AgoraVox est-il un média objectif ?

par libertylover
mercredi 16 mai 2007

Agoravox est une tribune dominée largement par les débats d’opinions politiques. Ouverte a priori à tous et « indépendante des puissances d’argent » et des partis, elle devrait logiquement afficher une grande diversité de vues. Pourtant on peut en douter en y jetant un coup d’oeil un peu rapproché.

Qu’Agoravox se soit largement trompé en matière de sondages avant l’élection présidentielle, il n’y a rien de choquant en soi. Ces sondages ne répondaient pas à une méthodologie rigoureuse et devaient donc être pris avec circonspection. De toute manière, un sondage aussi fiable soit-il, ne peut prétendre exprimer par avance avec certitude le résultat d’un scrutin. Sinon pourquoi des élections ?

Le plus troublant vient plutôt du caractère assez monolithique des opinions exprimées, ne reflétant pas manifestement celles du pays. Et facteur aggravant à mon sens, c’est le caractère répétitif, virulent et négatif de l’expression de ces opinions (encore ne parlé-je que des articles et non des commentaires).

Je parcourais il y a deux jours les principaux titres des articles à la une. C’était un véritable florilège anti-Sarkozy. Un titre, une citation, certains démontraient une hostilité primaire :

Quelle école pour vos enfants ? : « Dès à présent je ferme la porte de ma classe. J’entre en résistance active ! Je ferme la porte de ma classe pour ne pas que la France, pour laquelle 53% des Français ont voté dimanche soir (de façon plus ou moins consciente et éclairée...), n’y entre. »
Le président Sarkozy, le yacht et... ma grand-mère : « Le règne de Pipole 1er ne fait que commencer. »

Orson Welles et Buster Keaton ? : " Les Français ont le droit de savoir à quel point on se moque d’eux."

La France est une fête : « La disparition des formes qui s’est manifestée dans cette soirée apocalyptique augure de la disparition de la démocratie et de l’avènement d’une forme inédite d’ochlocratie. »

Pourquoi tant de haine contre l’élection de Sarkozy ? : « Comment Nicolas Sarkozy accède-t-il au pouvoir, sinon par la manipulation éhontée de l’opinion ? » .

Salle Gaveau l’erreur de casting : « L’UMP fêtant salle Gaveau la victoire de son candidat, c’est comme si l’on organisait un match de boxe à l’Opéra ou une fête de la bière à Notre-Dame. C’est l’irruption du vulgaire dans ce lieu voué au "plaisir de l’âme qui compte sans savoir qu’elle compte", selon la définition de la musique qu’en a donné Nieztsche. »

Troisième tour... dans les urnes ou dans la rue ? : « Ne donnons donc PAS à Sarkozy président ce pouvoir ABSOLU qu’il réclame... »

Hé camarades : « Alors aujourd’hui que la gauche a perdu, l’heure ne doit surtout pas être à l’opposition à Sarkozy. Elle doit être à la résistance. »
Sarkozy et la France républicaine : « D’un côté, le pur produit d’un système, celui de la Cinquième République qui génère la confiscation du pouvoir et la défiance populaire à l’égard des élus, de l’autre, la figure de la modernité incarnant une nouvelle pratique politique en rapport direct avec les citoyens. »
Sarkozy, ou le triomphe des passions tristes : « Pourtant, au soir de sa victoire, nombre de Français avaient, pour la première fois, honte d’être français. »

Pour d’autres, le titre seul était suffisamment éloquent : Nicolas Sarkozy élu : braquage à l’italienne, Les golden parachutes remercient Mai 68, Non à la France People, Sarkozy l’Américain moqué par les Américains, Cinq ans ferme !, Sarkozy un nouveau Robespierre...

Naturellement, certains objecteront que j’ai sciemment choisi les interventions à l’appui de ma démonstration et que je sors les citations de leur contexte. A chacun de juger. Il s’agit certes des plus violentes.

Mais nombre d’autres disaient la même chose dans un registre plus modéré : « L’avenir est peut être en marche, mais ce sera alors aux forceps et par l’insoumission », « Le projet du président doit donc être rapidement repensé sous peine d’un éventuel échec », « Parce que le projet de Sarkozy est potentiellement générateur d’inégalités, j’ai voté Royal tout en ne souhaitant pas sa victoire... ».

Les moins partisanes, sans reconnaître le moindre mérite au nouveau président, pointaient en se lamentant les insuffisances de la campagne de madame Royal ou de monsieur Bayrou : « La suprématie affichée des idées sociales-démocrates dans la majorité des pays développés confère aux responsables politiques de l’opposition (Bayrou et Royal) un terreau fertile pour construire dans la durée un programme de gouvernement », « Pour que le PS change », « la défaite impardonnable », « diaboliser Sarkozy n’était pas la bonne idée », « Marianne va finir par me convaincre de voter Sarkozy... »
A force de chercher, j’ai tout de même un ou deux points de vue non totalement négatifs. Par exemple, le « programme internet de Sarkozy ». Mais dans ces cas, la lecture des commentaires était édifiante. Quant à l’appréciation chiffrée, elle était sans appel. 76% opinions défavorables pour la simple énumération des grandes lignes du programme de M. Sarkozy !

Au total, si l’aventure Agoravox paraît à mon sens excitante, elle doit trouver une position un peu plus équilibrée, et privilégier le débat de fond au détriment des a priori trop réducteurs, au risque de se décrédibiliser et surtout de tourner en rond dans les haines et les rancoeurs stériles.


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