A chacun son métier

par Lucchesi Jacques
jeudi 8 juin 2017

La récente élection d’Emmanuel Macron et la création de son parti La République En Marche ont manifestement décomplexé bien des acteurs de la société civile. Mais ne sont-ils pas un peu trop pressés d’endosser l’habit de député ?

Qu’on ne s’y trompe pas : un nouveau parti, c’est aussi un miroir aux alouettes pour tous ceux qui, par idéalisme ou opportunisme, sont tentés par la politique. A l’évidence, c’est cette tournure qu’est en train de prendre la République En Marche, le parti d’Emmanuel Macron fraîchement issu de son mouvement initial En Marche. Dans sa volonté affirmée de renouveler le personnel politique, le jeune président fait largement appel à des personnalités de la vie civile pour aller défendre ses couleurs dans la bataille des législatives. Devant cette foire d’empoigne – car les candidats se bousculent et leur sélection est sévère -, on peut se demander quelle crédibilité vont avoir ces nouveaux impétrants s’ils viennent à être élus. Certes, la députation n’est pas un mandat local mais national et, théoriquement, un candidat, s’il est adoubé par son parti, peut se présenter n’importe où sur le territoire français. Mais il vaut quand même mieux, pour exercer avec pertinence et probité sa mission, avoir un ancrage dans sa circonscription d’élection. C'est certain : les électeurs en ont assez de voir toujours les mêmes têtes dans l’hémicycle du Palais Bourbon. Ils ont raison de critiquer le carriérisme de certains députés. Pour eux la politique ne devrait pas être un métier mais un service apporté à la nation. Reste que ce service, pour être efficace, exige un minimum d’expérience et un engagement à plein temps. Il requiert également des qualités d’écoute et de dialogue avec une base électorale plus que jamais désireuse de participation. Et on peut légitimement se demander si certains « produits » macroniens auraient cette abnégation s’ils accédaient à cette fonction.

Ainsi en va-t-il pour le mathématicien Cédric Villani qui se présente dans la 5eme circonscription de l’Essonne pour la République En Marche. A seulement quarante-trois ans, ce surdoué a raflé les prix les plus prestigieux de sa discipline – dont la fameuse Médaille Field. Très bien ! Mais tant de dons et de succès ne laissent en rien augurer qu’il soit un bon représentant de la nation. Que peuvent bien attendre de lui les braves gens dont il sollicite les suffrages ? On se demande d’ailleurs pourquoi une telle personnalité veut entrer de plain-pied dans l’arène politique. Pour l’argent, sûrement pas ! Ses cours et ses conférences lui rapportent sans doute bien plus qu’une indemnité de député. Il pourrait d’ailleurs – ce n’est pas incompatible – continuer à exercer son travail d’enseignant et de conférencier dans les colloques internationaux où il est régulièrement invité : mais serait-ce un bien pour la vie parlementaire ? Ne voit-il pas d’ailleurs sur quelle pente glissante pourrait l’entrainer son élection ? Car l’activité politique se situe bien en dessous des sphères intellectuelles dont il est familier. Qui peut le plus peut le moins, parait-il. Mais il doit quand même être bien difficile de jongler entre des recherches théoriques gratifiantes et des combats législatifs qui, par comparaison, ressemblent à des soucis de boutiquier.

Non, tout cela n’est pas bien sérieux. Que les mathématiciens se consacrent à leurs théorèmes, que les écrivains écrivent et que les musiciens composent. Que ces gens-là laissent la politique à des intelligences moyennes qui pourront trouver en elle la vocation qui leur a manqué. A chacun son métier, pour peu qu’il soit exercé librement et pleinement. Ainsi verra-t-on, peut-être, la réconciliation de la classe politique avec l’ensemble du peuple français.

 

Jacques LUCCHESI

 


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