À propos...

par alinea
lundi 19 mars 2018

À propos…

 

De Pervers et Narcisse.

 

Voilà que j’entame une entreprise ardue et hasardeuse : ma vision, et mon vécu, personnelle sur le harcèlement moral, et dans celle-ci que des faits que je n’ai jamais lus, ou peu, en tout cas jamais développés. Je vais tâcher de ne pas trahir l’intimité des uns ou des autres, et toute la hardiesse est là !

D’abord j’avais lu « Malaise dans le travail » de Marie-France Hirigoyen ; cela ne me concernait pas et je l’avais lu avec juste un petit bout de mon cerveau ; néanmoins cela m’avait mis la puce à l’oreille, peut-être y avait-il là quelque chose qui n’était pas seulement imputable à moi. Un an plus tard, j’ai lu son livre sur le harcèlement moral, et, après beaucoup de pages insignifiantes pour moi, tout à la fin elle fait le portrait robot du « pervers » et de sa « victime », c’était tellement juste que la chose fut posée ; j’étais loin d’être sortie de l’auberge mais mon premier réflexe fut de dire ça à tout le monde, puis, me ravisant, m’avisant de l’inanité de ce projet, je n’en dis rien. Ce que j’en ai lu depuis m’a toujours paru émanation d’un cerveau gauche déconnecté du réel et je n’arrive pas à comprendre la motivation des « chercheurs ».

Je n’arrive pas à comprendre non plus comment on peut baser ses études sur des « pervers »en HP, vu que la plupart d’entre eux n’ont aucune remise en question, qu’ils circulent dans une société dans laquelle ils se trouvent bien, avec une multitude de gens qui les trouvent formidables.

En introduction, je voudrais dire que les mots utilisés pour ce genre de relation, ne me conviennent pas du tout. Certes « narcissique » est incontournable mais il est là dans une dimension tellement unique et totale qu’il défie le narcissisme que l’on rencontre chaque jour chez bon nombre de nos contemporains. Mais soit, il est néanmoins juste ; « harcèlement » en revanche me gêne et je vais tout de suite expliquer pourquoi. Quant au concept de bourreau/victime, si j’en comprends bien la raison, je m’insurge contre cette définition qui se veut universelle et définitive, puisque, en matière de psyché, il y a forcément complémentarité, une relation se fait à deux, aussi, comment démêler le pile et la face d’une même pièce ?

C’est du bout des doigts que je vais employer « pervers », parce que je n’ai rien pour le remplacer, mais je ne parlerai pas de « harcèlement ».

Le « pervers » ne cherche pas une proie, il la rencontre inopinément ; cette proie est une personne qui, par son regard sur lui, par la réponse qu’elle donne au jeu qu’il veut mener, le déstabilise et le menace, et dont il se défend. Il le fait avec ses maigres moyens, mais ils ont beau être maigres, ils sont puissants. En face de lui, il a quelqu’un d’ignorant, innocent, naïf, qui ne connaît, donc ne repère pas la dangerosité de la situation ; il est menaçant à son corps défendant, en totale ignorance du danger qu’il représente. Et c’est mutuel ! C’est là que réside probablement tout le drame qui peut perdurer, que l’on appelle, plus ou moins justement, « emprise ». Il ne s’agit absolument pas de l’emprise d’un gourou sur un adepte d’une secte, parce que le regard sur l’autre, sur le « pervers » est toujours clairvoyant ; le « pervers » n’embarque pas l’autre comme un « passif » dans son univers, jusqu’à le perdre ; c’est une guerre qui se déclenche dans laquelle les armes du pervers sont écrasantes, tandis que la bonne foi, le bon sens de l’autre sont des coups d’épée dans l’eau qui le perdront.

