A propos de l’ouverture et quelques mythes du duumvir Fillon-Sarkozy

par Bernard Dugué
mardi 10 juillet 2007

Les grands ensembles sociaux de l’Antiquité, la Grèce, la République de Rome par exemple, puis l’Empire avec Auguste, ont fait appel à des mythes fondateurs. Remus et Romulus, puis la fameuse Enéide, écrite par Virgile, texte destiné à doter l’Empire d’une grande épopée signant son identité, et de montrer sa grandeur face à une Grèce qui, en son temps, rayonna avec sa culture divinement inspirée et se dota, elle aussi, de mythes fondateurs, notamment L’Iliade et L’Odyssée. Mais au fait, pourquoi les sociétés humaines font-elles un usage aussi poussé des mythes ? S’il en est ainsi, c’est que le mythe répond à un besoin manifeste dans les sociétés humaines, un besoin lié à une quête de sens et d’explication. Pendant l’Antiquité, nombre de mythes évoquaient des temps révolus, des événements, des épopées, des actions héroïques, participant à la genèse d’une identité sociale tout en donnant un sens à cette identité, à travers des récits expliquant les origines et donc, répondant à la question suivante, pourquoi les Grecs sont ainsi et pas autrement, ou alors, pourquoi il y a-t-il une Rome plutôt que rien, autrement dit, des terres en friche, sans édifice, sans civilisation ?

 

 

Les mythes ont comme principe de fabrication l’invention d’un récit destiné à combler un déficit d’explication tout en usant d’une rhétorique simple dont l’intérêt, on l’aura compris, est de s’adresser au plus grand nombre. Les hommes se sont interrogés non seulement sur leur société mais aussi sur le fait qu’il y a une nature et un cosmos. On trouve ainsi des mythes cosmogoniques. L’un des plus étranges est celui expliquant comment la Terre se maintient dans l’univers en étant posée sur une tortue géante et, sous cette tortue, il y en a une autre et ainsi de suite. Dans l’Ancien Testament, la Genèse explique que Dieu a créé la Terre et les cieux et comment l’homme a accédé au fruit de la connaissance. Voilà un autre exemple de mythe ayant traversé les siècles.

 

 

Les temps modernes ont peu à peu substitué les mythes par des faits historiques avérés et parfois édulcorés pour servir toujours une même cause, celle de l’identité sociale, du sens et aussi, chose nouvelle, de motivation pour l’action. Un certain Nietzsche a fort bien analysé les usages de l’Histoire à des fins sociales et politiques, dans la seconde considération inactuelle. L’Histoire fait débat, elle est parfois falsifiée, comme dans l’ancien Empire soviétique ; en d’autres cas, elle est plus ou moins bricolée, comme par exemple après la Seconde Guerre, ce mythe de la France résistance façonné par De Gaulle. Mitterrand, en digne héritier du Général, inventa la thèse du coup d’Etat permanent. Ce fut de bonne guerre.

 

 

La modernité n’est pas si moderne qu’on ne le croit. Si ses technologies sont inédites, les sociétés reprennent de vieilles recettes. Le mythe en fait partie. Des mythes non plus hétéronomes, irrationnels, du genre des tortues sous la Terre ou un Dieu séparant la terre et les eaux, mais plus rationnels et autonomes, ainsi que se constituent les sociétés démocratiques et laïques. L’individu moderne, il utilise son portable, internet, le GPS, mais il a aussi besoin de mythes, de représentations sociales, de référentiels identitaires (clin d’œil gaullien au propos sur la femme et Moulinex). Cela, Sarkozy l’a compris au moment de la campagne présidentielle et a su jouer de quelques mythes spécialement fabriqués comme le déclin français, la paresse assistée, le désir de changement des Français. Et maintenant ?

 

 

Face aux députés, le tribun François Fillon a jugé bon d’en appeler à la grandeur de la France, son passé, évoquant Clemenceau, De Gaulle, Hugo, Gambetta. Et de ce fait, donner un sens à son action en la rapportant aux meilleurs moments de l’histoire française. Les systoles en quelque sorte. Mais la France a connu aussi ses diastoles, qu’on situera sous Napoléon III en fin de règne, sous le cartel des Gauches, sous Pétain et sous la fin du règne de Mitterrand puis de Chirac. Le duumvirat de droite n’a pas eu besoin d’un Virgile ni d’un Michelet. Un Henri Guaino suffit pour les discours et un Nicolas Baverez pour raconter la France en l’état de trente piteuses. Mais, nouveau mythe oblige, la France est sortie de la dépression nerveuse le 6 mai 2007. C’est François Fillon qui l’a dit, après Alain Juppé, ex-membre d’un triumvir décapité d’une tête ! En 1981, la France était passée de l’ombre à la lumière. En 2007 la France passe de la dépression à la vitalité. De la mornitude à la travaillitude.

 

 

Sitôt installé, Nicolas Sarkozy entendit agir au nom d’une politique de l’ouverture, prenant quelques personnalités de gauche pour son gouvernement. Depuis, il n’est pas une seule journée sans qu’un journaliste n’évoque cette politique d’ouverture, comme si c’était une vérité, une marque de fabrique, un nouveau sens pour la société. Les médias voient l’ouverture partout. Jack Lang dans une commission, c’est de l’ouverture, DSK propulsé au FMI, c’est de l’ouverture. Pourtant, on n’a pas fait tout un plat de Pascal Lamy, membre du PS depuis 1969, devenu directeur de l’OMC grâce notamment aux soutiens de Jean-Pierrre Raffarin et Jacques Chirac. DSK, il a la faveur de plusieurs dignitaires européens, mais veuillez croire ce que disent des médias, Sarkozy appuie DSK, au nom de l’ouverture ! Si, si, il y a de l’ouverture partout. Il se dit que Daniel Cohn-Bendit se verrait proposer la présidence d’une commission sur le logement étudiant et Olivier Besancenot une mission de réflexion pour améliorer la tournée des postiers, si, si, c’est vrai, enfin presque...

 

 

... et à l’automne 2007, Bernard Laporte aura en charge la Jeunesse et les Sports. Gageons que pour rester dans la tonalité de l’action présidentielle, il saura trouver comme chef de cabinet un demi d’ouverture ! Quoique, son expérience de demi de mêlée puisse aussi lui être utile, au cas où la politique d’ouverture tourne mal et qu’à nouveau, deux packs s’affrontent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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