Affaire Tariq Ramadan : Un recours en Suisse contre la lenteur de la procédure judiciaire

par Martin de Wallon
mercredi 17 juillet 2019

La plainte avait été déposée le 13 avril 2018. 15 mois plus tard, les avocats de la plaignante suisse dans l'affaire du théologien Tariq Ramadan ont saisi la Chambre pénale de recours. Dans un document relayé par plusieurs médias ce vendredi 5 juillet, les magistrats fustigent le déni de justice du ministère public genevois.

Le scandale d’un théologien charismatique

L’affaire Tariq Ramadan avait éclaté dans le contexte du mouvement virtuel #balancetonporc. Ce hashtag à succès sur les réseaux sociaux, répandu dès octobre 2017 pour dénoncer les agressions sexuelles et le harcèlement surtout dans les milieux professionnels trouve sa source dans le procès contre le producteur américain Harvey Weinstein.

Dans le même mois, Henda Ayari porte plainte en France contre le charismatique et très respecté Tariq Ramadan pour viol, agressions sexuelles, violences volontaires, harcèlement et intimidation. Des accusations qui font mouche dans la presse si bien qu’au fur et à mesure que les débats font rage, plusieurs autres témoignages s’en suivent pour des faits relativement similaires. D’autres présumées victimes se joignent à la liste : une française et quatre des anciennes élèves mineures du professeur en Suisse. Ces jeunes filles témoignent pour des abus commis dans les années 1980 à 1990. Au moment des aveux, les faits sont malheureusement proscrits.

L’avalanche de témoignages se poursuit jusqu’en 2018 en France, aux États-Unis et en Suisse. Ils accablent inexorablement la figure aussi influente que controversée de l'islam européen. De nouveaux témoignages affluent et les femmes portent plainte pour des faits de crimes et délits sexuels.

L’homme de 56 ans est mis en examen pour « viol » et « viol sur personne vulnérable » . Il est placé en détention provisoire le 2 février 2018. Il rejette tout d’abord les accusations puis finit par avouer des « relations extraconjugales de domination consenties » : « Même dans les moments de fougue et de domination, un non c'était un non », s'était-il défendu sur France 24.

 Il est mis en examen pour « viol et contraintes sexuelles » par la justice suisse. Finalement remis en liberté conditionnelle, il est soumis à un contrôle judiciaire très strict et a une interdiction formelle de quitter le territoire français. Souffrant d'une sclérose en plaques, l’islamologue avait dû verser une caution préalable de 300 000 euros et remettre son passeport suisse.

Tariq Ramadan a porté plainte à son tour en en fevrier dernier pour « dénonciation calomnieuse » et « dénonciation d’une infraction imaginaire » contre trois de ses plaignantes françaises.

« Aucun acte d’instruction semble n’avoir été réalisé »

S’agirait-il d’une mauvaise collaboration entre les justices suisse et française ? Toujours est-il que l’affaire Tariq Ramadan malgré le tollet déclenché semble ne pas mener vers une issue claire . Selon le site d’information en ligne letemps.che les avocats de « Brigitte » (prénom d’emprunt de la femme ayant porté plainte en Suisse) ont saisi la chambre pénale des recours à Genève contre les lenteurs de la justice helvétique, le mercredi 3 Juillet.

Les deux conseils, Me Robert Assaël et Me Alec Reymond dénoncent dans ce recours « une situation inacceptable » et le « déni de justice » que subit leur cliente. Selon les explications données sur le même site, Tarik Ramadan n’aurait toujours pas été entendu par le procureur suisse dans cette affaire. Il n’aurait d’ailleurs pas encore été confronté à Brigitte, son accusatrice.

Pire, le prédicateur aurait même rallié plusieurs personnes à sa cause après l'abondante correspondance sexuelle revelée entre lui et deux des femmes. Il avait demandé pour ces « preuves » la levée des deux mises en examen sans attendre la fin des investigations. Cette demande jugée prématurée avait été rejetée sans surprise.

Les conseils évoquent par ailleurs une violation de la convention européenne des droits de l’homme. Notons à ce propos, que quatre des audiences qui avaient été convoquées en février et mars dernier ont été toutes annulées en janvier, cela malgré plusieurs demandes d’explication restées vaines.

« Aucun acte d’instruction semble n’avoir été réalisé (…) Notre cliente a été profondément choquée » expliquent-il dans le journal Libération. « Sur le plan humain, les atermoiements apparents de la procédure et le mutisme du ministère public aggravent la souffrance de notre cliente qui a eu le courage de sortir de son silence pour dénoncer les agissements gravissimes dont elle a été victime » poursuivent-ils. Ils ont requis aux autorités judiciaires d’obliger le procureur à accélérer l’enquête sur cette affaire, qui n’a que trop piétiné.


Lire l'article complet, et les commentaires