Alain Finkielkraut, vos Répliques à la théologie criminogène c’est pour quand ?

par Pierre Régnier
mardi 18 août 2015

"Il faut souhaiter une communauté solidaire, fraternelle, pacifiée et où chacun trouve sa place"

C'est ce que dit l'évêque de Troyes à l'occasion de la fête catholique du 15 août, qui met fin à une Neuvaine de prières pour la France (1)

Ce sont surtout les adjectifs solidaire et pacifiée que je veux retenir ici. Pour être pacifiée l'Église catholique devrait d'abord cesser d'être solidaire de ceux qui veulent islamiser toujours plus la France et l'Europe. Mais pas seulement, et peut-être même, je crois bien, pas principalement.

A la fin d'un chapitre de son récent livre CROYANCE (2) Jean-Claude Carrière pose cette question : Quel juge accepterait de relâcher un criminel parce que celui-ci lui dirait : "Dieu m'a ordonné de tuer, je Lui ai obéi ? L'écrivain ne propose pas de réponse tant celle-ci paraît aller de soi : aucun juge, évidemment, n'accepterait...

Cette autre question pourrait logiquement suivre : Quel commentateur des religions accepterait que leurs principaux responsables réaffirment, dans la France de 2015, que Dieu a bien appelé à commettre de grands massacres et que c'était justifié, au moins à l'époque de l'Ancien Testament pour le judaïsme et le christianisme, et que ça reste justifié pour l'islam. Là encore la réponse paraît aller de soi : personne, évidemment, n'accepterait...

Eh bien non ! C'est la réponse contraire qui serait la bonne. Aujourd'hui comme depuis 2500 ans tout le monde accepte, ou au moins tolère, cette criminogène affirmation : pour de bonnes raisons - qu'il faut bien comprendre et bien interpréter ! - le Dieu en lequel il faut croire, et auquel il faut obéir, a appelé à massacrer des individus et des peuples. Dans certains cas, comme cela est rapporté (principalement mais pas seulement) dans le Livre de Josué de l'Ancien Testament il a même très explicitement appelé à commettre un très explicite "bon génocide".

Cette affirmation scandaleuse est celle que le théologien cardinal Ratzinger, futur pape Benoît XVI, a réussi à faire (ré)-inscrire dans le Nouveau Catéchisme de l'Eglise catholique (3)

Jean Soler, ou encore Jean-Pierre Castel, ont montré en quoi le "Dieu jaloux" de l'Ancien Testament a commandé et légitimisé la "bonne violence religieuse", celle qui est pratiquée par un peuple se considérant comme supérieur et se consacrant à la conquête d'une terre qui serait à lui seul réservée. Je crois pour ma part que, parallèlement à cette réalité, une vraie recherche de ce que les philosophes nomment "la vie bonne" accompagnait cette conquête hébraïque.

Je crois aussi et surtout que l'essentiel de la mission que s'était donnée le prophète juif Jésus de Nazareth, il y a 2000 ans, était de convaincre ses co-religionnaires que cette saine recherche devait se passer de toute croyance en une violence prétendument voulue par Dieu, et que l'amour à pratiquer devait l'être de manière universelle, aucune communauté humaine ne devant plus se considérer par nature comme plus méritante qu'une autre.

Quelques siècles plus tard, le prophète Mohamed et les rédacteurs du Coran ont présenté "la bonne violence commandée par Dieu" comme l'un des éléments fondateurs de la nouvelle religion monothéiste qu'ils créaient alors, l'islam. Mais cette fois-ci la violence prétendument voulue par Dieu ne le serait plus seulement pour le présent de ces créateurs. Elle resterait valable jusqu'à ce que le monde entier soit soumis "au seul vrai Dieu" Allah, le Dieu des croyants de l'islam.

C'est ce qui fait de cette nouvelle religion monothéiste celle qui est, de beaucoup et très durablement, la plus dangereuse pour tous les peuples. Elle interdit pratiquement toute pacification du monde.

Malgré les nouvelles preuves de cette dangerosité particulière apportées quotidiennement dans le monde contemporain - comme d'autres le furent de manière presque continue depuis 13 siècles - la France qui s'est donnée une loi, celle de 1905, pour protéger sa nécessaire laïcité, croit toujours que les religions doivent y être considérées et traitées de manière indifférenciée. Je crois délétère cette indifférenciation.

Mais je crois aussi que c'est de toutes les religions que les pays voulant se protéger de la violence religieuse doivent exiger une radicale réforme : avant d'accorder l'autorisation de pratiquer leur culte, exiger un clair rejet de tout ce qui, dans la théologie qu'elles enseignent aujourd'hui, reste criminogène, que ce soit indirectement comme dans le judaïsme et dans le christianisme (trahissant Jésus) ou directement comme dans l'islam.

Il y a peu vous avez, Alain Finkielkraut, montré que la mise en question des horribles croyances de l'Ancien Testament ne vous effraye pas. Dans votre émission Répliques, évoquant le Livre d'Esther vous vous êtes montré choqué que celle-ci, après avoir sauvé son peuple dont l'extermination était envisagée, eut obtenu l'autorisation de faire massacrer par les Hébreux les 70.000 sujets du roi supposés avoir préparé cette extermination.

Vous devez, je crois, aller plus loin et mettre en question la nature même de la croyance criminogène, laquelle reste dogmatisée par, entre autres, l'Église catholique depuis sa création. Il faut poursuivre le désarmement théologique des Dieux proposé par le trop peu lu Jean-Marie Muller (4).

Plus précisément encore, il faut désarmer les croyants que les théologiens du monothéisme ont armés, en leur enseignant que le Dieu de leur religion avait appelé à massacrer des individus et des peuples.

Vous savez mieux que moi que ce ne sont pas les politiciens de la Droite, sans réelle spiritualité parce qu'avant tout soumis à l'économisme, ni les faux laïcs de la fausse Gauche qui le feront. "Bouffer du curé" est la seule véritable motivation de ces derniers quand ils s'occupent de "défendre la laïcité". (5)

Mon appel pourrait s'adresser tout aussi bien à Jacques Bouveresse, à Rémi Brague, à Jean-Claude Carrière, à Catherine Chalier, à Régis Debray, à Marcel Gauchet, à Elisabeth Levy, à Michel Onfray, à Daniel Sibony, à Pierre-André Taguieff... (que les centaines d'autres intellectuels concernés me pardonnent de ne pas, faute de place, les citer aussi).

Mais votre décisive contribution au désarmement des religions pourrait aussi bien prendre la forme d'un questionnement, en direct sur France Culture, du pape qui a relancé la théologie criminogène dans l'église catholique, et que vous tenez en haute estime. Qui sait ? Peut-être qu'avant de mourir, Benoît XVI éprouvera le besoin de libérer sa conscience ?

Bien respectueusement.

Pierre Régnier

 

(1) http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/15-aout-pourquoi-ils-prient-pour-la-France-2015-08-12-1343723

(2) CROYANCE, par Jean-Claude Carrière éd. Odile Jacob, mai 2015

(3) http://www.blog.sami-aldeeb.com/2011/09/18/benoit-xvi-premier-responsable-de-la-violence-religieuse/

(4) http://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/il-faut-desarmer-les-dieux-80663

(5) http://ripostelaique.com/mes-camarades-de-gauche-vont-ils-enfin-sindigner-pour-cette-bonne-raison.html

 


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