Ahmadinejad, Bush, Berlusconi, Sarkozy, Netanyahu… et les cocus de l’Histoire

par Bernard Dugué
lundi 15 juin 2009

Les médias pointent leur lorgnette sur des élections truquées en Iran. Quels enseignements à tirer si l’on veut élargir le champ de perception et d’interprétation ?

Premier cadrage, quelques similitudes entre le scrutin iranien et les élections américaines de 2004 qui ont porté au pouvoir le président GW Bush dont on peut dire qu’il fut un président conservateur, un double en quelque sorte d’Ahmadinejad, sauf que le vocable conservateur ne désigne pas la même chose dans un pays démocratique et dans un pays qui prétend l’être mais reste au fond, assez près d’une dictature. Pas de confusion. Un conservateur, qu’il soit britannique, français, israélien ou américain, même s’il sait être sévère à l’égard du peuple, n’a rien d’un conservateur en Iran. C’est pour cette raison que les médias, embarrassés par ces questions sémantiques, parlent d’un président ultra-conservateur en Iran. Le méchant a gagné, le bon réformateur a perdu, les élections ont été truquées, la répression gronde en Iran, avec des brigades policières formées à l’art de la matraque, surtout appliquée à un sujet étudiant. Bref, tout a été dit. Désolé de vous avoir dérangé… quoique, le sort de l’Iran nous ressemble par certains côtés.


Certes, il y a eu de la fraude, mais nul ne peut dire dans quelle ampleur car le propre d’une tricherie est de passer outre les systèmes de calculs officiels. Les réformateurs emmenés par Moussavi ont le sentiment de s’être fait voler. C’est naturel. Mais selon d’autres sources, le vote conservateur aurait été sous-estimé par les analystes si bien que l’élection d’Ahmadinejad s’inscrit dans une adhésion populaire face à ce candidat et nous, occidentaux, sommes mal placés pour jeter des pierres à une nation alors que GW Bush fut réélu en 2004 et que le minable, pardon, le contestable Berlusconi a la faveur d’une partie du peuple italien. Tenez, c’est étrange, je viens d’évoquer une partie de peuple. Ce n’est pas dans l’ordre philosophique traditionnel. Il n’y a qu’un peuple. Eh bien non figurez vous, d’ailleurs, il y avait la France de Guy Lux et la France de Bedos dans les années 1970.


La société iranienne est divisée. Par une ligne de fracture qu’on pourrait prendre comme universelle. Mais gardons-nous des généralités, surtout en matière de politique dans des pays dotés d’une culture et d’une histoire très différentes. Le seul point commun, c’est q’une division sociale s’est dévoilée en Iran, comme du reste en Amérique lors du scrutin mettant aux prises le conservateur Bush au candidat étiqueté progressiste Kerry. Et dans la foulée, un même schème sociologique, avec des classes éduquées, plutôt urbaines, à revenus au dessus de la moyenne, jouant la carte du progressisme contre des populations dites de terroir, plus rustiques, plus conservatrices, à l’esprit plus animal et instinctif que rationnel et éclairé. Les States ont connu ce schéma et l’Iran le répète, avec sa spécificité culturelle. L’Iranien des campagnes, pénétré de tradition, préfère l’autorité du candidat conservateur d’autant plus que ce candidat sait lui donner l’illusion d’une grandeur qu’il n’aura jamais tout seul, lui le petit paysan sans grade, alors que les citoyens urbanisés ont plus dans leur tripes et leurs esprit l’horizon d’une réussite personnelle, sans pour autant renier la nation. Ces élections iraniennes ont montré à l’évidence une société fracturée, comme peut l’être l’Amérique et pas seulement celle de Bush car avec Obama l’Amérique n’a pas changé. Elle est tout autant divisée. Comme peut l’être aussi la société française bien que seuls, les anti-sarkooziens donnent de la voix. La société italienne est elle aussi fragmentée entre les tenants de l’ancienne gauche héritée de ce bon vieux parti communiste si progressiste qu’on a connu dans les sixties, et ces activistes, affairistes et autres petits bourgeois parvenus et parvenant férus du Berlu.


Le constat d’une division ne devrait pas nous surprendre. C’est le lot des sociétés démocratiques ou bien de celles qui tendent à l’être et qu’on peut considérer comme ouvertes. Le Chili, l’Argentine des années 1980 étaient des sociétés ouvertes, comme peut l’être l’Iran depuis vingt ans, un Iran pas encore démocratique mais pas aussi fermé que la Corée du Nord ou Cuba. La France, l’Italie, sont divisées à leur manière, avec un passé culturel spécifique. L’ombre coercitive plane sur les démocraties. En Italie, combien de loi édictées pour protéger les intérêts et les trahisons du pouvoir ? En France, la loi Hadopi censurée pour être contraire aux droits fondamentaux de l’homme. Un détail ici mais pourtant, méfiance car ce n’est pas un point de détail que cet entêtement de Sarkozy et Albanel pour traquer les connexions Internet. En Iran, les droits de l’homme ne sont pas appliqués. Aux Etats-Unis, depuis le 11 septembre, quelques coups de canifs ont été portés au contrat des libertés. La société se dévoile comme divisée lors des élections. Après, c’est la routine. Quelque part, le scrutin de l’Iran nous renvoie à nos propres faiblesses. Les pouvoirs trouvent toujours quelques prétextes pour écorner la démocratie. Des individus s’érigent en gardien d’on ne sait quel intérêt supérieur et surtout qui l’a promulgué. Mais quelque part, le combat contre l’axe du mal de Bush, la traque des internautes avec Hadopi au nom de l’intérêt suprême des profits des industriels et stars des médias de la culture de masse, le nationalisme iranien, le nationalisme israélien, et j’en passe, toutes ces dérives ne laissent pas augurer d’un destin radieux de la démocratie et des droits de l’homme.


Bref, le schéma dont il faudra sortir est celui du « nazisme écosystémique de 2010 », l’alliance entre des dominations élitaires subordonnées et surtout orchestrées au nom de principes supérieurs, avec la participation de quelques élites économiques, de la complicité des bourgeois parvenus, de la soumission volontaire des masses qui croient participer à un grand dessein alors qu’elles ne sont que les cocues de l’Histoire. Le cocu étant trompé, par sa femme, ou bien par le pouvoir.


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