A Paris, on se moquait autant des usines à cochons allemandes que l’état major français de 1940 des panzer divizions

par Patrice Gibertie
lundi 29 février 2016

François Hollande débordé et conspué au Salon de l’agriculture désigne les responsables de la crise : la grande distribution. Manuel Valls s’en prend à la commission européenne et aux réformes…voulues par la France. Quelques coups de mentons mussoliniens du premier ministre n’effaceront pas la responsabilité de nos politiques.

 

 

La fin de la politique agricole régulatrice

La crise agricole actuelle est largement due à l’effondrement des cours dans un contexte où la Politique agricole commune a abandonné toute action régulatrice des marchés. La responsabilité incombe largement à l’incompétence de ceux qui ont eu en charge la question agricole en France : Bruno Le Maire et Stéphane Le Foll . Le choix libéral n’était pas inéluctable et pendant quarante ans la France s’est battue pour une Pac régulatrice des marchés.

L’Etat français, dans le cadre de l’Union européenne, s’est privé d’outils pour réguler l’activité agricole. Par exemple, les quotas laitiers, instaurés en 1984, ont permis de contrôler la production laitière pendant une vingtaine d’années. Afin de juguler la surproduction, l’Europe met en place des quotas laitiers en 1984. Par la suite, les oléagineux et les céréales sont soumis à des « quantités maximales garanties » au-delà desquelles le soutien est réduit.

Des mesures structurelles sont également instaurées : incitation financière au gel volontaire des terres ou à la cessation d’activité des agriculteurs âgés, programmes d’extensification de la production, primes à la diversification…

En 1984, le Conseil européen de Fontainebleau instaure le principe de la discipline budgétaire. Ainsi, les dépenses agricoles ne pourront pas augmenter plus vite que les ressources propres de la Communauté.

Conduite par le commissaire irlandais MacSharry, la réforme de 1992 poursuit l’objectif de résorber durablement la surproduction et les dépenses de la PAC, mais aussi de conclure le cycle de négociations commerciales lancé en 1986 dans le cadre du GATT (« Uruguay round ») avec les partenaires extérieurs de la Communauté.

Elle s’attaque alors directement au système des prix garantis : ceux-ci subissent une forte baisse, les producteurs recevant en contrepartie des aides directes sous forme de primes à l’hectare ou à l’animal. Une partie de leur exploitation doit être mise en jachère obligatoire. La protection douanière et les subventions à l’export sont considérablement réduites.

La réforme introduit également des mesures incitant les producteurs à utiliser des méthodes plus respectueuses de l’environnement.

Ces mesures parviennent à limiter la production et à assurer la compétitivité de l’agriculture européenne au niveau mondial par un rapprochement avec les prix mondiaux. En revanche, la compensation de la baisse des prix garantis par des paiements directs ne diminue pas les dépenses de la PAC (il ne s’agit que d’un transfert de charges du consommateur au contribuable).

 

Dans sa vision libérale, l’Europe a décidé depuis 2008 d’arrêter ce système.

Fini les quotas et les mesures d’incitatives, on va pouvoir produire, surproduire La France ne mesure pas la conséquence de la suppression des quotas laitiers acceptée en 2008 par Bruno Le Maire

« Sur la question des quotas, je suis pragmatique. La France s’est vue accorder un quota de 25 milliards de litres cette année et nous ferons 23 milliards de litres. La question qui se pose est : est-ce que les quotas sont la solution à la crise du secteur ? », s’est interrogé Bruno Le Maire.
« Ce que je veux, c’est réguler la production pour assurer un revenu stable et décent aux producteurs. Il ne faut pas s’accrocher à des formules magiques. D’ailleurs, il n’y a pas de formules magiques », a-t-il ajouté.
« Oui, c’est une inflexion », a-t-il dit. La France était jusque-là avec l’Allemagne et l’Autriche l’un des seuls pays européens à ne pas se résoudre à la fin des quotas prévus pour 2014-2015.
« On ne dépense jamais trop pour un secteur stratégique (…) La régulation de la production est nécessaire car le secteur agricole et agro-alimentaire est trop stratégique pour être laissé aux forces du marché », a-t-il insisté en concluant sur l’intérêt de « faire dans le secteur agricole ce que nous avons fait dans le secteur financier. Cela sera notre fil rouge pour la réforme de la PAC en 2013 ».

