Ajaccio, Racistes Corses !
par Jean Charles Guerrini
lundi 28 décembre 2015
Ajaccio, Racistes corses !
Les corses sont racistes c'est bien connu.
D'ailleurs il suffit de voir leur drapeau pour le comprendre et les derniers événements en cours en sont bien la preuve.
Donc le peuple corse est constitué d'une centaine de personnes qui attaque non pas une mosquée mais un lieu de culte.
La récupération ultra rapide de cet acte par les réseaux et les sites d'extrême droite est inquiétante et pose une multitude de questions.
D'abord le timing.
La symphonie médiatique et politique suite au discours en Corse de JG Talamoni nous a doucement bassiné les oreilles pendant plus d'une semaine et tout de suite après, le soir de noël, l'agression de jeunes pompiers et d'un policier dans un quartier sensible d'Ajaccio par des individus « cagoulés ».
Curieux ces cagoules ! Autre élément troublant : les clubs de golf. On a rarement vu « la racaille » avec des clubs de golf ! Serait-ce leur nouveau sport favori ? Ça coûte très cher des clubs de golf.
Et puis les cris de « Cassez vous les corses », toujours aussi curieux.
Puis l'idée d'aller saccager un lieu de culte situé à plus de trois cent mètres et surveillé par les forces de l'ordre depuis le 7 janvier a germée dans leur tête. Tout au plus une centaine de têtes, comme un troupeau de moutons canalisé par les aboiements de quelques chiens de berger.
Le résultat en est désastreux.
L'agression des pompiers est passée au second plan dans la plupart des médias et le saccage du lieu de culte est devenu le dernier acte de cette tragi-comédie. Mais si on évoque ici une pièce de théâtre il est impensable de ne pas aussi imaginer un scenario et des auteurs.
L'interrogation demeure !
La communauté corse d'origine maghrébine est la plus importante de France en proportion après la région parisienne et l'intégration y est plus nette et plus franche qu'ailleurs. Les mariages mixtes y sont visiblement bien plus fréquents et la Méditerranée commune aux corses et aux maghrébins en est le trait culturel commun.
Le problème résulte surtout de la volonté de quelques individus de vouloir imiter les comportements de certains quartiers du continent auquel s'ajoute l'apparition de coutumes vestimentaires directement liées à l'appartenance religieuse.
A Rome vis comme les romains
A l'époque de l'Empire romain un proverbe était fréquemment employé pour éviter les dérives communautaristes « A Rome vis comme les romains, ailleurs vis comme ils vivent ».
Il est évident que l'affirmation publique de l'appartenance religieuse déclenche, comme partout, des réactions épidermiques d'autant plus que certains interdits alimentaires vont à l'encontre d'une terre qui s'est nourrie du cochon depuis toujours et produit du vin pour éviter de boire de l'eau, vecteur fréquent de maladies mortelles.
C'est certain que boire du thé ou de la verveine et se nourrir de steaks hachés estampillés « halal » passe difficilement dans l'inconscient collectif corse.
Il y a eu aussi de grossières erreurs de la part des médias et parfois des raccourcis inventés de toute pièce. BFMTV parle de « jeunes indépendantistes » qui ont attaqué une « mosquée ».
Ce n'étaient pas de jeunes indépendantistes et les démentis publics n'ont pas été relayés dans la sphère journalistique et ce n'était pas une mosquée non plus, tout juste une salle de prières. Mais bon, l'effet médiatique et l'audience associée en sont renforcés.
Tous victimes
Dans cet épisode ajaccien désastreux il n'y a en fin de compte que du négatif, les pompiers et le policier attaqués sont des victimes, la population d'origine maghrébine en est victime, les corses en sont victimes et la toute nouvelle assemblée nationaliste en est victime. L'amalgame Nationalistes/ Racistes est vite réalisé. L'entêtement de certains meneurs ou manipulateurs fera de nouvelles victimes et il est à craindre que bientôt le sang ne coule.
Si par malheur on en arrive là les scenarii catastrophes des cassandres prophétiques de la guerre civile peuvent se réaliser et ce sera la faute des corses « ces racistes ».
Historiquement racistes !
