majorité des adhérents au détriment des Historiques et des Gardiens du Temple. 

Remis à flots, le PS peut espérer l’emporter en 2007 mais la campagne de Ségolène Royal patine, victime de choix hasardeux et victime aussi de l’incroyable charisme de son rival UMP, Nicolas Sarkozy. Sa hargne, sa fougue et sa langue tranchante séduit son électorat traditionnel mais aussi les électeurs frontistes et abstentionnistes, ce qui lui permet de l’emporter aisément en 2007.

 

Le PS entame un nouveau cycle, analysant la nouvelle situation.

Elle lui semble favorable. L’évolution sociologique et idéologique du pays fait que sa voix porte plus que sa gauche. Le PCF a connu un résultat catastrophique en 2007 avec une candidature à 1,9 % des suffrages. Ses rivaux LCR et LO n’ont guère fait mieux. Leur rivalité intestine a lassé et déçu les électeurs et l’ EG est retournée à ses scores anecdotiques.

La sociologie a bouleversé le continent : les ouvriers sont en baisse constante et les politiques de contrôles budgétaires limitent l’extension du fonctionnariat.

Surtout, même les enfants des communistes ne croient plus aux Lendemains qui Chantent. La chute du régime Soviétique a achevé le marxisme et la vision capitaliste de l’économie n’est guère plus contestée.

Le congrès de 2008 du PS est révélateur de cette évolution électorale. Les motions favorables à la sociale-démocratie l’emportent, ce qui provoque des crispations de la gauche de la gauche, qui n’accepte pas l’idée d’une alliance éventuelle avec les centristes.

Après 24 ans de Sénat, Mélenchon claque la porte du parti après son échec, blâmant une orientation « centriste » de la direction alors que cette dernière n’est que le résultat des choix des adhérents qui ont pris acte à la fois du refus du NPA et de LO de participer à toute alliance et par la disparition quasi complète du PCF qui a perdu presque toutes ses municipalités au profit du PS et de l’UMP.

La fondation du FDG redonne de la vie et de la visibilité électorale au PCF qui s’y rallie afin de continuer à exister. Le charisme de Mélenchon permet au mouvement de décrocher 11 % des suffrages en 2012 et de renvoyer à l’assemblée un groupe parlementaire.

 

 Mais à y regarder de plus près, la revitalisation a ses limites. Le PCF et le PG ne font que retrouver un étiage électoral plus favorable, mais il ne progresse pas en dehors de ses limites traditionnelles. Même le score de Mélenchon en 2012 est une déception : les sondages lui promettaient entre 14 et 18 % des suffrages. Le capital sympathie ne se traduit que faiblement dans les urnes malgré la crise économique qui ravage l’ UE et qui favorise surtout le FN.

Les élections intermédiaires confirment les limites du FDG ou il demeure aux alentours de 5 % au niveau national. Dans les scrutins locaux, il ne passe pas le plus souvent cette limite et se voit éliminé dès le premier tour.

Au PS, la rénovation passe par une « primaire » afin de désigner le candidat du parti pour 2012. Une fois Dominique Strauss-Khan, grandissime favori, écarté à cause de ses ennuis de braguette, la voie est libre pour Hollande qui capitalise enfin des années de négociations et de compromis qui lui ont laissé une image de Mou Inoffensif dans les médias et le grand public.

Elu en 2012, grâce à un bon report des voix du FDG et aussi par le rejet massif dont Sarkozy fait l’objet, Hollande installe un gouvernement qui reflète son goût de l’équilibre et du compromis, mais qui fait rapidement preuve d’une grande légèreté et d’incompétence médiatique alors que la société de l’ image est de plus en plus prégnante.

Surtout, comme son prédécesseur, Hollande se heurte rapidement à la réalité. Son programme était basé sur des évolutions économiques qui ne se produisent pas. La croissance, moteur de son programme, n’est pas au rendez-vous malgré les assurances de tous les grands économistes qui ont aidé le PS à remettre à jour son programme. Conséquence la plus visible : le chômage continue de monter et Hollande commence à souhaiter s’être cassé une jambe plutôt que d’avoir tout misé sur l’inversion de la courbe qui ne concerne que sa popularité en fin de compte.

 

Il pourrait avoir la solution de forcer un peu les choses mais le déficit budgétaire est trop important. La conjoncture et les mauvaises décisions de son prédécesseur le privent de toute marge de manoeuvre.

