Affaire du SMS : la plainte de Sarkozy contre Le Nouvel Obs est tout à fait légitime

par Bernard Dugué
lundi 11 février 2008

La plainte judiciaire lancée par le président Sarkozy à l’encontre du Nouvel Observateur constitue un précédent inédit dans l’histoire récente de la Ve République où jamais une plainte ainsi formulée ne fut adressée à un grand journal depuis le règne de Mitterrand. Les avocats du président ont eu de plus la main lourde, Me Herzog dans Le Figaro expliquant qu’une procédure pour diffamation, un classique, eût été trop longue à instruire alors qu’invoquer une atteinte à la vie privée aurait constitué une reconnaissance implicite de l’existence du SMS. Selon une brève parue sur le site du Nouvel Obs, Sarkozy aurait envoyé un texto à Cécilia l’informant qu’il annulerait son mariage si elle daignait bien faire machine arrière. Tout cela paraît invraisemblable, mais quand bien même ce SMS aurait été envoyé, cela n’aurait pas constitué une preuve de quoi que ce soit, hormis un petit jeu entre ex, comme cela doit se pratiquer souvent. Et compte tenu du récent mariage de deux personnes qui ont droit à la présomption d’innocence de leurs sentiments, publier ce type d’information relève du coup bas, d’une veule attitude d’un journal déjà habitué à lancer sur son site quelques mochetés, comme cet extrait du roman de Justice Lévy réglant ses comptes avec Carla, le jour même du mariage présidentiel. Vite retiré du site, comme du reste le billet sur le SMS de Cécilia.

Sarkozy a choisi la manière forte. Plainte pour faux et usage de faux. Avec au bout une addition assez lourde si Le Nouvel Observateur est condamné avec l’auteur du méfait. Déjà, l’opinion anti-sarkozyste crie à une atteinte à la liberté de la presse. Comme si l’affaire était préjugée. Pour ma part, n’ayant comme principe que le libre examen des faits par ma conscience, je m’en irai défendre le président qui, tel l’instituteur ayant giflé l’élève l’ayant traité de connard, administre une claque judiciaire pour un fait médiatique plutôt minable et, comparativement, du même niveau que le « connard » de l’élève, ou qu’un tacle visant le joueur sur un stade de foot. Sarkozy est certes le président, mais c’est un homme comme tous les autres et, si sa politique est contestable et du reste contestée, il a droit comme tout homme au respect et à être protégé par la loi contre de tels coups bas.

Que penser du Nouvel Observateur ? Un grand journal, du moins à ses débuts, qui maintenant, sur fond de déshérence de la gauche et d’impuissance face à une politique de droite et un président ostentatoire jouant les Georges Clooney en Egypte, veut jouer les justiciers et se légitimer comme journal d’opposition. Face à un Sarkozy transgressant les normes, mais sans porter atteinte à la loi, Le Nouvel Obs franchit la ligne. Mais tout individu a droit au respect de sa vie privée, à ne pas être diffamé, jeté ainsi en pâture à une opinion insatisfaite. Est-ce la légèreté de l’outil internet ? Toujours est-il que la presse prend ses aises pour le buzz, ayant même annoncé un faux mariage du couple présidentiel. Cette légèreté, elle peut aussi se retourner contre n’importe quel citoyen qui, un jour, se trouve pris dans une affaire et risque de voir quelques informations, non vérifiées à son sujet, être exposées à un public avide d’émotions et de mets-faits divers truculents.

On voit déjà les petits inquisiteurs, petits pères la pudeur, crier à un attentat à la liberté de la presse, mélangeant tous les faits servis en une compilation. L’affaire Dasquié, le « cas Ryanair » qui n’a rien à voir ; Mitterrand et Chirac, bien écornés par la presse et qui, pourtant, auraient fait preuve de grandeur d’esprit en n’usant pas du bouton judiciaire, peu disposés à atomiser la presse. Pourtant, à ce qu’on sait, il n’y a jamais eu d’attaques aussi basses portées à la vie privée des anciens locataires de l’Elysée, orchestrées avec le seul souci de faire mal, de punir. Une presse qui se veut libre participe aussi à libérer l’opinion, diffusant des faits pour servir la cause de la démocratie, l’élévation intellectuelle du public. Où est le souci de la vérité politique, dans cette histoire de vrai ou faux SMS. En quoi cela va-t-il éclairer l’opinion ? Sarkozy n’en fait-il pas déjà assez, même trop, en politique et en ostentation, pour qu’il soit besoin d’en rajouter avec la légèreté du sniper et violer le secret conjugal  ? La France avait confiance en ses instituteurs, ses médecins, sa presse, il y a quarante ans. Croyons-nous que ce méfait divers du SMS va redorer une profession qui a perdu une part de son honneur depuis bien longtemps ?

