A chier ! Les Bayrou, Hollande, Mélenchon, le Pen…
par Bernard Dugué
lundi 5 décembre 2011


Ils sont tous à chier ! Ainsi s’exprimait dans le petit journal Philippe Sollers face à Yan Barthès, avec le regard malicieux d’un gosse s’amusant des conséquences d’une peau de banane glissée devant une porte. Sollers a ainsi donné son avis sur les candidats à la présidentielle, les considérant comme n’étant pas à la dimension de la France et regrettant que Martine Aubry ait été éliminée lors des primaires socialistes. Un débat Sarkozy Aubry, ç’aurait eu de la gueule et je ne suis pas loin de penser comme Sollers, ce septuagénaire qui a gardé une âme mutine et tente de combler le vide en jouant l’intellectuel comique après le départ pour ailleurs de Coluche et du professeur Choron, qui eux étaient des comiques intellectuels. Pléonasme s’il en est puisque le comique fait toujours appel à des traits d’esprit et sans intelligence, pas de comique, rien que du vulgaire. L’appréciation de Sollers sur la classe politique s’inscrit dans le sillage parfait de ses propos sur la France moisie. Barthès tenta de décrypter la formule de Sollers en le questionnant sur le sens à donner à cette élégante et lapidaire formule « à chier ». Tous pourris, corrompus ? Mais non, Sollers est bien trop fin pour se laisser aller une antienne qui alimente le populisme et ferait croire que les politiciens sont pourris sauf ceux qui se présentent en parangons de vertu et veulent pousser les autres vers la sortie. Suivez le regard de l’histoire passée et présente.
Ils ne sont pas pourris, ils sont tout simplement pathétiques et j’aurais dit, presque désincarnés du grand esprit français. Des politiciens sans vision, sans originalité, venus jouer une pièce de théâtre démocratique en usant de textes composés par des plumitifs d’école administrative ou de formules empruntées à un faux bon sens ou bien sacrifiant à de fumeuses comparaisons. Les propos légèrement germanophobes de Montebourg sont en effet nuls à chier et du reste complètement à contresens. Montebourg ignore sans doute que la politique de Bismarck était protectionniste, à l’opposée de l’ouverture économique que défend Merkel. Un pas de côté et c’est le patriotisme de bistrot qui ressort dans les propos de Bayrou incitant à produire français et acheter français. Décidément, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, sans compter les 37 heures de Morin et je n’ose pas parler de la sortie de l’euro prônée par Madame le Pen et de l’Europe à la schlague. Bientôt, ils diront que les boches occupent la BCE et que les Français sont devenus les serviteurs de l’Allemagne. Non, quand même pas. Qu’ils soient nuls à chier est relatif et le propos de Sollers mérite quelque attention car son appréciation est plus tangible qu’il n’y paraît. Mieux vaut une petite phrase de Sollers que ces interminables diversions sur la vie dissolue de DSK qui ne doit plus occuper la scène politique et médiatique mais devrait être entre les mains d’un scénariste de téléfilm.
Nous devons être assez nombreux à avoir cette impression qu’aucun des candidats à la présidentielle ne peut se prévaloir du label « destin national, européen et mondial ». L’Europe est en crise politique et cette situation n’est pas sans rappeler la configuration de ce continent de 1885 à 1914. Des valses hésitations dans le droit ainsi qu’en témoigna Carl Schmitt dans Le nomos de la terre. Le problème à notre époque n’est pas de gérer les territoires mais le sort de la monnaie. Un livre à écrire, Le nomos de l’euro ? Oui, sans doute, la classe politique étant parvenue à ce niveau de vision qu’un grand penseur ne serait pas de trop pour les recadrer dans une dimension plus élevée face aux enjeux de notre temps. Il serait temps de laisser la place à d’autres que ces Minc et Guaino dont les idées émanent d’une fac financée par Castorama. Cela dit, nos politiciens ne sont pas si nuls, car ils sont assez compétents pour jouer sur la scène démocratique et occuper un ministère. L’appréciation de Sollers se veut avant tout esthétique, dans un esprit post-moderne qu’incarnèrent Baudrillard mais aussi Barthes qu’il ne faut pas confondre avec Barthès. Le « à chier » de Sollers est à la fois herméneutique, heuristique et propédeutique, prophétisant une grande analyse qui hélas, nous ramène à notre condition de chouette de Minerve. Cette analyse, elle fut déjà proposée par Lasch et son portrait des élites narcissiques. Finalement, Sollers n’a fait que donner un coup de pied dans le miroir contemporain de la vie politique. Sans bruit ni fracas car le petit journal est faussement subversif. Ce n’est qu’un subtil théâtre où se dessine l’absurde et le comique d’une vie politique qui, si elle ne fait plus rêver, doit au moins nous faire rire.