Affaire Benalla : la grande manipulation

par Nicolas Kirkitadze
samedi 21 juillet 2018

Les médias et l'opposition s'en frottent les mains : ils l'ont eu, leur Watergate. Si vous n'avez pas encore eu vent de l' "affaire" Benalla, voici un bref résumé : lors de la manifestation mélenchonno-cégétiste du 1er mai, un jeune Insoumis est arrêté par des CRS et molesté par un homme. Le tout est filmé par des "passants" (militants ?) qui gardent cependant la vidéo secrète au lieu de la rendre publique afin d'alerter l'opinion. Ce n'est que deux mois plus tard, quelques jours après le sacre des Bleus, que ladite vidéo est publiée sur les réseaux sociaux et devient virale, donnant lieu à une affaire d'état. C'est que le tabasseur est un certain Alexandre Benalla, un proche collaborateur d'Emmanuel Macron qui lui a conféré, à seulement vingt-six ans, le poste assez obscur de "chef de cabinet adjoint".

Le scandale est double puisque l'Élysée est directement accusé d'avoir "protégé" le jeune haut-fonctionnaire et de lui avoir infligé des sanctions jugées "trop faibles" par l'opposition : à savoir quinze jours de mise à pied et de rétention de salaire. Bref, le président Macron protégerait son entourage et il existerait en France "une justice à la main lourde pour les citoyens et une justice à la main légère pour les proches de Macron", dixit Sébastien Chenu, ex-UMP passé au FN. Même les journalistes de BFM (pourtant surnommé "TV Macron" par la fachosphère) y sont allés : "Si vous ou moi tapons quelqu'un, on finit au commissariat, et c'est normal. Mais quand c'est un proche du Président, il s'en tire à bon compte", dénonçait ainsi l'éditorialiste Thierry Arnaud, chef du service politique de BFM TV.

Face à toutes ces réactions à l'emporte-pièce, difficile de rester serein et d'analyser l'affaire (si "affaire" il y a) de manière sereine.

Deux points obscurs en particulier méritent d'être questionnés : Benalla a-t-il vraiment bénéficié d'un "traitement de faveur" du Président ? Et comment cette affaire est-elle sortie ? Les médias et les politiques veulent à tout prix éluder ces questions et se contentent de psittacismes appelant à la démission de Collomb, voire de l'ensemble du gouvernement et à des excuses publiques du Président. Pour l'heure, personne n'a encore réclamé la convocation d'une Constituante et l'envoi de Macron à l'abbaye de Monte-à-Regret. Cela ne saurait tarder.

Alors, Macron a-t-il vraiment protégé son collaborateur en lui infligeant une sanction "trop légère" ? Dès le 1er mai, le Président a été informé des agissements de son collaborateur et a pris les mesures qui s'imposaient : quinze jours de mise à pied et de rétention de salaire. C'est en effet la sanction qui s'applique à une telle faute dans le cadre du règlement administratif de l'Élysée. Il s'agit bien là d'une sanction administrative et non judiciaire. Les sanctions judiciaires (civiles comme pénales) résultent d'une plainte en justice et d'un procès en bonne et due forme. Or, la présumée victime de l'agression n'avait pas (et n'a toujours pas) déposé plainte. Le Président n'avait donc aucun moyen d'infliger une sanction judiciaire puisque seule la justice en a la capacité et que personne ne l'avait alors saisie, la justice. Benalla a donc reçu la sanction administrative qui s'appliquait. On peut à juste titre considérer le règlement élyséen comme trop laxiste mais l'accuser d'arbitraire serait inexact et malhonnête.

Une question que la quasi-totalité des médias et des politiques évitent soigneusement de (se) poser : comment cette affaire a-t-elle été rendue publique ? L'agression du jeune Insoumis par Benalla a été filmée par au moins deux "passants" : Nicolas Lescaut, étudiant communiste à Paris 1, et une mystérieuse Sonia présentée comme "américano-polonaise". Loin d'être de simples passants, tous deux s'étaient rendus à la manifestation du 1er mai. Notons que le contexte de l'arrestation du jeune homme n'est pas filmé, pas plus que les exactions des casseurs commises au même moment, comme l'attestent d'autres vidéos : l'un des casseurs jette par exemple des bouteilles pleines d'urine sur des personnes attablées dans des restaurants. Pourquoi ce jeune homme a-t-il été arrêté par les CRS ? On l'ignore. Il semble qu'il venait porter secours à une amie qui venait également d'être arrêtée (pour des raisons tout aussi inconnues). Bien sûr, que la personne soit un casseur ou non, rien n'excuse un passage à tabac, mais il aurait été plus honnête que ces lanceurs d'alertes filment la scène entière… et alertent l'opinion immédiatement.

En effet, pourquoi ces Snowden improvisés ont-ils attendu deux mois pour rendre l'information publique ? Officiellement, ils ne savaient pas alors qui était Benalla, et l'un des vidéastes l'auraient reconnu par hasard lors de la cérémonie résultant de la victoire des Bleus, cérémonie dont il a géré l'organisation. Cela n'explique pas pourquoi les deux vidéastes ont mis deux mois et demi à rendre la vidéo publique. Il s'agissait tout de même de violence policière : d'habitude, ce genre de vidéos sont mises sur twitter une heure après les faits.

Plusieurs experts en communication interviewés par BFM TV soupçonnent une "guerre des services" entre le GSPR (service de protection de Macron) et les CRS, ou entre Beauvau et l'administration élyséenne. On peut aussi se focaliser sur le calendrier : deux jours après que la France ait vibré sur la victoire des Bleus, boostant la popularité du Président, un fait divers repris en massse vient assombrir le tableau. Cela peut bien entendu être le fruit du hasard, mais on peut aussi y voir une tentative de déstabiliser le pouvoir. D'autant plus que le jeune homme agressé n'a pas déposé plainte avant que l'affaire ne soit révélée. Ces deux mois et demi de silence obstiné peuvent légitimement interroger.

Enfin, on ne résiste pas au plaisir d'imaginer comment agiraient Le Pen ou Mélenchon au pouvoir si un de leurs gorilles se rendaient coupable de tels agissements ? Imaginez : un gros bras de Marine tabasse un Noir lors d'une manif pro-immigration, ou un mélenchonniste moleste un curé lors d'une manif anti-IVG. Ces deux parangons de vertu viendraient-ils face aux caméras pour présenter leurs excuses sur le champ et licencier le coupable ? Les auteurs de la vidéo seraient-ils interviewés par les médias ? Et ces médias, pourraient-ils librement évoquer un tel incident impliquant des proches du gouvernement ? Les diverses expériences de nationalisme et de communisme à travers le siècle précédent peuvent nous aider à mieux nous figurer cette uchronie.


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