Affaire Seznec : l’amer Denis veut-il laver plus blanc ?

par Voris : compte fermé
mardi 19 décembre 2006

J’aurais pu titrer « J’accuse ! », mais faisons simple, « ça c’est vrai ça ! », lançait la mère Denis dans un célèbre spot publicitaire pour une marque de machines à laver ; « ça c’est vrai ça ! » avec une telle force et sincérité que cela ne pouvait qu’être vrai ; « ça c’est vrai ça ! », dit aujourd’hui la Cour de cassation pour la culpabilité « évidente » de Guillaume Seznec. Ce ton humoristique un peu noir ne sera pas blanchi par l’auteur de cet article tant que la vérité sera confondue avec l’évidence proclamée et tant que la France sera le pays où aucun condamné n’a jamais été blanchi après son décès. Toujours dans le même ton, je dirai donc que Denis Seznec sort lessivé de cette vie consacrée depuis l’enfance à la réhabilitation de son grand-père. Et même si des vedettes roulent pour l’amer Denis, ce dernier n’amasse pas mousse. Oui, la marque de machines à laver en question est nommée ici subliminalement mais ici, cessons de rire charmante Elvire...

Je dis que les évidences ont besoin d’être démontrées et j’accuse -oui, j’accuse- ceux qui se contentent de telles apparences au nom d’une certaine tranquillité de la justice et pour, paraît-il, prévenir la valeur d’exemple d’un cas de réhabilitation. Je dis : "Foutaises !" On se moque du peuple, alors que la justice, dit la Constitution, est rendue "au nom du peuple" ! Et que dit-il, le peuple ? L’entendez-vous, Mesdames et Messieurs les juges de la Cour de cassation, sous les lambris de vos palais ?

Le peuple dit : "C’est assez de souffrance !"

"Vingt-trois disparus, suicidés et assassinés" dans une famille meurtrie par l’injustice. Quatre-vingts annnées de lutte en réhabilitation de la famille, des proches, des défenseurs, d’une large partie de l’opinion publique. Un petit-fils, Denis Seznec, qui apprendra la mort de son grand-père avec cinq années de retard. Denis Seznec avait douze ans et demi, et se sentit alors investi d’une mission pour la réhabilitation de son grand-père. Il faut dire qu’on lui avait caché la mort de son grand-père. Rappelons aussi que Denis n’a quasiment pas connu son père qui a été tué en octobre 1948 par son épouse. (Elle sera acquittée à l’unanimité car le mari était très violent).

Le peuple dit : "Il faut appliquer la loi votée par ses représentants ! "

Le Code de procédure pénale a été légalement modifié par la loi du 23 juin 1989, laquelle a prévu que la révision d’une décision pénale peut désormais être demandée lorsque... " après une condamnation vient à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné" (article 622.4°).

Le peuple exige qu’on respecte la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !

Son préambule est, Mesdames et Messieurs les juges de la Cour de cassation : " Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme (...)" Ce qui signifie, Mesdames et Messieurs les juges de la Cour de cassation, que la présomption d’innocence prévaut. Voltaire le disait. Le peuple le redit ! Etes-vous donc insensibles, Mesdames et Messieurs les magistrats, à cette coïncidence de dates ? (Déclaration des droits de l’homme le 26 août 1789, loi autorisant la révision des décisions pénales injustes du 23 juin 1989 : deux siècles presque exactement séparent ces deux évènements !) J’en doute car les principes s’égarent dans les couloirs judiciaires autant que dans les arcanes de la politique... Il faut être bien méprisant et bien éloigné du peuple au nom duquel vous rendez la justice, pour flétrir les témoignages apportés à l’affaire de l’igonominieuse étiquette de caducité, de subjectivité et d’autres subtilités judiciaires. Et pour négliger que, dans cette affaire, l’objet du crime (le corps) n’a jamais été retrouvé, que le mobile a été créé de toute pièce, que de nombreux faits nouveaux sont apparus depuis 1924 mais pas assez nouveaux, selon votre jugement. Alors qu’il fallait apprécier le caractère nouveau des faits au regard de cette date.

Bonny ment !

L’inspecteur Pierre Bonny, inspecteur stagiaire, âgé de vingt-huit ans, qui a mené l’enquête, a été révoqué de la police en juin 1935 puis condamné à mort et fusillé à la Libération en raison de son rôle au sein d’une organisation supplétive de la Gestapo. Que faites-vous des aveux de cet ignoble personnage qui s’est accusé -avant d’être exécuté en 1944- d’avoir fait mettre à mort, en 1934, le conseiller Prince, selon la volonté du pouvoir en place, et d’avoir fait désigner de faux coupables ? "Brouiller les pistes, c’est facile... Maquiller les preuves, c’est enfantin", expliqua-t-il à son fils. Il dira à son fils que Seznec était innocent et que celui-ci était au bagne depuis plus de vingt ans "par ma faute". Entre cet homme infâme et Guillaume Seznec condamné sur de simples présomptions, quel choix faites-vous donc ? Vous vous trompez d’ennemi ! Le peuple ainsi que la patrie réclament la réhabilitation de l’innocent, dont la famille a été salie à perpétuité, et l’accusation du traître qui a maquillé les faits.

Dans le journal Le Monde du 16 décembre, les avocats Yves Baudelot et Jean-Denis Bredin écrivent (et vous disent) : "Avocats, nous n’avons jamais publiquement critiqué une décision de justice qui nous avait donné tort. Mais aujourd’hui, avocats de Denis Seznec, nous estimons devoir dire publiquement notre déception et même notre stupéfaction, prenant connaissance du sinistre arrêt qu’a rendu la Cour de révision." Ils terminent leur papier par cette phrase : "Triste justice, incapable de reconnaître ses erreurs et de se remettre en cause, alors même que le droit lui en ouvre la voie !" Ces mots sont annonciateurs d’une guerre qui n’est pas près de s’arrêter. D’ailleurs, Denis Seznec, en bon Breton tenace qu’il est, sûr de son droit de citoyen, et au nom du droit supérieur de l’humain, a annoncé qu’il allait saisir la Cour européenne.

Affaire à suivre.


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