À Mme Leïla Kaddour-Boudadi, petite-fille de harkis, journaliste érudite, au sujet de l’histoire de la Gaule

par Emile Mourey
vendredi 18 octobre 2019

Madame,

Vous êtes une journaliste connue et reconnue. Dans une de vos interview vous concernant, vous dites : Ma formation est assez classique et à première vue assez éloignée du journalisme. J’ai fait des études de lettres classiques. Un passionnant mélange de littérature française et surtout de latin ainsi que de grec ancien. J’ai d’ailleurs choisi cette dernière discipline pour mon année de maîtrise. 

Vous êtes donc tout à fait compétente pour juger de ma traduction des écrits latins de César et grecs de Strabon. L'affaire est d'importance.

Traduction classique de Strabon, en 18 après J.C.  : Entre le Δούβιος/le Doubs, et l'Aραρος/la Saône, alias Arar, habite le peuple des Héduens. Leur appartiennent la citadelle de Bibracte (φρούριον) et la cité (πόλιν ἔχον) de Cabyllynum (Cabillo/Chalon, sur la Saône). Strabon, géographie, II, IV, 3, 2.

Cette traduction est absurde ; le peuple des Éduens ne s'est jamais trouvé entre la Saône et le Dubis/Doubs, mais entre la Saône et la Dubis/Dheune. Ce texte ne permet pas de mettre la capitale éduenne de Bibracte au mont Beuvray mais dans l'ancienne ville murée de Mont-Saint-Vincent, ancienne place forte des comtes de Chalon. 

 

César confirme l'existence de deux "Dubis". 

En effet, si le mot latin utilisé par César est bien "Dubis" pour désigner le Doubs, il est précédé dans les manuscrits d'origine par celui de "alduas" ; je dis bien "dans les manuscrits" car dans le texte retenu, on a tout simplement supprimé ou mis entre parenthèse cet "alduas". N'en comprenant pas le sens, on a pensé que c'était une glose rajoutée par un copiste (DBG I, 38). On a eu bien tort. Sachant que "al" est une abréviation attestée pour aliter ou alter et que duas évoque le chiffre deux, deuxième ou les deux, j'en déduis, en toute logique, qu'il s'agit d'une expression équivalente à "alterutrum", l'autre des deux. Il faut donc comprendre qu'en se plaçant à la confluence de Verdun-sur-le Doubs, César voyait à l'ouest, le Dubios de Strabon, alias Dubis (Dubios/Dubos/ Dubina/Duina,la Dheune) et à l'est, l'autre des deux Dubis (le Doubs). (Voyez mes croquis en bleu). On ne peut pas reprocher à Strabon ou à César un manque de précision. Il fallait comprendre qu'ils nous ont décrit un paysage géographique tel qu'ils le voyaient ou le comprenaient.

 

En 58 av.J.C. , César confirme la localisation de Bibracte à Mont-Saint-Vincent  (DBG I, 16-23).

Les Helvètes venaient de Genève. Après avoir franchi la Saône, ils avaient remonté son cours puis s'en étaient éloignés en s'engageant, de toute évidence, dans le couloir de la Dheune. César qui les poursuivait, ne pouvant plus compter sur le blé de ses bateaux, attendait que la cité éduenne lui amène une première livraison de blé soi disant promise, une livraison qui n'arrivait pas. La réaction de César ne pouvait être, en toute logique, que de convoquer le conseil éduen pour qu'il s'explique, mais où ? Le texte dit : "in castris". Le professeur Constants traduit par : dans les camps (de César). Certainement pas ! C'est dans leur capitale de Bibracte que les Éduens tenaient conseil. Le mont Beuvray étant beaucoup trop loin, tout s'explique, en revanche, en mettant Bibracte à Mont-Saint-Vincent. Voyez mon croquis.

 

Traduction du professeur Constants en italiques : César convoque les chefs éduens qui étaient en grand nombre dans son camp (DBG I, 16 ). Non, je répète ! Le mot "castra" ne peut désigner que la place forte de Mont-Saint-Vincent, véritable Bibracte. Oui ! Les "principaux" des Éduens y sont en grand nombre. César congédie pomptement l'assemblée. Je corrige : César congédie le conseil (consilium dans le texte). Cela signifie qu'il s'est rendu dans la place forte de Mont-Saint-Vincent (Bibracte) pour y exposer ses griefs devant le conseil éduen convoqué à sa demande... conseil qu'il congédie pour ensuite s'entretenir en privé avec le Vergobret Liscus... Liscus lui dit alors que ce sont ces mêmes personnages qui instruisent l'ennemi de nos plans et de ce qui se passe dans l'armée. Non ! Je corrige : Liscus lui dit que ce sont certains de ces "principaux", non magistrats, simples particuliers mais ayant une influence sur le peuple, qui le détourne pour empêcher la livraison promise. Ce sont par ceux-là que les ennemis (les Helvètes) sont informés de ce qui est décidé dans les conseils qui se tiennent dans la place forte (de Mont-Saint-Vincent/Bibracte). Il s'agit là d'une phrase très importante qui nous renseigne, en outre, sur le fonctionnement de la cité éduenne et sur les rivalités possibles qui existaient entre les magistrats élus (dont le Vergobret) et la noblesse (Dumnorix).