Pourtant historiquement si un peuple a bien su accueillir depuis des siècles tous ceux qui sont arrivés sur cette terre, ces migrants qui fuyaient les persécutions ou la misère ce sont bien les corses.
Et même ceux qui ont tenté de s'imposer par la force se sont fondus dans l'identité corse.
La religion n'a jamais été un problème en Corse, la laïcité était déjà inscrite dans la Constitution corse de 1755. Les « hérésies » des Giovannali au 14eme siècle ont été persécutées par les troupes du Pape mais aucunement par les corses. Ils ont accueilli sans aucun problème les milliers de juifs d'Italie qui fuyaient les ghettos de Padoue ou de Naples.
Ils les ont protégés durant la seconde guerre mondiale, un seul juif est mort en déportation, il était d'origine allemande et son accent l'avait dénoncé.
La religion en Corse est du domaine de la croyance, du sacré, mais surtout de la culture et elle ne s'impose pas aux autres.
La relation des corses avec l'islam est restée très longtemps houleuse durant des siècles. Aux 16ème, 17ème et 18ème siècles ce sont plus de trente milles corses, hommes, femmes et enfants qui ont été razziés par les barbaresques musulmans albanais basés en Algérie et au Maroc. Très peu ont pu revenir et seuls les plus fortunés ont revu leur île après paiement d'une rançon.
De nombreux noms de lieux portent encore les traces de leur présence (ex :Campo Moro, le camp des maures) comme d'autres la présence juive (Casalabriva, la maison de l'hébreu).
Les razzia ont pratiquement cessé à la suite de l'action de l'impératrice marocaine, Davia Franceschini, originaire de Corbara en Balagne, devenue la favorite puis l'épouse du Sultan du Maroc en 1786 à la suite de son enlèvement.
Islamophobie
Il n'y a pas eu en Corse de réactions islamophobes après les attentats du 13 novembre alors que trois jeunes corses y ont trouvé la mort mais la peur inspirée par ces visions d'horreur issues des actions de l'Islam radical s'est répandue en Corse comme ailleurs.
La réaction de la population à la suite des incidents des Jardins de l'Empereur est a mettre sur le compte d'une volonté d'exorciser les peurs qui frappent la société française continentale dans son expression la plus paranoïaque.
De plus s'attaquer aux pompiers, défenseurs du patrimoine naturel de l'île au prix de nombreuses vies depuis des décennies c'est s'en prendre à un symbole majeur.
Une foule en colère est ingérable, Louis XVI l'a vécu et en est mort et certains ont pu détourner cette colère pour une centaine de personnes vers des objectifs ou l'amalgame quartiers-religion s'est vite réalisé.
Souhaitons aussi que les prises de position anti racistes, fermes et sans concessions des leaders nationalistes produisent une effet salutaire et permettent d'isoler ceux qui ne veulent que « casser de l'arabe ». L'amalgame réalisé par le timing est« peut-être ? » involontaire après les réactions aux discours en langue corse tenus à l'Assemblée de Corse se produisent les incidents d'Ajaccio. Incidents avant tout préjudiciables aux nouveaux détenteurs nationalistes élus à la tête de la Collectivité Territoriale Corse.
La volonté sous-jacente de faire coïncider prise de pouvoir des nationalistes et actes racistes anti musulmans en Corse est presque évidente.
Ça fera l'affaire des médias qui n'attendent qu'une seule chose, faire de l'audience pour vendre au meilleur prix leurs spots publicitaires. Les réactions lamentables de certains politiques, qui ne retiennent que le saccage de la salle de culte, relayées dans ces mêmes médias et les réseaux sociaux est tout aussi dangereuse.
Flatter la populace électorale par des tweets systématiques de dénonciation uniquement pour l'attaque de la salle de culte jette de l'huile sur le feu ( Mélenchon, Philippot, Estrosi, Cambadelis). L'incendie commence à se propager et ce ne sont pas les pompiers corses qui l’arrêteront.
La justice ne pourra plus vraiment s'exercer et les rancœurs de toute sorte vont s’exacerber.
La mise à l'écart de tout un peuple par une partie de la sphère politique qui au fond ne fait que mettre en avant la fracture entre les corses et le continent se transforme en gouffre.
A force de regarder l'abîme nous oublions que l'abîme aussi nous regarde.