À ce moment-là, il se passe quelque chose avec l’entourage du « couple » extrêmement important. Il y a plusieurs cas de figure, en général une hiérarchie, le « pervers » était situé au-dessus de l’autre, toujours. L’environnement humain, figurants ou spectateurs de l’histoire, donne toujours raison au « pervers ». Et c’est cette solitude, cette incompréhension, cette sidération même qui est le nœud du drame, je dirai, de l’exposé plutôt que victime. La folie qui menace et qui finit par emporter celui-ci,( c’est un neutre, pas un masculin parce que les deux sexes peuvent être exposés même si ce sont le plus souvent des femmes) tient à ce seul fait : ceux qui font partie de la scène sont partie prenante, et les extérieurs à elle, ne comprenant pas la gravité d’une situation que l’exposé n’arrive de toutes façons pas à décrire (comme si chaque essai de preuve ou d’exemple s’écrasait dans une vase de non-lieux) ont rarement d’aide à apporter, sauf un soutien affectif, en cas de harcèlement au travail. Aussi, le pouvoir laissé au « pervers » est le fait d’humains alentour, qui ne voient rien, et de toutes façons s’en foutent. La solitude gagne, de plus en plus douloureuse, et la folie, de fait, s’y greffe, puisque « l’exposé » n’a plus de repère, plus de sol sous ses pieds.

Je vous fais grâce des douleurs extrêmes que l’on peut vivre en pareille circonstance ; pour ma part six ans sans y avoir mis de mot, et six ans après avoir pu nommer « la chose ».

Le déchirure finale fut un éclatement physique et psychique, inscrit dans mon corps au point que quelques années plus tard un ostéopathe y a vu la marque qu’il a interprétée comme une crise d’épilepsie. La douleur éprouvée au moment de cette crise est indescriptible.

 

Les personnages.

 

Les deux cas que je connais d’assez près, hors le mien, concernent un maire vis à vis de sa secrétaire de mairie ; celle-ci ayant gardé l’appui dans sa famille, est passée de procès en procès, a eu quelques années de congés maladie et une psychothérapie payée. Malgré ces aides, elle a morflé, et s’est concocté un cancer quelques années plus tard.

Le deuxième, c’est un supérieur hiérarchique dans une structure de formation dépendant du rectorat ; le « pervers », après moult démarches et « preuves », a été muté. Dans ce cas, la psychothérapie a été aux frais de « l’exposée ». Mais elle a morflé, elle est morte quelques années plus tard d’un cancer.

Dans mon cas, c’est de mon propre chef que je suis allée voir une psychanalyste, malheureusement lacanienne, et si je reconnais n’avoir pas su « exposer mon cas », sa réponse fut fatale : « vous devriez essayer de gagner votre vie en faisant du rattrapage scolaire » ; ma tentative s’est arrêtée là, au bout de quelques séances.

Se démerder toute seule, ça me poursuit, mais je vous fais, là aussi, grâce de toute mon histoire.

Donc, les personnages :

Moi d’abord, et vite fait : une HPI/HPE, rebelle. Ceux qui, par hasard, me liraient et se trouveraient dans ce cas, savent que cela n’est pas une définition de vantardise arrogante, mais bien l’aveu d’une vie de merde remplie de souffrances, aussi s’il me parvenait de la part du moindre commentateur, des lazzis, des attaques comme j’ai l’habitude d’en recevoir, je ne serais plus capable de revenir.

Un HPI/HPE n’a pas d’ego, au sens commun du terme ; il ne ramène rien à soi mais s’oublie toujours pour l’Autre ( avec une majuscule car il ne s’agit pas toujours d’un individu) ; le « pervers » au contraire n’a que ça, « moi », il ramène tout, toujours à lui, de quoi que ce soit qu’il parle. Voilà donc, d’emblée, un couple parfait dans sa complémentarité ! Seulement, le pervers ne sait pas, n’analyse pas qu’il est ainsi, et si l’autre fait cette rencontre avant d’avoir pris conscience de sa spécificité, le jeu est pipé dès le départ.