Certes, Sarkozy l’a sans doute cherché, provoquant la guéguerre avec la presse, giflant en public Laurent Joffrin, ce qui ne peut susciter qu’un désir de vengeance de la part d’une presse d’opposition peinant à trouver sa place, mais de là à viser si bas ! Et si cette presse s’interrogeait sur son contenu, son originalité, sa mission, son fonctionnement, ses journalistes abrutis par la consanguinité germanopratine et les réseaux corporatistes, les copinages ? Et aussi l’ambiance régnante où les attaques ad hominem se substituent au débat d’idée. Ici aussi, sur Agoravox, ce type d’attaque est courant. J’en fais les frais et tout récemment, j’ai décidé pour la première fois de répliquer en demandant la suppression d’un commentaire faisant état de ma qualité de Rmiste, ce qui est faux et quand bien même cela serait vrai, cette information n’aurait pas droit de cité. Sur mon CV, il y a juste indiqué une étude de proposition d’emploi, ce qui ne donne aucune indication sur mon statut social ou professionnel. Au bout d’un moment, les attaques personnelles deviennent insupportables et il faut sévir. Autant on peut contester mes billets, leur forme, les idées défendues et même dire qu’ils sont nuls à chier, cela n’engage que les auteurs des commentaires et si ça les soulage de leurs aigreurs, tant mieux, j’aurais au moins la satisfaction d’ouvrer pour la santé publique en servant de défouloir, à défaut d’élever l’esprit ; mais je n’admets pas qu’on attaque ma personne en donnant de fausses informations.

Je viens de charger Le Nouvel Obs, en déplorant au passage la baisse de qualité de la presse d’opposition qui tombe bien bas pour flatter l’opinion. Constat d’ailleurs prononcé par Alain Duhamel qui, dans l’émission Répliques du 9 février, évoque également cette affaire du SMS qui semble faire beaucoup parler et réfléchir sur la démocratie d’opinion. Ce n’est pas pour autant qu’il faille souhaiter une condamnation du journal qui sur ce coup risque gros. Il faut défendre Le Nouvel Obs contre les risques d’une justice zélée, tout en jugeant avec sérénité le coup bas porté à Sarkozy. Car si on peut dire, et je le dirais volontiers, que la politique du président est moyenne, approximative, que les franchises médicales et le flicage social des Rmistes sont lamentables, que sa fiscalité est injuste, qu’il aurait dû démissionner Estrosi, on se doit de respecter sa vie privée, même s’il en use et, après tout, il a le droit de contrôler son image, tant que cela ne porte pas atteinte aux intérêts de la France et des citoyens. N’est-ce pas ce que faisait Mitterrand ? Dont les rapports avec la presse n’étaient pas aussi nets ; qui se souvient de ce journaliste belge l’interrogeant sur les écoutes, insistant, et Mitterrand l’éconduisant sans ménagement.

Pour conclure. Imaginez, vous, simple citoyen, récemment marié alors que lisant la presse locale, on raconte que vous auriez envoyé un SMS à une ex pour lui signaler une annulation du mariage si elle revenait. Et votre épouse d’apprendre la nouvelle. Quelle serait votre réaction ? Ne seriez-vous pas légitimement tenté pour saisir la justice ? Un SMS certes, mais qui parfois peut avoir des conséquences extrêmes, comme un soir dans une chambre d’hôtel à Vilnius. Eh bien le président est un homme comme les autres face à la loi, qu’il doit respecter (il y a des textes prévus en ce cas) et qui doit le protéger. Qu’ensuite l’attitude et la politique du président dérange, agace, c’est une autre affaire. Que le citoyen n’oublie pas qu’il peut se prononcer, dans quatre ans, avec un bulletin de vote. Une alternance se prépare, avec des journaux servant l’intelligence démocratique, au lieu de harceler en permanence la personne présidentielle.


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