Bruno Le Maire s’est lourdement trompé.

Stephane Le FOLL N'A PAS FAIT MIEUX « C’est un choix de libéralisation, on ne va pas revenir dessus », indiquait le ministre en 2015. « Mais on a permis aux producteurs de s’organiser entre eux et maintenu un filet de sécurité avec la possibilité d’apporter des restitutions (dédommagements) en cas de détérioration grave du marché ».

Alors que plusieurs pays du Nord, dont l’Allemagne ou les Pays-Bas, optent pour des fermes à grande échelle et l’industrialisation de la production, en France les producteurs ont été encouragés à se regrouper en Gaec, les groupements agricoles d’exploitation en commun, rappelait -t-il.

« Loin des fermes-usines, on arrive ainsi à des groupements de 400 vaches capables de produire jusqu’à un million de litres. Mais chacun reste en capacité d’assurer son autonomie fourragère. Ce système permet de se satisfaire d’une rentabilité plus faible que dans le cas des fermes-usines qui nécessitent d’importants investissements ».

En comparaison, le modèle des fermes industrielles ne lui paraît pas une garantie d’avenir. « Le gigantisme fait peser de graves risques sanitaires sur le troupeau et l’exploitation reste étroitement dépendante de la volatilité des prix de l’alimentation animale », fait valoir le ministre.

Le Foll se trompait lourdement…

Ce qui est vrai pour le lait vaut également pour les autres secteurs. La nouvelle Pac accorde des aides directes à l’hectare sans distinguo de production et plus l’exploitation est vaste plus elle touche. L’objectif est clair pousser à produire plus.

Cette libéralisation a permis d’augmenter la production de lait jusqu’à devenir excédentaire. Cela a entraîné une baisse des prix. Dans le secteur alimentaire, il suffit d’un léger surplus de production pour que les prix s’effondrent.

La fin des quotas laitiers a poussé à la surproduction laitière, au gigantisme des exploitations. Les cours du lait ont accompagné le processus jusqu’au moment où ils se sont retournés puis effondré. Le phénomène a impacté la filière de la viande, car des vaches laitières ont été mises à la réforme, c’est-à-dire vendues aux abattoirs pour leur viande. Dans le même temps, les débouchés se sont réduits, notamment à cause de la baisse de la consommation de viande.

 

Les cours se sont effondrés et en premier ceux du porc car l’offre a explosé

Les prix du porc sont fixés au marché au cadran de Plérin en Bretagne, qui est le marché du porc breton. Le prix est fixé pour 18% de l’élevage français. Il sert ensuite de référence nationale. « Le jeudi, les abatteurs (industriels) achètent aux éleveurs et c’est ainsi qu’est fixé le prix, par une confrontation directe entre l’offre et la demande comme en salle des ventes. On est aussi sur un marché européen. Il y a de la concurrence. Le prix dépend de l’offre et de la demande.

L’offre a explosé particulièrement en Allemagne AU Danemark et en Espagne. La logique est clairement productiviste avec l’apport d’une main d’œuvre étrangère très bon marché venu du Maroc ou de l’Est.

L’agriculture productiviste française ne fait pas le poids : rigidités du marché du travail, normes écologiques handicapantes.

Les grandes exploitations connaissent cependant une période de croissance. Ces dernières années des fermes-usines ont même fait leur apparition, provoquant la colère des syndicats agricoles. Ainsi, selon la Confédération paysanne, près d’une trentaine d’exploitations géantes sont en projet sur le territoire. Parmi elles, une ferme de 250 000 poules dans la Somme, 125 000 poulets dans le Vaucluse, ou encore 23 000 porcelets dans les Côtes-d’Armor. La plus médiatique reste la ferme des 1 000 vaches dans la Somme.