L'affaire étant réglée, le blé livré, César reprend sa poursuite derrière les Helvètes qui se dirigent vers l'Arroux dans l'intention logique de reprendre le mont Beuvray - Gorgobina - aux Germains qui tiennent la position... plusieurs jours de marche se passent... Nouvelle attente d'une livraison de blé qui, manifestement, n'arrive pas. En toute logique, César décide de retouner à Bibracte/Mont-Saint-Vincent pour faire pression sur le conseil éduen, et cela avec toutes ses légions, c'est clair.

Traduction Constants : Bibracte (est) de beaucoup la plus grande et la plus riche ville des Éduens ... laissant les Helvètes, César se dirige vers Bibracte...Les Helvètes font demi-tour et le suivent. Je retraduis : César se dirige vers Bibracte, l'oppidum le plus important et le plus riche (en blé) des Éduens. Les Helvètes font également demi-tour pour le suivre - itinere converso - . Revenant sur leurs pas, tout ce monde-là se dirigeait vers Bibracte, le Mont-Saint-Vincent.

Itinere converso : le cheminement ayant été inversé. Les traducteurs interprètent en faisant "obliquer" tout ce monde-là à Montmort où aurait eu lieu la bataille ; Non ! La bataille a eu lieu à Sanvignes sur l'itinéraire retour.

 

II.Bataille de Sanvignes.(DBG I, 24-25)

Traduction de Constants : César conduit ses troupes sur une hauteur voisine,.. En même temps il range en bataille sur trois lignes, au milieu de la colline, quatre légions de vieilles troupes, et place au sommet les deux légions... Non ! Je retraduis : César installe ses troupes sur une "proximus collis". C'est là qu'il ne faut pas tomber dans le piège des mots. La "collis" de César est le long versant de la ligne de crête du mont Maillot. Le "mons" de César est la colline de Sanvignes. Sur le versant précité, César installe ses légions de vétérans en lignes de bataille, à mi-pente du versant, media colle. Il installe deux légions de jeunes recrues sur la colline de Sanvignes, mons. Cette "proximus collis", pente du mont Maillot, c'est la même "proximus collis" qu'il désignait ainsi, à l'aller, lorsqu'il poursuivait les Helvètes, preuve irréfutable que César ne se dirigieait plus vers le mont Beuvray mais qu'il revenait sur ses pas en direction de Bibracte/Mont-Saint-Vincent. Suit la bataille remportée par César contre les Helvètes, telle que je l'ai expliquée par ailleurs, autre preuve irréfutable.

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/ministre-aveugle-ou-aveugle-on-214994

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/vercingetorix-si-tu-savais-les-211967

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/a-mm-les-archeologues-pierre-209492

 

Mme Leïla Kaddour-Boudadi, c'est un appel au secours que je vous adresse.

Je ne vous demande, ni de lire les cinq livres que j'ai écrits sur l'histoire de la Gaule, ni d'en approuver la teneur, ni de lire ou d'approuver mes 440 articles publiés sur Agoravox, je vous demande seulement de lire le présent article et de m'apporter votre soutien.

En 1962, en tant que lieutenant, je commandais une compagnie dans le Constantinois avec la responsabilité d'un territoire comportant plusieurs dizaines de milliers d'habitants. En prenant mon commandement, j'ai interdit tout acte de torture (inscription au cahier d'ordres et de rapport de l'unité). J'avais également sous mes ordres une vingtaine de harkis avec leurs familles. Ces harkis étaient de provenance diverse, anciens combattants, victimes des exactions du FLN ... Comme vous devez le savoir, le gouvernement de cette époque avait interdit leur rapatriement. Ma harka a été versée dans une harka de gendarmerie et ma compagnie rapatriée sur le PC du bataillon ; je l'avais donc perdue administrativement. Tous les trois jours, j'allais les voir au volant de ma jeep. J'ai vu des hommes désespérés, jusqu'au jour où le gouvernement a finalement donné l'autorisation. Tous mes harkis ont été rapatriés. C'est l'année où vos grands parents l'ont été.

Merci de m'apporter votre soutien.

Emile Mourey, saint-cyrien, ancien lieutenant-colonel d'active, proposition au grade de colonel à laquelle je n"ai pas donné duite, 25 ans de services, légion d'honneur, mérite national, valeur miltaire, ne s'est battu et ne se bat encore, à 86 ans, que pour la gloire et pour des prunes (Edmond Rostand, l'Aiglon).

Château de Taisey, ruines du XVII ème siàcle, 17 octobre 2019.


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