Algérie : validation des résultats des législatives par le Conseil constitutionnel
par GHEDIA Aziz
jeudi 24 mai 2007
Sous le titre de « Tous les chemins mènent à l’APN... », le « Soir d’Algérie » vient de nous donner une information des plus marrantes. A sa lecture, je n’ai pas pu me retenir de rigoler un bon coup. Mais, à bien y réfléchir, ça ne fait pas rire du tout. Plutôt ça laisse penser au fait que, tout compte fait, les citoyens ont eu tort d’avoir tourné le dos à ces élections. Car ce qui devait arriver arriva.
Qu’une chose pareille arrive en politique, dans des élections législatives dont dépend en grande partie l’avenir de tout un peuple, c’est grave. Trop grave même. Il y va de la crédibilité de l’APN. En effet, celle-ci est doublement pénalisée : au manque de légitimité dont elle est déjà créditée par un taux incroyablement élevé d’abstention (voir mon article précédent), elle vient de se caractériser aussi, aux yeux de la majorité des citoyens, par l’élection d’un certain nombre "d’affairistes" sans projet politique sérieux ni ancrage réel au sein de la population. Pire encore, avec maintenant "un clown qui fait son entrée à l’APN", c’est à une assemblée de... (Non, je n’oserai pas le dire, et ceci par respect pour les membres de certains partis politiques qui vont y siéger) que l’on va avoir affaire.
Soyons sérieux : Cheikh Aâtallah, le Coluche algérien, a-t-il vraiment sa place à l’APN ? Que va-t-il y faire ? Il est vrai qu’il a été élu démocratiquement ! Mais par qui ? Par de vieux bougres et certainement aussi par de jeunes "Hittistes", d’un trou perdu de Djelfa qui, par ce geste-là, viennent de nous démontrer qu’ils sont à mille lieues de la chose politique ! Que ces élections étaient, pour eux, une façon de se défouler en permettant, du même coup, à l’un des leurs de fouler le sol tout en marbre italien de l’APN. Voilà pourquoi, me semble-t-il, il est permis de dire que, de la même façon que ce qu’on a l’habitude de dire à propos des impôts, "trop de démocratie tue la démocratie". On a joué à fond la carte de la démocratie en permettant à tout citoyen majeur et n’ayant pas d’antécédents judiciaires d’être éligible et de pouvoir donc se présenter aux élections locales ou nationales et voilà le résultat ! Nous allons avoir une APN multicolore, mosaïque diront certains, où, en plus des partis politiques traditionnels (FLN, RND, HMS, RCD, PT) ce qui est quand même bien, reconnaissons-le, il y aura aussi des FNIC et des fennecs, ce qui est mauvais, à mon avis, pour la démocratie naissante en Algérie. Car, pour ceux qui ne connaissent pas ce Coluche algérien, sachez seulement qu’effectivement celui-ci est rusé comme un renard du désert d’où il est originaire. Il n’a pas été par mille chemins pour faire sa "campagne électorale". Il n’a pas arpenté chemins poussiéreux et collines verdoyantes en ce printemps 2007 ; il n’a pas non plus traversé rivières et déserts pour aller prêcher la bonne parole et faire des tas de promesses. Il n’a pas chauffé à blanc les foules en délire lors de meetings dans de grandes salles climatisées ni ailleurs. Non. Rien de tout cela. Il n’a usé que de son humour. Auprès des villageois de son Douar d’origine. Et ça été suffisant. Son humour a été plus que payant puisque, aujourd’hui, l’humoriste d’El F’hama est projeté au devant de la scène politique. Son rêve est devenu réalité. Il a été largement plébiscité, parait-il. En tout cas, il s’apprête à faire une entrée fracassante à l’Hémicycle du Bd Zighout Youcef.
Mais, le rêve de tous les Algériens de voir une APN vraiment représentative des différents courants politiques qui traversent la société, une APN formée de l’élite du pays et qui s’investit pleinement dans la vie politique du pays, qu’en fera-t-on ? N’aurait-il pas fallu exiger un minimum de formation universitaire (Bac + 4, par exemple) aux candidats à ces élections en plus de la compétence avérée dans leurs domaines respectifs ? N’aurait-il pas fallu autoriser uniquement les candidats qui activent au sein des partis politiques ? De cette façon-là, on aurait pu, peut-être, limiter les dégâts et éviter que de tels personnages, même hauts en couleur par ailleurs, viennent jouer les trouble-fête. Nous aurions eu une APN avec quelques partis de représentés, certes, mais une APN dont tous les Algériens seraient fiers. Une APN qui ne soit pas comme une auberge espagnole où entre qui veut.
Il est vrai qu’il faut un peu de tout pour faire un monde. Mais, pour faire une APN, a-t-on vraiment besoin de tout le monde ? Une APN c’est quand même quelque chose de sérieux ! Alors de là à élire "des personnes qui n’ont rien à voir avec la politique", c’est une atteinte pure et simple, une insulte, une gifle, à l’intelligence de tous les Algériens. Que puis-je dire encore ? On peut ne pas être d’accord avec mon raisonnement, mais c’est comme ça que je vois la chose personnellement.
Espérons seulement, pour terminer, que tout ce beau monde, tous ces gens-là ne vont pas "lustrer leur culs"sur les strapontins de l’hémicycle Zighout Youcef pour reprendre une expression chère à notre écrivain Yasmina Khadra, ni faire la méridienne pendant les séances plénières...