Algérie : du Hirak (3)

par GHEDIA Aziz
lundi 29 avril 2019

Quelques jours après son retour en Algérie, le Président Abdelaziz Bouteflika dépose sa démission au Conseil Constitutionnel. Comme toujours, depuis qu’il est cloué sur sa chaise roulante, il n’est apparu, à la télévision publique, que durant un laps de temps dans un accoutrement inhabituel pour un Président de la République : habillé d’une djellaba marocaine, il faisait pitié à voir. D’où d’ailleurs le slogan crié à tue-tête par les manifestants durant plusieurs jours de « Bouteflika le marocain, il n’y aura pas de 5e mandat ».

Voilà un Président de la République qui aspirait, il n’y a pas si longtemps, au prix Nobel de la paix et qui se retrouve honni et vomi par tout son peuple et à qui, suprême humiliation, l’on dénie même la nationalité algérienne. La symbolique est très difficile à supporter. Particulièrement par les partisans du 5e mandat qui se faisaient de plus en plus discrets, qui n’occupaient plus la scène politique, de peur d’être, eux aussi, lynchés par la population dont l’engagement politique et l’occupation de l’espace public allait crescendo. Mais avant de remettre sa démission au Conseil Constitutionnel, le Président A.Bouteflika avait pris le soin de démettre de ses fonctions le Premier Ministre Ahmed Ouyahia, l’homme des sales besognes, « revenu pour la quatrième fois pour diriger son dixième gouvernement » et de le remplacer par le Ministre de l’intérieur, Nour-eddine Bedoui qui est également très mal vu par les algériens pour avoir maté les mouvements de grève de ces derniers mois et particulièrement celui des médecins-résidents. En fait, si le Président a bel et bien démissionné, ses hommes et ses partisans zélés du 5e mandat sont encore omniprésents. Et il sera difficile de les faire « dégager » tous même si la théorie des dominos commence déjà à faire son œuvre.

Mais, le peuple ne désespère pas pour autant. Il est uni. C'est ce qui compte le plus car l'on sait que l’union crée la force. La carte du régionalisme ne peut plus être brandie par le régime. Cette politique de « diviser pour mieux régner  », souvent utilisée par le passé, (rappelons-nous du « printemps kabyle de 2001 »), ne peut plus avoir cours aujourd’hui. Tous les manifestants sont conscients de cela et n’omettent pas de le rappeler à chaque manifestation. Par ailleurs certains tabous sont tombés à tel point que cela ne fasse plus l'objet de commentaires déplaisants de voir par exemple des femmes défiler en tenue traditionnelle kabyle et portant l’emblème berbère (qui devrait en fait rassembler toute l’Afrique du Nord).

Seule ombre au tableau, c’est l’instrumentalisation de la justice par le vice Ministre da Défense, Ahmed Gaid Salah. Il s’agit, en fait, d’une sorte de « mani pulite » alors que ce n’est pas du tout le moment. Tout simplement. Cette façon de mettre « la charrue avant les bœufs » si on ose dire, s’apparente plutôt, de notre point de vue, à une chasse aux sorcières. C’est ainsi que l’un des premiers investisseurs algériens, Mr Issad Rebrab, patron du groupe Cevital qui a créé des milliers d’emplois à travers tout le territoire national, se trouve aujourd’hui en prison… Alors que ceux pour lesquels la vox populi a trouvé l’un des meilleurs slogans, « ya serrakine, klitou lebled »* ne semblent pas du tout inquiétés. En fait, le peuple est loin d’être dupe. Il n’est pas sans savoir que tout cela, toute cette mise en scène de mauvais goût, est fait dans l’intention de casser le mouvement citoyen. Mais, la mobilisation populaire de ce 10e vendredi du « Hirak », toujours très importante à travers toutes les wilayas du pays, prouve une chose : le mouvement est incassable et ne peut être dévié de ses objectifs par les tenants du pouvoir actuel. La stratégie du pouvoir qui compte sur l’essoufflement du mouvement se révèle être un fiasco total. 

A suivre

Par GHEDIA Aziz, membre fondateur de Jil jadid.  


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