Algérie : de la structuration du Hirak
par GHEDIA Aziz
lundi 23 décembre 2019
Partons d’une question très simple.
Peut-on, dans les conditions actuelles, structurer le Hirak algérien ?
En effet, beaucoup d’intervenants sur les réseaux sociaux et même certains intellectuels avisés pensent que le moment est venu de penser à cette éventualité. Mais, beaucoup de gens s’accordent aussi à dire que « la chose » ne sera pas si aisée que cela.
Souvenons-nous que ce mouvement citoyen est à son dixième mois. Il est né - les naïfs pourraient croire à sa spontanéité- le 22 février de l’année en cours, et cela à la suite de l’entêtement des tenants du pouvoir qui voulaient d’un 5e mandat au profit de l’ex Président, malade et impotent, Abdelaziz Bouteflika.
Beaucoup d’eau a coulé sous le pont depuis.
Revenir sur toute cette période cruciale de l’Algérie et la décrire dans le menu détail, jour par jour, peut prendre énormément de temps. Toujours est-il que ce mouvement citoyen, ce Hirak, a permis au peuple algérien d’engranger plusieurs acquis dont l’annulation du 5e mandat, le départ dans des conditions très humiliantes de celui qui a présidé aux destinées de l’Algérie pendant deux décennies… Quel destin tragique !
Et, malgré l’élection, dans des conditions surréalistes, d’un nouveau Président, Abdelmadjid Tebboune en l’occurrence, celui-ci, le Hirak, n’a pas l’intention de désarmer. Il reste droit dans ses bottes même si, par-ci par-là, on essaie de l’interdire, on essaie d’empêcher, par tous les moyens de coercition et de répression, les citoyens de manifester. Toutes les tentatives d’intimidation et de menace n’ont pas réussi à dissuader les Algériennes et les Algériens à rentrer chez eux. Toutes et tous sont persuadés que le combat pour une Algérie nouvelle, une Algérie réellement démocratique, une Algérie où il fait bon vivre pour tout un chacun, ne fait, en réalité, que commencer. Toutes et tous continuent donc à « danser et youyouter », pour reprendre une allégorie chère à un ami Facebookien, et s’en fichent royalement, du moins pour l’instant, de la structuration ou non de ce mouvement citoyen pacifique.
La raison en est très simple : le peuple des vendredis est divers et diversifié de par son éducation, sa culture, son niveau d’instruction, son appartenance politique ou idéologique. En un mot, on peut dire qu’il est « cosmopolite » même si ce terme a, de notre point de vue, un sens beaucoup plus large et plus général.
« Le Hirak est une aubaine pour l’Algérie ». Nous reprenons, ici, à notre compte, cette pertinente remarque du nouveau Président de l’Algérie. Celui-ci a fait cette remarque en toute connaissance de cause, car, contrairement à son prédécesseur, il est, malgré son âge avancé, encore en possession de toutes ses facultés mentales… Mais, pour revenir aux choses sérieuses, pourquoi, sous prétexte de restructuration, certaines personnes, peut-être malintentionnées, veulent-elles précipiter les choses ? Pourquoi voudrait-on que ce mouvement, porteur d’espoir et qui est encore jeune, soit structuré et donc géré par une poignée de personne fussent-elles des sommités en science politique ? Le Hirak appartient à tout le monde et en particulier « aux laissés pour compte », ceux qui n’ont peut-être, jamais profité du « système » et de la rente que ce système distribuait. Ces « laissés pour compte » tiennent ici, par ce Hirak, leur revanche. Ils tiennent à démanteler le système quel que soit le temps que cela prendra.
De toutes les façons, le Hirak doit continuer sur cette voie. Il doit maintenir la pression sur les tenants du pouvoir ce qui, le moment venu, lorsque les politiques seront amenés, par la force des choses, à dialoguer avec ceux-ci, cette pression « hirakiste » leur permettra de le faire en position de force.