La logique européenne contraint l’agriculture à adopter ce modèle ou à disparaitre… Nos hommes politiques ignoraient-il que la France n’était pas prête à ce grand tournant, d’ailleurs le pouvait-elle avec les rigidités de son marché du travail et les normes écologiques uniques au monde qu’on lui impose.

Le choix du marché c’est le choix des exploitations avec 1000 ou 2000 vaches, le choix des ogm. On assume ou on ne fait pas.

Les Allemands assument : ce sont des écolos qui remplacent le nucléaire par le charbon et démultiplient les gaz à effet de serre. Ils assument également dans le domaine agricole avec leur production de graines de soja écologiques en usine. Les Danois sont également des écologistes mais à leur manière, avec des éoliennes et de l’énergie propres plantées au milieu de vastes étendues de lisier de cochon. Nous nous sommes des écolos normatifs avec tout plein de contrôles .

La logique du marché n’est pas elle de l’agriculture à la José Bové et nos politiqués ont contraint notre agriculture à affronter le marché en portant Jean Vincent Placé sur le dos.

La logique du marché conduit une spécialisation des agricultures en fonction de leurs avantages compétitifs (les porcs au Danemark, le blé dans le Bassin parisien, l’arboriculture dans les pays du Sud…)

L’agriculture en France reste dominée par les petites structures. Si, au-delà d’un seuil minimal, la taille n’est pas en soi un élément déterminant de la performance des exploitations, elle tend toutefois à le devenir avec l’adoption de nouvelles pratiques culturales et l’évolution vers de grandes structures observées dans plusieurs pays. Il s’agit notamment de nouvelles techniques reposant sur des matériels sophistiqués et très informatisées en productions végétales, d’automatisation en production animale. Les économies d’échelle sont par ailleurs plus manifestes dans les industries de première transformation et l’internationalisation limitée des groupes agroalimentaires français (en dehors du sucre et de quelques secteurs) sont un facteur de faiblesse, dans un environnement de plus en plus dominé par des entreprises mondialisées. Une réglementation plus contraignante et un coût du travail plus élevé sont souvent considérés par les organisations professionnelles comme un désavantage comparatif pour la France. Les écarts de coût du travail sont cependant très significatifs dans des secteurs à forte intensité en main d’œuvre (fruits, légumes) ou dans la première transformation animale avec des pays comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, et plus encore la Pologne ou l’Afrique du Nord.

Sur la période récente, l’Allemagne a accru sa part dans les exportations mondiales de produits agricoles et agroalimentaires. En viande porcine, l’Allemagne avec 4 millions de tonnes équivalent carcasse a vu sa production croître de 30 % depuis 2000, alors que la France, avec 2 millions de tonnes, a vu sa production diminuer de 5 % sur la même période. La France est déficitaire vis-à-vis de l’Allemagne (le solde français avec l’Espagne s’est davantage dégradé encore). En lait, tandis que la France n’a pas atteint son quota national de production pour la campagne 2014- 2015 (sous-réalisation de 3,5 %, sur fond d’une baisse de 4 % de la collecte de lait), l’Allemagne dépassait le sien de 3,7 %. Elle exporte aussi plus de fromage que la France. En produits transformés, la France est derrière l’Allemagne sur tous les marchés d’export à quelques exceptions près. Les abattoirs allemands transforment désormais les porcs de plusieurs pays voisins avant d’y réexporter la viande, alors que le bas taux d’utilisation des abattoirs français contribue à leurs faibles marges.

Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer ce décalage entre France et Allemagne. La proximité géographique et logistique avec des marchés de consommation dynamiques en est un. L’élargissement a mis l’Allemagne au centre de l’Europe, « éloignant » d’autant la Bretagne, et c’est sur les marchés d’Europe centrale que l’écart de position commerciale avec la France s’est creusé. Les exploitations agricoles moyennes sont d’une taille assez similaire en France et en Allemagne. Néanmoins, les grands domaines de l’est de l’Allemagne, récemment modernisés et ayant pris le pli d’une agriculture industrielle, constituent des concurrents de premier ordre. Ces industries ont bénéficié d’investissements massifs dans des nouvelles unités de production après la réunification, et elles sont davantage robotisées qu’en France . Elles procurent en particulier aux laiteries et aux abattoirs de la matière première bon marché. Alors que les productions les plus intensives en main d’œuvre ont souffert en France depuis dix ans, elles se sont au contraire développées en Allemagne (mais aussi en Espagne et dans les pays d’Europe centrale.

Dans la production de fruits et légumes et l’horticulture, le coût horaire moyen du travail serait une fois et demie plus élevé en France qu’en Allemagne (12,4 et 7,90 euros de l’heure, respectivement, en 2013) . Dans l’abattage et la découpe de viande, les comparaisons sont potentiellement faussées par le recours massif en Allemagne aux « travailleurs détachés », qui ne sont pas comptabilisés dans les chiffres d’emploi. Une fois ce facteur pris en compte, le coût du travail moyen apparaît là encore de l’ordre d’une fois et demie plus élevé en France qu’en Allemagne. L’Allemagne a utilisé les énergies renouvelables pour subventionner ses exploitations agricoles. Ainsi, les agriculteurs allemands recevraient chaque année près de 9 milliards d’euros pour leur production d’énergie renouvelable, biomasse et photovoltaïque . Le fort développement du programme biogaz, grâce à des tarifs de rachat élevés, est tel qu’une partie non négligeable du revenu des agriculteurs provient de cette ressource qui, en outre, réduit considérablement leurs problèmes de trésorerie

Les faiblesses françaises ne concernent pas seulement l’agriculture mais la filière dans son ensemble.

 

LA GRANDE DISTRIBUTION EST-ELLE COUPABLE ? Le gouvernement dénonce la loi Sarkozy de modernisation de l’économie et entend imposer la présence des agriculteurs dans les négociations entre distribution et industriels. Est-ce compatible avec les règles européennes de libre concurrence ? Non. Est-ce utile ? NON.

En France, les distributeurs, les grandes surfaces, jouent le jeu pour la viande fraîche, ils achètent français. Mais les salaisonniers qui utilisent 70 % du porc pour la transformation trouvent de la viande 15 à 20 % moins cher dans les pays voisins. Pour la première année, l’export et l’import de porc en France sont au même niveau.

Cette insuffisance de grandes structures concerne d’ailleurs tout autant l’industrie agroalimentaire, ce qui contribuerait (selon les études) à nuire à sa compétitivité. En France, il n’existe pas suffisamment de structures qui seraient équivalentes aux « global players » américains, brésiliens ou chinois. Ainsi, par exemple, dans le secteur de la viande, les principales entreprises françaises – Bigard pour la viande bovine et Cooperl pour la viande porcine – ont une taille bien inférieure à celle des géants américains, brésiliens ou chinois ou sont bien moins internationalisées que certains groupes européens comme Vion (Pays-Bas) ou Danish Crown (Danemark).
Trois économistes de renom, Jean-Christophe Bureau, professeur d’économie à AgroParisTech et chercheur associé au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), Lionel Fontagné, professeur à l’université de Paris I, et Sébastien Jean, directeur du CEPII et directeur de recherche à l’INRA, ont publié au mois de décembre dernier deux études complémentaires pour le Conseil d’analyse économique (CAE), une structure placée auprès du Premier ministre. Celle-ci s’inspire du Council of Economic Advisers aux Etats-Unis, composée d’économistes qui conseillent la Maison Blanche. La première de ces études est une note intitulée L’agriculture française à l’heure des choix. Elle fait le point sur la situation du secteur agricole français en expliquant qu’en dépit d’importants soutiens publics, les résultats sont globalement insatisfaisants, que ce soit en termes d’évolution de l’emploi, des revenus, de la compétitivité ou de son impact environnemental. La seconde étude est un focus, dont le titre est Comment expliquer les contre-performances de l’agriculture française ? et qui tente d’expliquer pourquoi ces résultats sont si décevants.