Lui est un homme du pays, un éleveur qui n’a pas laissé l’once d’une spiritualité ou d’une intellectualité encombrer son esprit ; ce n’est pas pour cette raison qu’il manque d’intelligence, celle-ci étant attention, réception, mémoire, tout ce dont il a besoin pour traverser le monde en roi. Avec ce petit plus qu’il ne l’affiche pas, ne fanfaronne pas, parle fort quand il exerce son autorité, mais bas dans les lieux publics. Comme il sait à peine lire et écrire, - il a passé son enfance à avoir peur, ce qui n’aide pas la capacité d’apprendre, mais, en plus, il avait une institutrice particulièrement incompétente, c’est de notoriété publique- il sait demander de l’aide sans passer pour un con ; c’est un séducteur qui sait tourner les choses pour obtenir à peu près tout ce qu’il veut ou dont il a besoin. Il a une mémoire phénoménale, des situations, des lieux et des visages et se montre en cela épatant. Je suppose que les autres « pervers » possèdent et montrent ce type ( ou autres) de qualités car, s’ils ont eu droit à une instruction correcte, ils se trouvent toujours à un échelon de la hiérarchie où il y a des inférieurs. Lui était maître en son royaume, qu’il avait construit de ses mains. Quant à son histoire, je pense ne rien trahir en disant qu’il est le cadet de quatre fils d’un père dont la violence était légendaire. L’aîné s’en est sorti, si on peut appeler ça comme ça, en s’autorisant la haine du père, les deux suivant ont vécu leur mort intérieure comme ils ont pu, le premier assez mal en trouvant une femme que je qualifierais, pour faire court, de perverse narcissique, et a fini par se suicider ; le second en rétrécissant son espace à sa famille dont sa femme qui savait se défendre et lui lançait : « dis, tu ne vas pas faire avec moi comme ton père avec ta mère ! » à l’occasion ; il est resté très introverti et grincheux. Le cadet, en épousant le père, l’adulant et l’imitant pour se construire. Il est un enfant brisé, et a construit par dessus, par imitation, toute une série d’attitudes et de mots, pour paraître et être apprécié, à défaut d’être. C’est pourquoi il s’arrange pour ne pas fréquenter les mêmes gens très longtemps, ne pas leur laisser le temps de le démasquer ; quand il sent le moment venu, il devient détestable, et les gens s’en vont. Si je me suis incrustée, ce n’était pas pour lui mais pour son métier, ce mode de vie, les bêtes ; j’avais la vista, et l’habitude d’exceller dans ce qui me passionnait, je devenais menaçante oh combien, et m’évertuais à le rassurer : je ne voulais rien lui prendre, j’ai horreur du monde, des projecteurs et ne cherchais sûrement pas une reconnaissance là !! C’est pourquoi j’ai tout à fait pris conscience de ma participation active dans cette « relation ». Mais j’ai compris qu’il s’agit du même ordre de chose dans les autres cas.

Je sais beaucoup de choses sur cette famille, par l’aîné, qui était marqué du sceau du père, mais très fin, et qui lisait beaucoup. C’est par lui que je sais, quelque chose que je livre et qui est indiscret mais qui peut intéresser ceux qui sont impliqués, de quelque manière, dans ce sujet. On m’a dit : il a failli mourir juste après sa naissance ; vue la santé du bonhomme et aucune explication à ça, mon extrapolation fut immédiate : la mère a voulu le tuer. Il faut comprendre qu’il était le quatrième, et qu’elle subissait, oh combien, aussi la violence du bonhomme. Mais cela ne l’a pas empêchée de l’aimer ; et cela n’est que mon interprétation. J’en connais une autre qui a voulu se jeter dans le puits quand elle s’est sue enceinte pour la troisième fois, et ce bébé devint l’enfant qu’elle a le plus choyé !Il faut dire que celui-ci avait failli mourir dès la naissance et qu’il a fallu l’audace du médecin de service pour lui faire une transfusion par la fontanelle, ce qui était quasi une première à l’époque. J’ai pensé que ce n’était pas un hasard, à cause de l’embryon la mère voulait mourir, l’embryon à maturité a voulu mourir. Mais la mère l’a sauvé.

