Affaire Darmanin : la Faute de Macron
par Fergus
jeudi 23 juillet 2020
Les polémiques ne faiblissent pas : depuis que Darmanin a été nommé ministre de l’Intérieur, il ne se passe pas un jour sans qu’une personnalité politique, un intellectuel ou un éditorialiste ne pointe du doigt l’incroyable faute de Macron. Sans compter les organisations féministes qui restent vent debout contre cette nomination si emblématique du peu de cas que l’exécutif fait de la cause des femmes malgré les engagements de campagne du président élu…
Or, ce discours est délibérément manipulateur : mis à part quelques pasionarias féministes, personne ne met en cause la « présomption d’innocence » de Darmanin dans l’affaire qui, parole contre parole, l’oppose à la plaignante qui a engagé contre lui des poursuites pour viol. II appartiendra à la Justice – et à elle seule – de se prononcer sur le fond de cette affaire pénale après avoir, cette fois, confronté la plaignante à celui qu’elle accuse de l’avoir contrainte à une relation sexuelle dans le cadre d’un chantage a minima dérangeant. Dans de telles conditions, Macron pouvait-il confier à Darmanin le maroquin très exposé de l’Intérieur, si emblématique de l’exercice régalien du pouvoir ? La réponse est évidemment non. Et cela pour plusieurs raisons.
La première saute immédiatement à l’esprit de tous ceux qui pensent – à juste titre – que les plus hautes fonctions de l’État devraient être empreintes d’exemplarité. Voir Darmanin, présumé innocent mais possible violeur, siéger place Beauvau est à cet égard difficilement supportable. La cause des ennuis judiciaires du ministre ne relève effectivement pas de la simple peccadille, mais d’un viol, autrement dit d’une agression sexuelle de nature criminelle passible en droit français d’une peine de 15 ans de réclusion. Imagine-t-on un instant qu’il eût été envisageable pour Macron de nommer ministre une personnalité politique mise en cause pour meurtre, torture ou esclavage, autres faits relevant d’une qualification criminelle ? C’eût été évidemment inconcevable. Darmanin est pourtant bien là, imbu de sa personne et fier de sa fonction, comme si le viol n’était somme toute pour Macron et les caciques de LREM qu’un crime sans réelle importance, pour ne pas dire un délit bénin.
Tel est, en tout état de cause, le message que fait passer Macron dans l’opinion. Un message catastrophique dans la mesure où, balayant d’un revers de main des années de progrès laborieux dans le recueil des plaintes de femmes violentées et agressées sexuellement, le président en exercice accrédite l’idée, encore trop répandue dans les commissariats et les gendarmeries, que la parole des victimes d’agressions sexuelles doit être entendue avec la plus grande défiance. Comme si les femmes venues porter plainte devaient être considérées comme des présumées affabulatrices ! Car c’est bien de cela qu’il s’agit sur le fond. Dès lors, on comprend que nombre de personnalités de tous bords aient dénoncé, ici « un bras d’honneur aux femmes violées », là « un crachat lancé à la tête des victimes », ailleurs, et de manière plus large, « une insulte faite aux femmes » !
Et que dire, au plan éthique, des conditions dans lesquelles pourrait être conduite une enquête approfondie sur Darmanin si un magistrat du parquet l’ordonne dans les semaines ou les mois à venir ? Comment croire que les officiers de police judiciaire en charge des investigations sur leur propre ministre puissent travailler sereinement alors que leur carrière dépend au plus niveau de la volonté dudit ministre ? Quand bien même aucune pression ne serait exercée sur les enquêteurs – on ose croire que ce serait le cas –, qu’adviendrait-il si Darmanin bénéficiait d’un non-lieu ? Dans le climat actuel de suspicion systématique qui entoure chaque initiative d’un pouvoir très contesté par la population, il est très probable qu’un fort doute s’installerait dans une partie de l’opinion sur la motivation de ce non-lieu favorable au ministre en exercice. Ce qui ne manquerait pas d’avoir un effet désastreux sur l’image du pouvoir en place et d’alimenter sur les réseaux sociaux l’accusation récurrente du « tous pourris ».
On le voit, même en l’absence d’une condamnation du ministre, Macron a, par son inepte décision, inoculé lui-même le germe du pourrissement dans le fruit du remaniement gouvernemental. La nouvelle ministre de l’Égalité entre les hommes et les femmes, Élisabeth Moreno, a elle-même pris des pincettes pour évoquer le cas de Darmanin malgré le devoir tacite de solidarité gouvernementale. Si l’on en croit Le Canard enchaîné, Macron aurait dit à Darmanin « Ton sujet va être un boulet pour moi ». Bien vu !
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