« Allez, je t’offre impôt »… Attention ! Grand risque de gueule de bois

par Politic Angel
vendredi 26 mai 2017

Supprimer la taxe d’habitation pour 80% des français, au nom de la justice fiscale et de la hausse du pouvoir d’achat, Une intention louable exprimée par un pouvoir qui, pour une fois, a l’air de vouloir tenir ses promesses.

Une occasion, enfin, de se réjouir vraiment ?

Pas sûr, car l’argent manque, et le diable est dans les détails. Aux jeux de bonneteau inventés par Bercy des dernières années, c’est l’Etat, avant tout, qui est toujours gagnant. Et, à la question de savoir qui paiera le cadeau, les réponses pourraient bien nous promettre de belles gueules de bois.

Parmi les promesses de campagne du nouveau président de la République, plusieurs peuvent sembler sinon vraiment révolutionnaires, du moins vraiment innovantes : unification des régimes de retraite, suppression du régime social des indépendants (ce désastre de gestion, inefficace et malhonnête, qui a tué des entreprises et des entrepreneurs), droite à l’erreur pour les administrés et renversement de la charge de la preuve pesant désormais sur l’administration… De vrais travaux d’Hercule.

 

Mais il y aussi tout un volet fiscal, une spécialité pratiquée par M Macron à son entrée au service de F. Hollande, dès l’époque du matraquage du début du dernier quinquennat. Et là, du chaud et du froid.

Le froid, c’est l’augmentation prévue de la CSG. +1,7% sur le taux de CSG sur certaines cotisations. Un prélèvement estimé à 21 milliards d’euros de plus par les équipes d’En Marche. Pour, nous dit-on, compenser les baisses d’impôts sur le travail, et la taxe d’habitation.

Sur ce dernier sujet, la promesse semble merveilleuse : supprimer purement et simplement cet impôt pour 80% des Français, en pratique pour ceux dont le revenu est de moins de 20.000 euros annuel par part fiscale dans le foyer.

 

La taxe d’habitation, en 2015, représentait un montant de 10,5 Md€ pour les communes, et 4,8 Md€ supplémentaires via les groupements de communes. Elle représente 18% du revenu des communes, autant que la dotation globale de fonctionnement (un transfert de l’Etat vers les communes) et un peu moins que la taxe foncière (21% du revenu communal). Le nouveau gouvernement, en promettant de supprimer cet impôt pour 80% des Français, chiffre à 10 Md€ l’impact de la mesure pour les communes, soit les 2/3 du revenu total de cette taxe.

Or, on le voit, cet impôt est une source majeure de financement, dont la commune avait jusqu’ici l’entière maîtrise pour assurer son activité et son développement. En particulier, elle avait le pouvoir de l’augmenter si besoin, par exemple pour compenser les baisses de dotation globale de fonctionnement que l’Etat met en œuvre depuis quelques années. 

 

C’est donc une nouvelle partie de billard à trois bandes (l’Etat, la commune, le citoyen) qui s’ouvre, avec quelques effets vertueux ou pervers possibles :

Dans le cas de la taxe d’habitation, l’Etat pourra décider chaque année de l’augmentation éventuelle de l’enveloppe qu’il consacrera à ce transfert. Ce faisant, en poursuivant la réduction de la DGF (la cause première étant l’état de faillite de ses comptes) l’Etat augmentera certainement la pression financière que ressentent les communes depuis quelques années. Cela n’est pas forcément mauvais. Seule cette baisse de la DGF a fini par venir à bout de la croissance ininterrompue des dépenses de personnel des collectivités locales. Elles ont le cuir dur, il faut vraiment raréfier l’air en oxygène pour qu’elles ralentissent. Mais la faiblesse de ces approches est qu’elles punissent souvent plus les vertueux que les mauvais gestionnaires, qui ont plus de marges de manoeuvre. Alors, face au risque d’étouffement par inertie d’Etat, que pourraient faire les communes ? 

 

Alors, de grâce, mesdames messieurs les ministres, profitez de l’étalement du temps de mise en œuvre pour…. Oublier cette réforme étrange. Concentrez vous sur la baisse des dépenses. Soyez intelligent pour contraindre les collectivités locales elles aussi à le faire. Récompensez celles qui baisseront elles-mêmes les impôts locaux (nombreuses sont celles qui le pourraient, si elles pouvaient avoir une visibilité sur l’engagement futur de l’Etat). Ne mettez pas l’intelligence de nos fonctionnaires à élaborer une nouvelle usine à gaz, mais plutôt à simplifier avec une rège simple : « le moins de transferts et de péréquation possible ».

La moralisation de la vie publique c’est aussi cela : l’extermination des trappes à hypocrisie.

Ne m’offrez pas impôt, laissez moi de quoi boire moi-même quand j’ai soif.

 

 

F. Lainée

Fondateur des Politic Angels


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