Alain Soral poursuivi pour provocation à la haine et relaxé en appel

par Martin de Wallon
lundi 13 mai 2019

Le mardi 26 mars, le polémiste Alain Soral avait été condamné pour avoir publié en 2016, un dessin négationniste sur son site Egalité et Réconciliation. Le parquet de Paris a fait appel du mandat d’arrêt à son encontre. Une décision fustigée par de nombreuses associations qui parlent d’un « Munich judiciaire ».

« Chutzpah hebdo »

Le polémiste Alain Soral continue son périple judiciaire. Condamné en janvier dernier dans une autre affaire d’antisémitisme puis jugé le 22 décembre 2017 à Paris pour deux dessins, il avait ouvertement mentionné et attaqué la Procureure qui avait requis cinq mois de prison ferme contre lui.

Le mardi 26 mars, l’essayiste et frère de l’actrice Agnès Soral avait été condamné définitivement à 10 000 euros d’amende, avec la possibilité d’un emprisonnement en cas de non-paiement, après le rejet de son pourvoi en cassation. Il avait publié sur son site Egalité et Reconciliation un dessin nommé « Chutzpah hebdo ». Négationniste, il representait à la une, le visage de Charlin Chaplin devant l’étoile de David. Dans une bulle, une question était posée : « Shoah où t’es ? ». Cette caricature se voulait une parodie de la une provocante et scandaleuse de l'hebdomadaire satirique « Charlie Hebdo » après les attentats de Bruxelles : « Papa où t’es ? ». Le mot hébreu « Chutzpah » substitué à Charlie, signifie : « insolence » ou « impertinence ». A juste titre.

Un appel contesté

Une plainte avait été déposée au lendemain de cette parution. Contre Alain Soral, de nombreuses associations constituées comme parties civiles dans cette affaire : La Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), L’Union des étudiants juifs de France (UEJF), Avocats sans frontières (ASF), le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP), J’accuse ! Action internationale pour la justice (AIPJ), le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA) et SOS Racisme.

La Licra très engagée avait réclamé comme peine, trois mois d’emprisonnement ferme. Le 5 Mars 2019, le parquet de Paris requérait la condamnation de l’essayiste Alain Soral à six mois de prison ferme pour contestation de l’existence de la Shoah, et 15 000 euros d’amende contre son avocat Damien Viguier.

Finalement, un mandat d'arrêt avait été ordonné le 15 avril par le tribunal correctionnel de Paris. L’essayiste qui risquait la détention avait fait appel. Finalement, le parquet de Paris a décidé de ne pas exécuter le mandat d'arrêt et en a fait appel. Cette action est dénoncée par les associations antiracistes . En effet, le code de procédure pénale ne prévoit pas qu’un tel mandat soit délivré sauf pour les délits de droit commun ou d'ordre militaire. Alain Soral avait, lui, été condamné au titre de la loi sur la liberté de la presse.

Le 6 mai 2019, dans une tribune nommé « Heureux comme un antisémite en France », les présidents et les avocats de plusieurs associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme montent au créneau et critiquent la décision du parquet de Paris qui a interjeté appel du mandat d’arrêt délivré par la 13ème chambre du tribunal correctionnel de Paris le 15 avril dernier dans le cadre de la condamnation d’Alain Soral pour contestation de crime contre l’humanité.

La reponse du procureur de Paris

En réaction à cette décision considèrée comme un « Munich judiciaire », Remy Heitz procureur de Paris a, dans une tribune publiée sur le site de « l’Obs » donné « sa reponse » :

« Le 6 mai 2019, dans une tribune intitulée « Heureux comme un antisémite en France », des présidents et avocats de plusieurs associations de lutte contre le racisme et l’antisémitisme ont critiqué la décision du parquet de Paris d’avoir interjeté appel du mandat d’arrêt délivré par la 13ème chambre du tribunal correctionnel de Paris le 15 avril dernier dans le cadre de la condamnation d’Alain Soral pour contestation de crime contre l’humanité.

Le parquet de Paris, accusé par les auteurs de cette tribune de « batailler pour faire relâcher les antisémites », tient avant toute chose à rappeler qu’il est à l’origine des poursuites engagées dans cette affaire.

Le parquet de Paris, à qui les auteurs de cette tribune reprochent par ailleurs de « protéger les racistes et les antisémites de toute sanction effective » précise qu’il a, au cours de cette audience, requis la condamnation de l’intéressé à une peine de prison ferme.

Il souligne enfin qu’il n’a pas interjeté appel de la peine d’un an d’emprisonnement prononcée par le tribunal, mais seulement du mandat d’arrêt.

En initiant ces poursuites, le parquet de Paris était animé par la seule volonté de lutter contre le racisme et l’antisémitisme et de combattre le discours de haine.

En l’état du droit, le code de procédure pénale (article 465) prévoit la possibilité de décerner un mandat d’arrêt « s’il s’agit d’un délit de droit commun ou d’un délit d’ordre militaire prévu par le livre III du code de la justice militaire et si la peine prononcée est au moins d’une année d’emprisonnement ».

En l’espèce, le prévenu a été condamné pour une infraction prévue et réprimée par l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Les infractions sanctionnées par cette loi ne sont pas considérées comme des délits de droit commun.

Garant des libertés individuelles et du respect de la légalité, le parquet n’avait donc pas d’autre choix que d’interjeter appel et de ne pas ramener à exécution ce mandat d’arrêt.

La lutte contre le racisme et l’antisémitisme ne peut se passer de la stricte observation de la loi. Elle ne saurait prospérer en dehors de ce cadre.

Le parquet de Paris lutte inlassablement contre toutes les formes d’expression racistes ou discriminatoires. Il est d’ailleurs régulièrement pris pour cible par celles et ceux qu’il poursuit sur ce terrain.

Cette tribune ne fera que le conforter dans cet objectif : faire cesser les discours qui invectivent et humilient tout en veillant au respect des lois par tous et pour tous. »

Rappelons que le polémiste, a encore été relaxé, ce jeudi 9 mai, dans une autre affaire alors qu’il était jugé à Paris pour avoir publié des caricatures jugées antisémites sur son site.


Lire l'article complet, et les commentaires