Que doit-on en retenir ?

Une agriculture largement subventionnée, mais dont les résultats sont insatisfaisants

L’agriculture française bénéficie d’un fort soutien public. Les auteurs évaluent ainsi les« transferts directs » à 30 000 euros pour chacune des 320 000 exploitations. Ils classent également parmi les soutiens publics des exonérations et déductions fiscales, la protection douanière vis-à-vis de certaines importations agricoles, ou les compensations liées au fait que les cotisations sociales des agriculteurs ne permettent pas de couvrir l’ensemble des dépenses du régime agricole. Au total, ces aides représenteraient en moyenne 84 % du revenu agricole d’une exploitation. Ce montant serait encore plus élevé dans le secteur du lait (89 %) et a fortiori dans les secteurs bovins viande (169 %) et ovins caprins (198 %). Les auteurs donnent à ce titre l’exemple extrême d’un élevage ovin des Alpes qui perçoit 59 000 euros de transferts publics alors que le revenu net de l’exploitation est inférieur à 19 000 euros.

Le modèle agricole français ne pouvait survivre au choc des marchés et il est aujourd’hui pathétique de voir la classe politique française chercher à remonter le temps pour revenir dix ans en arrière. Que demandent Le Foll et Vals aujourd’hui à nos partenaires européens ? le retour à une PAC régulatrice, celle que la France a sacrifié lors des rendez-vous de 2008 et de 2013. Que penser de ces étranges pratiques ciblant la distribution, elles sont illégales et la commission devrait très vite sévir.

Les fameuses tables rondes regroupant les industriels, les producteurs et la distribution pour déboucher sur des ententes sur les prix sont totalement en contradiction avec la politique européenne de la concurrence. Affligeant ….

 

 Et l’embargo RUSSE sur les produits alimentaires a également eu un effet redoutable. 

« Les emmerdes, disait Jacques Chirac, ça vole en escadrille », et cela vaut aussi dans le domaine agricole. En 2014 l’Union européenne pousse l’Ukraine à choisir entre elle et l’Union économique poutinienne. La crise commence à l’Est .Pour punir Poutine d’avoir permis aux russes de Crimée de devenir russes l’Ue décide de sanctions économiques. La Russie réplique et c’est l’agriculture en particulier française qui trinquera. Hollande a visé poutine et tiré sur les agriculteurs. La disparition des produits laitiers bon marché venus d’Europe a donné sa chance à la production russe . Les consommateurs et investisseurs russes n’ignorent plus les fabricants russes, qui arrivent même à exporter.

La Russie est en proie à la récession et cette année, la situation se détériore encore, souligne le journal. Mais l’agriculture relève rapidement la tête. Les autorités insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas que des sanctions et de la chute du rouble (qui favorisent les produits russes et rendent les produits importés plus chers), mais de facteurs fondamentaux à long terme.

Suite au désordre lié à la décollectivisation , le secteur agricole est tombé en ruines et la Russie est devenue dépendante des importations de produits alimentaires. Le nouveau code foncier adopté en 2001 a permis aux Russes de créer des sociétés privées mais le secteur se développait lentement.

Pari gagné. Ainsi, la Russie était encore récemment un grand importateur de poulet et de porc d’Amérique du Nord. Aujourd’hui, elle couvre ses besoins en volaille et devient un exportateur net de porc, pour la première fois de l’histoire. L’année dernière, les exportations agricoles se sont chiffrées à 20 milliards de dollars, soit plus que les ventes d’armes.

Pour sortir de la crise agricole la France doit de toute urgence mettre fin à cet embargo mis en place pour faire plaisir aux faucons américains.

La crise est cependant structurelle et il faudra  beaucoup plus pour en sortir. La France peut-elle faire l’impasse sur la modernisation par le marché et les fermes de 1000 vaches . Pas évident d’échapper à la malbouffe surtout à l’export. Quant aux consommateurs théoriquement prèts à payer plus cher pour des produits de qualité, en ont-ils les moyens ?