L’appartenance de la France à l’UE et à la zone Euro imposent des règles et des limites. S’en affranchir pourrait améliorer la situation mais Hollande s’y refuse : faire exploser l’Euro, c’est faire de la France une nation de troisième zone car le pays n’a plus la puissance industrielle et bancaire des années 50 et 60 pour affermir sa monnaie. D’ailleurs, nul ou presque ne le lui demande. Mélenchon le comprends aussi.

Hollande paye aussi son échec à renégocier les traités européens signés par la présidence précédente. Mais pour sa défense, il faut admettre que la position française n’était défendue par personne avant le choc de la décision britannique de sortir de l’ Union. Seul ou presque contre 27, il n’avait guère de chances d’y parvenir.

 

C’est ainsi que nous arrivons à la situation actuelle. Si on en croit les études d’opinion, quel que soit le candidat de gauche, il sera éliminé au premier tour, laissant l’ UMP et le FN face à face. Ni Hollande, ni Valls, Macron, Montebourg, Hamon ou Mélenchon ne sont en mesure de franchir ce cap.

Il est inutile d’objecter que le PS n’est pas de Gauche comme le font ses détracteurs. Sur le plan moral, politique et social, le PS est indubitablement un parti de gauche.

Sur le plan économique, on peut comprendre le doute. Le virage à 180 degrés effectués avec la nomination de Manuel Valls à Matignon en a dérouté plus d’un car ni ses méthodes ni ses buts ne font parties des canons du socialisme exprimés jusque là, ce qui a favorisé l’ émergence des Frondeurs et une certaine agitation médiatique.

Le manque de résultats, les méthodes peu orthodoxes et les nouveaux buts affichés ont largement contribué à la chute du PS dans l’opinion, sans que le FDG ne puisse en profiter car les mouvements se portent massivement vers l’abstention et le vote FN. 

 

Mais pourquoi donc une fois au pouvoir, la gauche ne semble pas être capable de capitaliser sur l’exercice du pouvoir ?

Outre à la difficulté de l’exercice du pouvoir et la confrontation à la réalité, on peut ajouter une trop grande attente et une impatience de son électorat.

Les dernières interviews diffusées ou le président était confronté à des Français en sont un parfait exemple : revisionnez les en portant votre attention sur les questions posées par le panel.

Dans la grande majorité, il ne s’agit que de questions portant sur leurs cas particuliers. Leurs entreprises, leurs difficultés. Rien ou presque sur les tendances de fond, les questions générales ou internationales. Chacun s’attendait à avoir devant soi un assistant social, un conseiller Pôle Emploi. A part débiter des généralités, que pouvait dire le président ?

C’est une clé du problème de l’abstention : les électeurs semblent penser en majorité qu’un élu est en place pour prendre soin de sa vie et de ses problèmes.

Mais non ! Ce n’est pas le rôle d’un élu, local ou national ! Son rôle est de maintenir et de réformer le système politique et social qui fait office de cadre à notre société. Et uniquement cela !

En ce qui concerne les problèmes personnels, la responsabilité première en incombe au citoyen lui-même ! 

Bien entendu, un élu peut apporter son aide en lui indiquant les structures les plus adaptées à la résolution de son cas mais en aucune façon il n’a a se substituer à lui pour l’aider à s’en sortir !

 

 Mais avant tout, la gauche est victime de la grande rupture idéologique des années 90 qui marque la fin de l’espoir communiste dans le monde.

Avant, les choses étaient simples. A gauche, on prônait le socialisme de marché et le contrôle étatique. A droite, c’était le capitalisme. La frontière idéologique était simple et claire, la seule différence entre le PS et le PCF étant le degré de contrôle à apporter au marché.

La première déchirure a lieu en 1983, quand Mitterrand renonce au programme sur lequel il avait été élu.

Pas par plaisir ou calcul cynique mais tout simplement parce que cela ne marchait pas. La situation s’était dégradée avec un creusement significatif de la dette extérieure, et pour garder la confiance des marchés et sa capacité à emprunter et donc à investir, il fallait se mettre à niveau et écouter les conseils extérieurs. Certains bons, d’autres non.

En 1986, l’alternance porte un RPR très libéral au pouvoir. Mais le pays est encore socialement insoumis et la dégradation rapide du climat social pousse Chirac à renoncer à ses réformes les plus impopulaires. Du moins pour un temps car il compte bien l’emporter en 1988 et remettre le couvert mais c’est Mitterrand qui est réélu.

Sachant que les vieux principes théoriques de la gauche ne marchent pas dans la réalité, le président réélu poursuit une voie économique médiane, adaptant le système bancaire et industriel aux normes extérieures. Stratégie facilitée par la chute du communisme.

