Air France : MM.Valls et Hollande vos paroles vous disqualifient définitivement

par Karol
jeudi 8 octobre 2015

Après le débordement de colère des employés d'Air France ce lundi on a assisté à une surenchère de déclarations de nos dirigeants politiques toutes à charge contre les manifestants qui ont violenté deux hauts responsables d'Air France ce lundi, en marge du comité central d'entreprise qui dévoilait un plan de licenciement de 2900 postes sur deux ans.

http://www.marcjammet.fr/2015/10/la-violence-c-est-air-france.html

La palme revient à Manuel Valls, chef du gouvernement, qui, à peine descendu de l'avion en provenance de Tokyo s'est empressé d'aller consoler les dirigeants d'Air France encore traumatisés par les débordements de colère de la veille. Devant les représentants d’Air France, comme devant les députés l’après-midi lors de la séance des questions au gouvernement, M. Valls a dénoncé avec véhémence « ces agissements (qui) sont l’œuvre de voyous (et) qui font mal à l’image de la France » et un « acte évidemment intolérable ». « La justice devra identifier ceux qui se sont livrés à cette violence inqualifiable. La violence est inadmissible dans notre société. Elle doit être condamnée et il faudra des sanctions lourdes à l’égard de ceux qui se sont livrés à de tels actes », a-t-il assuré. ( lien ) .

La seconde place revient à François Hollande, " élu par le peuple de gauche pour la défense des travailleurs contre les méfaits de la finance" qui a benoîtement déclaré mardi matin lors d'un déplacement au Havre : "Ça compte le dialogue social. Et quand il est interrompu par des violences, des contestations qui prennent des formes inacceptables, on voit ce que ça peut avoir comme conséquences sur l'image, sur l'attractivité de la France"

Ainsi c'est bien l'image de la France à l'étranger qu'il faut soigner pour séduire les investisseurs et cette image, pour être belle, ne doit pas être brouillée par un conflit social qui s'éternise et se radicalise en faisant la une de la presse mondiale. Monsieur le Président vous n'avez pas été élu pour vendre la France au plus offrant et vos propos nous abaissent tous. On serait en droit d'attendre de vous," homme de gauche", un peu d'empathie pour tous ces travailleurs submergés par la détresse d'un avenir bien sombre.

La droite n'est pas en reste dans cet hallali généralisé. Nicolas Sarkozy a surenchéri devant les députés Les Républicains en affirmant que les incidents à Air France marquaient "la chienlit, le délitement de l'Etat", selon des propos rapportés par plusieurs parlementaires. "Nous ne sommes pas en 1793. Nous ne pouvons pas accepter que deux dirigeants soient au bord de se faire lyncher par des hommes en tenue de syndicaliste, avec des syndicats qui ont pignon sur rue et qui ont tous appelé à voter pour François Hollande en 2012", s'est emporté l'ancien chef de l'Etat lors de la réunion du groupe Les Républicains à l'Assemblée.

Ce mercredi au lieu, en tant qu'actionnaire public, d'imposer aux dirigeants l'ouverture de véritables négociations avec toutes les parties prenantes à ce conflit, le gouvernement ne trouve rien de mieux que de montrer au monde entier son empressement à organiser la chasse aux auteurs de ces débordements.

Mais il est vrai qu'il est difficile de se renier quand quelques temps auparavant on a choisi de placer à la tête de l'entreprise un mercenaire pour en finir avec les "avantages acquis".

C'est Alexandre de Juniac, énarque, proche de Sarkozy et nommé P.D.G. d'Air France par Hollande en 2013, qui au cours d'une rencontre patronale, en décembre 2014, (lien) parle des acquis sociaux, comme une notion "très imprécise et très floue", car la rude concurrence des compagnies du Golfe impose de "mettre des limites aux acquis sociaux". Alors qu'il a dû affronter une grève musclée des pilotes de ligne, en septembre, Alexandre de Juniac livre au cours de cette même rencontre une anecdote. "Comme le disait mon homologue de Qatar Airways, hier, à propos de la grève, 'Monsieur de Juniac, chez nous, ce ne serait pas possible, on les aurait tous envoyés en prison'." La réplique fait mouche et suscite les applaudissements de la salle.

C'est le même Alexandre Juniac qui a vu son salaire augmenter de 72 % entre 2013 et 2014 ( lien) alors qu'il imposait à ses salariés le gel des rémunérations.

« Le patronat n’a pas besoin, lui, pour exercer une action violente, de gestes désordonnés et de paroles tumultueuses ! Quelques hommes se rassemblent, à huis clos, dans la sécurité, dans l’intimité d’un conseil d’administration, et à quelques-uns, sans violence, sans gestes désordonnés, sans éclats de voix, comme des diplomates causant autour du tapis vert, ils décident que le salaire raisonnable sera refusé aux ouvriers ; ils décident que les ouvriers qui continuent la lutte seront exclus, seront chassés, seront désignés par des marques imperceptibles, mais connues des autres patrons, à l’universelle vindicte patronale. [...] Ainsi, tandis que l’acte de violence de l’ouvrier apparaît toujours, est toujours défini, toujours aisément frappé, la responsabilité profonde et meurtrière des grands patrons, des grands capitalistes, elle se dérobe, elle s’évanouit dans une sorte d’obscurité. » Jean Jaurès lors d'un discours devant la Chambre des députés, séance du 19 juin 1906.( copié sur le le fil d'Ariane Walter sur Facebook... ) ;

Un siècle plus tard, rien a changé ! Le mépris des puissants envers les faibles est toujours aussi violent.

Monsieur le Président, puisque vous êtes totalement disqualifié pour conduire une politique sociale digne de ce nom, osez assumer les conséquences de vos paroles et de vos actes, formez un gouvernement d'union nationale et nommez comme premier ministre Emmanuel Macron, votre chouchou chantre du libéralisme éclairé, et comme Ministre de l'Intérieur Sarko le Matamore et l'image de la France auprès de ces chers, très chers, investisseurs n'en sera que plus belle. L'image de votre gouvernement cessera alors d'être floue, bien trop floue, pour la majeure partie de ceux qui vous ont élu en 2012. Mais ne vous étonnez pas ensuite, quand les dirigeants des entreprises refusent le dialogue et font preuve de mépris envers leurs employés, (voir la vidéo d'une employée ignorée par les dirigeants d'Air France ), quand les élus trahissent leurs électeurs, que la violence devienne la seule arme à la portée de ceux qui sont constamment floués et spoliés. "Violence injustifiable mais inévitable" (1) comment l'écrivait Camus qui, comme un orage soudain, pourrait bien tout emporter sur son passage.

LA SCIENCE DU PARTAGE

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(1) lire la chronique du Yéti


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