Méfions-nous de déclarations d’intention.

Bureau, Fontagné et Jean recommandent de développer les recherches sur les nouvelles techniques de sélection afin de « créer les conditions d’une agriculture innovante  », mais aussi d’éviter un « risque de décrochage de la France en termes d’innovation  ».

Le ralentissement des gains de productivité dans l’agriculture et l’agroalimentaire français se mesure à travers la faible progression des rendements des grandes cultures ou la dégradation du solde extérieur. Les auteurs estiment à ce propos qu’« on ne peut pas écarter l’hypothèse que l’agriculture française soit simplement moins innovante  » en soulignant en particulier la faiblesse des dépenses de recherche privée des entreprises françaises en amont et en aval de l’agriculture. Les auteurs indiquent que les instituts techniques, les coopératives, les chambres d’agriculture ne promeuvent pas suffisamment les « techniques innovantes ». Enfin, ils soulèvent la question de « l’acceptabilité sociale du progrès technique » en faisant notamment référence aux OGM. Ils en concluent que « du fait d’un rejet sociétal, la recherche française accuse un retard technologique qui devient important  » et que « les choix français pourraient à terme se révéler coûteux en termes de retard technologique ».

 

C’est le prix que l’agriculture française doit payer aux khmers verts de la politique … La filière énergétique, le gaz de schiste, le BTP, l’industrie, l’agriculture , qui mesurera un jour la nuisance du Grenelle de l’environnement et du sectarisme écologique.

 

Heureusement il y aurait la tradition du bien manger à la française, la qualité peut-elle sauver l’agriculture française ? Oui et non, rien n’est simple.

Mais attention la production de qualité n’est pas obligatoirement associée aux exploitations de petites tailles. Les producteurs de poulets classe A du fameux modèle breton ne font pas mieux avec 12000 poulets que d’autres avec 120 000. Les 400 vaches de Le Foll ne sont pas plus garantes de qualité que 1000 vaches regroupées dans une seule ferme.

La crise du modèle breton est celle d’un positionnement bas de gamme incapable de produire de la malbouffe compétitive.

Périco Légasse résume bien la situation :

« Les agriculteurs qui se suicident sont ceux qui ont suivi et appliqué à la lettre les consignes de la politique agricole européenne, encouragés en ce sens par les directives de Bruxelles, les chambres d’agriculture et les instances syndicales liées aux lobbies, qui leur ont dit : modernisez-vous en empruntant beaucoup pour surproduire toujours davantage, afin d’obtenir le prix de revient le plus bas possible, et vous resterez les plus concurrentiels sur le marché. Et si une offensive vient vous menacer, elle viendra de si loin que l’Union Européenne constituera un rempart. Ce que l’on n’avait pas prévu, c’est que l’offensive viendrait de l’intérieur de l’Europe, avec des outils européens. C’est notre alliée, et partenaire, l’Allemagne qui, après nous avoir bien « aidés » dans le démantèlement de nos fleurons industriels, a créé des usines porcines dont certaines concentrent 40.000 bestiaux (que l’on ne nous parle plus d’agriculture), avec de la main d’œuvre bulgare ou roumaine payée 3€ de l’heure, pour vendre de la viande de porc 30% moins chère que le moins cher de la production bretonne, à la grande distribution française toujours prête à trahir l’économie nationale pour augmenter ses marges… Bien entendu, les dirigeants de Berlin n’imaginaient rien, ne se doutaient en rien des conséquences. Et à Paris, on se moquait autant des usines à cochons allemandes que l’état major français de 1940 des panzer divizions, puisqu’il et bien connu que les Ardennes sont infranchissables… Aujourd’hui, le porc allemand est en vente dans les grandes surfaces de Bretagne. Je ne savais pas que nos choix économiques étaient encore fixés par le général Gamelin. Quand on fait de la merde, il y a toujours une possibilité que quelqu’un en fasse une encore moins chère.