Ceci étant posé, avant de mettre un nom sur ce que je vivais, j’avais compris, et le lui avais dit, qu’il me faisait vivre ce que son père lui avait fait vivre. Dans la fratrie, il n’y a que l’aîné qui dénonçait le père ; les autres n’en parlaient jamais, et le cadet l’encensait.

Et quand je dis « mettre un nom », je n’arrive pas encore à le trouver. Il est peut-être des épreuves initiatiques qu’il nous est donné de vivre, faire perdre une course éperdue à la recherche d’une place normale, normalement confortable, acceptée dans une société donnée, mais peut-être et surtout, en ce qui me concerne, vivre ma passion. L’apothéose d’un échec fatal pour comprendre que la vie normale n’est pas faite pour soi. C’est en tout cas la leçon que j’en ai tirée après des années où je sentais la mort imminente puisque je ne savais plus vivre, des années où j’ai vaguement fonctionné en ayant perdu le goût de tout et, surtout, mon don avec les chevaux. Ils moururent les uns après les autres laissant un vide comme un abîme que je ne me sentais pas capable de remonter. Je crois qu’aujourd’hui j’accepte juste de vivre au fond, pensant que c’est quand même une vie, et comme le royaume des hommes ne me sied guère, je me complais à user mon énergie renaissante dans celui de la campagne, des chevaux, un qui me reste, et deux nouveaux, et dans le labeur. Mon objectif, mon but, est de retrouver ma parfaite osmose avec mes équins. Quand on a tout perdu, le peu qui reste est un trésor, et je ne dis pas cela la larme à l’œil, je suis sûre d’être dans le vrai.

Lui n’a plus de royaume, il n’est plus roi, il donne des coups de mains à des gens bien, donne des airs de fête pour ceux qui veulent, change de logis tous les six mois, erre. Je ne crois pas qu’il trouvera où se poser. Il a calmé une ère de paranoïa qui l’a fait tout vendre, jusqu’au moindre souvenir, et craint la vieillesse qui vient. Mais lui qui n’a jamais vu un médecin, n’a jamais pris le moindre cachet, se porte comme un charme, quasi la même puissance et la même énergie, on se demande ce qui le fera tomber. Peut-être ne plus trouver de miroir.

Il est des vies qui paraissent paranormales aux autres normaux, mais quand on plonge dans la psyché, tout est acceptable, nous ne sommes rien, quasi tous logés à la même enseigne. Nous avons un mince espace de libre-arbitre quelles que soient les données au départ. Certes, l’amour façonne des êtres sains, aptes à faire face sans tricherie, et son manque, des jongleurs qui semblent défier la vie. Oui, tout est acceptable car tout existe et il est inconcevable de ne pas admettre l’existant. J’ai passé des années à écouter, à entendre les autres, et j’ai vu peu de cas sans anomalies.

En ce qui concerne mon histoire, j’ai mis des années à l’écrire ; je l’ai envoyée à un éditeur. Un des lecteurs de la maison m’a répondu et m’a fait des critiques, fort justes. Je les ai prises au sérieux, et j’ai tout recommencé. Un ou deux ans plus tard, je lui ai renvoyé l’ouvrage, en le nommant, à cette maison d’édition. Il m’a été renvoyé par retour de courrier sans avoir été ouvert : il n’y travaillait plus.

Pendant longtemps, j’ai pensé qu’être éditée était le summum, pour quelqu’un comme moi c’eut été une reconnaissance, une mise à niveau. Et puis, la vie se vivant, j’ai complètement changé, je n’en ai plus rien à faire mais ça ne m’empêchera pas d’écrire, j’ai mille choses qui me taraudent et qui sont mûres à être déposées.

Le monde des hommes n’est plus pour moi, dieu sait que j’en ai rêvé et que toutes mes actions étaient mues dans ce but !!


Lire l'article complet, et les commentaires