Cela a pour résultat la modification des frontières idéologiques. Le marxisme est mort, défendu uniquement par ses derniers nostalgiques du PCF et du binôme LO-LCR. La différence entre la gauche et la droite se fait désormais sur la nécessité ou non de réguler le système capitaliste.

Cela laisse des traces car les ouvriers votant PS vivent ce changement comme une trahison là ou le PS ne voit qu’une évolution. C’est le début de la montée de l’ abstention et du vote FN.

Le PS est encouragé dans son évolution par les changements sociologiques importants que connaissent le pays : la fin de l’industrie lourde met les employés en valeur à la place. Le niveau général des connaissances et de l’éducation monte en flèche et le pays voit la classe moyenne prendre de l’ ampleur, un mouvement que le PS va accompagner à la grande différence du PC qui va rester en priorité sur son public cible. Ce qui accélère sa perte d’influence.

 

La seconde déchirure est intervenue avec la nomination de Valls à Matignon.

Tout comme son prédécesseur, Hollande a été confronté à la réalité du terrain et à dû renoncer à sa stratégie première après le lourd échec des municipales. Pressé sur sa gauche pour mettre en place une politique moins centriste, il a rejeté l’option.

Pas par plaisir, mais parce que, comme Mitterrand, il a compris que le programme PS n’est pas applicable, que cela n’aurait jamais marché car l’expérience de 1981 est là pour le démontrer.

Et si cela a provoqué une crise ouverte, cela ne l’a pas empêché de suivre son nouveau cap. A tort ou à raison ?

En tout cas, le choix de la nouvelle orientation économique ne se fait pas au bénéfice du FDG. Les sondages promettent un score élevé à Mélenchon en 2017 mais c’était le cas déjà en 2012 avec la déception que l’on a vu.

De plus, les élections partielles ne voient pas de mouvement de masse se porter vers les candidats FDG qui restent de façon continue ou presque à moins de 7 % des suffrages.

Enfin, de façon plus large, le PS est victime du désamour des Français envers la politique. Il est marquant de voir que le nouveau président élu n’a bénéficié d’aucun état de Grâce. Aucune période d’attente avant de voir les premiers résultats avant de voir sa cote de popularité plonger.

Les « unes » des magazines en font foi. Dès Juin, son échec est annoncé. Ce qui ne surprends pas Hollande car son expérience lui a appris qu’ un des premiers actes des journaux qui ont soutenu la gauche en campagne est de la laisser tomber. 

 

Dans huit mois, le mandat du président prendra fin. A moins d’une surprise de dernière minute, sa candidature ne fait plus de doute et pour le moment, il est promis à une humiliante défaite au premier tour.

Est-ce que la messe est dite ?

Certainement pas. Les circonstances sont difficiles mais 8 mois, c’est long. En politique, c’est très long.

En 1992, les sondages donnaient l’alliance écologiste à jeu égale avec le PS et un nombre équivalent de députés. Six mois après, les urnes n’ont donné que 7 % à l’alliance.

En 1994, Balladur, alors premier ministre, était donné gagnant à la Présidentielle suivante. Il n’a pas franchi le premier tour.

En 2011, Dominique Strauss Khan était donné gagnant avec 20 points d’avance sur Sarkozy. Il n’a même pas pu participer aux primaires.

A la même époque, seuls 3 % des sondés estimaient que Hollande serait élu président.

On a vu ce qui est arrivé.

 

Les temps sont durs pour la gauche. Très durs. Mais le passé nous a montré que souvent, l’avenir n’était pas écrit.

D’ailleurs, les autres partis font face aux mêmes gens de difficultés.

Mélenchon a semble-t-il de grosses difficultés à réunir les parrainages nécessaires. Au point que le FN lui offre son aide !

A l’UMP, les primaires battent leur plein et son candidat n’est pas encore choisi. Mais Juppé devra faire face en campagne a son bilan de 1995 et à sa condamnation dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, ou il a plus joué le rôle de fusible pour protéger Chirac.

Grand favori des sondages, Sarkozy ne peut ignorer ses ennuis judiciaires. Malgré ses rodomontades, sa situation n’est pas confortable avec Bigmalyon et aussi la financement de la campagne de 2007 qui risque de lui attirer de plus gros ennuis encore à cause du financement présumé venir de Libye : on entrerait là dans le cadre de la Haute Trahison.

Les cieux semblent plus cléments avec le FN. Mais le parti doit faire face au rejet massif dont il continue à faire l’objet de la part d’une immense majorité des républicains. Sans compter que son leader charismatique est aussi très près d’une mare peu ragoutante de financement occulte et d’escroquerie via son propre micro parti Jeanne.

Rien n’est certain, c’est la seule certitude !

 

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