Affaire DSK : le complot des petits

par Rousquille
mardi 17 mai 2011

Pourquoi supposer que Sarkozy et sa droite aient joué un vilain tour à Strauss-Kahn ? A-t-on oublié le sigle éloquent d'UMPS ? Les loups ne se mangent pas entre eux ; les vrais conspirateurs ne sont pas ceux que l'on dit...

Les complots que l’on imagine aujourd’hui pour sauver le maréchal Strauss-Kahn ne sont peut-être pas ceux que l’on dit.

Pour moi, il y a bien eu complot, mais c’en est un qui s’est formé spontanément samedi après-midi à New-York lorsque la colère, la détresse mais aussi le courage du personnel de l'hôtel Sofitel se sont unies à l'honnêteté, au sens des responsabilités et au professionnalisme d’une police locale peut-être chatouillée dans son zèle par l’envie de traîner la France dans la boue—sport national aux Etats-Unis.

Ce sont les « complots » auxquels jamais ne songent les détenteurs du pouvoir et leurs avocats en tout genre. Le sentiment de l’injustice subie, l’héroïsme, la plus simple probité, sortent de leurs cadres de pensée. Si quelque chose d'imprévu et de perturbateur se passe, c’est que « 500.000 ou un million d’euros » ont été promis à une blonde idiote et avide, pour reprendre les termes de l'oracle de DSK sur son propre sort rapportés complaisamment par des journalistes de Libération, .

Ce n'était pas, messieurs les convertis au complotisme respectable, un coup monté, c'était un coup de sang. Et j'ai envie d'ajouter : d'un sang bon et qui ne saurait mentir.

Je comparerais volontiers la revanche populaire —certains diraient plutôt « populiste » de samedi—à la descente, combien inattendue et combien efficace aussi, du petit peuple des bidonvilles de Caracas pour sauver le président Hugo Chavez lors de la tentative de coup d’Etat des oligarques locaux en 2002. Ou à la plainte déchirante de cette paysanne chinoise qui lors d’une visite de nouvel an du premier ministre Wenjiabao dans la banlieue de Chongqing en 2003 osa lui dire en pleine figure que son mari, ouvrier en ville, n’était pas payé par son patron depuis un an. Son cri de détresse fit que le gouvernement chinois se décida enfin à prendre au sérieux le problème des énormes arriérés de salaire des mingong, les travailleurs migrants sur la sueur de qui est édifiée la nouvelle richesse chinoise.

Il arrive que les gens ordinaires, éternellement relégués au rôle de victimes ou de figurants, mettent leur grain de sable dans la grosse machine des puissants. Je pense que c’est exactement ce qui s’est produit samedi à New-York. N’applaudissons pas l’indépendance de la justice américaine—celle-ci en tant que système est tout aussi corrompue et malléable que la française—mais l’éclair de courage et d’honnêteté de personnes comme vous et moi qui ont soudain réussi à s’extirper de la peur superstitieuse qu’inspire le Système, qui ont compris que les abus des grands n’étaient pas une fatalité. C’est l’irruption de l’Humain dans l’histoire, un moment de grâce comme à Caracas en avril 2002, comme à Chinon en 1428 ou à Lanark en 1297—je fais référence aux moments fondateurs de l’épopée d’autres héros populaires, Jeanne la Pucelle et William Wallace (plus connu sous le surnom de « Braveheart »).

Ce moment de grâce se prolonge puisque la juge Mélissa Jackson a refusé la caution de un million de dollars proposée par l’avocat de DSK et préféré garder l’encore président du FMI sous les verrous. Ophélia et Mélissa même combat.

Cela dit, on peut penser, au vu des réactions jubilatoires d’une presse aux mains de magnats de la même « famille » de pourris internationaux que DSK (et Sarkozy) et de la facilité impitoyable avec laquelle la machine judiciaire s’est mise en branle, qu’il a été jugé en haut lieu, a posteriori, après que la vox populi ait parlé, que celle-ci avait somme toute raison et qu’il valait mieux se débarrasser maintenant d’un homme gênant et gaffeur que de prendre le risque de le voir commettre un impair rédhibitoire du même genre en plein milieu de la campagne de 2012 : imaginons un scandale similaire à quelques jours du deuxième tour face au candidat fatal Marine le Pen.

DSK hors-jeu, cela laisse le temps au parti socialiste de trouver un candidat plus blanc—sans jeu de mots ethnique—et peut-être, si le dossier DSK n’est pas trop accablant—et de se redorer aux rayons de l’auréole de victime d’un méchant complot puritain sarkozo-gringo dont la presse et les milieux politiques de gauche sauront parer le nouveau pensionnaire de l’île Rikers.


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