L’apparition de maladies dans les élevages est la conséquence directe du confinement d’animaux en surnombre. En aquaculture, on prévient le drame en saturant les poissons d’antibiotiques. Idem dans les élevages de poulet intensifs. Le palmipède engraissé échappait à la règle, mais la consommation de foie-gras ayant explosé, il a fallu concentrer davantage pour produire davantage, à moindres coûts. Résultat, le terrain devient favorable aux épidémies. « 

 

L’intelligence recommanderait la montée en gamme.

Bureau, Fontagné et Jean recommandent les acteurs à promouvoir ensemble un petit nombre de labels valorisant des atouts des produits agricoles et alimentaires français. Ces atouts doivent concerner en particulier « l’excellence sanitaire française ». Ils en concluent de façon assez intéressante qu’«  il faut faire en sorte que les multiples contraintes sanitaires, éthiques et réglementaires imposées par le consommateur européen se transforment en atouts commerciaux ».Pour ce faire il faudra réviser la nature des normes, elles ont privilégié l’élimination des bactéries et du gout ? De la m…e même propre et sous cellophane reste de la m….e

 

Enfin, le dernier facteur réside dans une mauvaise stratégie française de compétitivité dite « hors prix ». Les auteurs estiment ainsi qu’«  associer qualité et origine géographique est un pari risqué, surtout à l’international  », d’autant que les consommateurs étrangers sont généralement plus sensibles aux marques déposées qu’aux appellations d’origine qu’ils ne connaissent pas nécessairement et que la valeur ajoutée concerne avant tout aujourd’hui les produits transformés, plutôt que les produits bruts différenciés. En d’autres termes, ce que l’on a en tête pour chez nous, ne correspond pas forcément aux critères les meilleurs pour l’export.

Par ailleurs, le « positionnement haut de gamme » n’apparaît pas suffisant, comme le démontre la baisse de la part de marché international du vin français face aux vins d’autres pays. Le plus affligeant est le mauvais état de l’élevage de es magnifiques bêtes à viande du Charolais ou du Limousin.

En clair, on ne peut laisser aux concurrents les basses et moyennes gammes. On peut noter à ce propos que c’est également la position qui était défendue par le rapport De nouveaux modèles de croissance pour les industries agroalimentaires françaises ? rédigé en 2015 par Michel Zarka et Anne Laroche et publié par Saf Agr’iDées et La Fabrique de l’industrie. Les auteurs de ce rapport défendaient un positionnement moyen de gamme pour répondre aux besoins alimentaires croissants des classes moyennes dans les pays émergents, ce qui « suppose d’adapter les produits aux attentes des consommateurs de différentes régions du monde et de ne pas se laisser enfermer par un modèle de gastronomie à la française, privilégiant le haut de gamme et les spécificités régionales » car, d’après eux, « cette niche est trop limitée pour permettre à la plupart des PME et ETId’amortir les coûts d’accès aux pays étrangers ».

Une nécessaire révision des politiques agricoles

Ces constats sont souvent assez bien connus, mais que doit-on faire pour cela change ? Pour Jean-Christophe Bureau, Lionel Fontagné et Sébastien Jean, il faut réviser les politiques publiques agricoles. De leur point de vue, ces politiques souffrent tout d’abord d’un « manque d’orientation claire ». Ensuite, elles se caractérisent par « un empilement d’outils peu efficaces et poursuivant parfois des objectifs contradictoires  » qui se traduisent par «  des dépenses élevées n’atteignant ni les objectifs de compétitivité, ni ceux d’assurer un revenu décent pour l’ensemble des agriculteurs, ni ceux de préservation de l’environnement ».

Ils reconnaissent aussi que les difficultés rencontrées par l’agriculture correspondent à ce que l’on peut retrouver dans d’autres secteurs économiques : faible taille des structures, relations défaillantes entre fournisseurs et industrie, « positionnement en gamme peu lisible à l’étranger », coûts plus élevés que la concurrence, difficultés à innover.

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