Alors M. le Président, on planque le courrier ? La « Lettre » de la Commission européenne, budget de la France 2015. Grazie mille, Signor Renzi !
par Renaud Bouchard
vendredi 24 octobre 2014
« Un secret a toujours la forme d'une oreille »
Jean Cocteau, Le Rappel à l'ordre (1926)
Voilà donc que le président sortant de la Commission européenne, M.José Manuel Barroso, a vivement critiqué l'initiative italienne de publier une lettre émanant de ses services demandant des précisions à Rome sur son projet de budget 2015, lettre qui pointe une déviation importante en terme d'objectifs budgétaires.
Or, à quelques heures d'un sommet européen, il se trouve que l'Italie décide de publier jeudi la lettre du commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, aujourd'hui vice-président de la Commission européenne, M. Jyrki Katainen (Affaires économiques), relative au projet 2015 de budget italien.
En France ? Rien.
D'ailleurs a-t-on bien reçu quelque chose ? « Je n’ai reçu aucune lettre puisqu’aucune lettre n’a été envoyée », indique Michel Sapin, le ministre des Finances. Chacun sait en effet que les lettres qui n'arrivent pas sont souvent celles qui n'ont pas été postées, n'est-ce pas ?
Finalement,- voyons voir-, il semblerait que l'on ait bien reçu quelque chose, mais il s'agit en effet aux dires de M. F. Hollande lui-même d'une « lettre banale », dont la publication est sans intérêt car cette missive "n'a pas de grande signification au-delà de demander un certain nombre d'informations et de précisions", a assuré le chef de l'Etat à Bruxelles jeudi 22 octobre. Nul doute qu'ayant pris connaissance des propos de M. Hollande l'auteur de la lettre saura les apprécier.
« Nous répondrons à un certain nombre d'informations, mais vous savez quel est l'objectif de la France : que la croissance soit prioritaire, a cependant réagi M. Hollande à son arrivée au sommet européen à Bruxelles.Rien ne nous fera dévier de cet objectif. Cela vaut pour l'interprétation de notre propre budget, qui respectera les règles avec un maximum de flexibilité, mais aussi pour l'objectif de croissance », a encore ajouté M.Hollande.
C'est que le cas de la France est particulièrement sensible, chers Lecteurs. Le projet de budget français prévoit en effet un déficit à 4,3% du PIB en 2015, loin des 3% auxquels Paris s'était engagé. Même en terme structurel (sans les effets de la conjoncture), le compte n'y est pas, avec un effort de seulement 0,2%.
« La Commission européenne n'est donc pas favorable à la publication de la lettre italienne, car nous sommes en train de poursuivre des consultations informelles avec différents gouvernements. Nous pensons que c'est mieux d'avoir ce genre de consultations dans une ambiance de confiance », a déclaré M. Barroso, toujours égal à lui-même.
« Consultations informelles »,« Ambiance de confiance », mais comment donc !
Par delà l'enfumage, qu'y a-t-il dans cette lettre ? Une lettre déjà publiée par le Financial Times, est-il besoin de le préciser, - mais personne ne lit le FT en France -,
http://blogs.ft.com/brusselsblog/2014/10/23/its-renzi-vs-barroso-over-eus-budget-letter/
et dont voici le contenu :
http://www.mef.gov.it/documenti-allegati/2014/Letter_Padoan_final.pdf
« Je vous écris, demande son auteur à l'exécutif italien, pour vous demander les raisons qui ont conduit à ce que l'Italie prévoit de ne pas se conformer au Pacte de stabilité et de croissance en 2015. Je voudrais également savoir comment l'Italie pourrait respecter ses objectifs relatifs au Pacte de stabilité et de croissance en 2015 ».
La vérité est que la France, qui est au pied du mur, ne dispose pas d'un dirigeant qui aurait le front, la compétence et le courage de déclarer fermement que le jeu est terminé et que, face à la faillite d'un modèle européen de désendettement qui ne fonctionne pas, il faut passer à autre chose. En attendant, on « noie le poisson ».
Alors merci M .Renzi ! Il est temps de se doter de vrais dirigeants qui disent les choses et non de personnages faux, louvoyants, qui cachent ce que l'on devrait ne pas voir mais qui se voit quand même, finalement. Les bulles remontent toujours à la surface, M. le Président. On n'y peut rien, c'est comme ça.
Pas de transparence en France ? Voyez-vous, M. le Président, à la différence de vous, je suis pour la clarté, tout comme M. Renzi, les Italiens et les Français, et tous les autres citoyens européens.
Peut-être imaginez-vous, comme les dirigeants de la Commission et ce bon Vice-président de la Commission européenne, M. Jyrki Katainen, que les affaires européennes et les budgets nationaux ne nous concernent pas ? Funeste erreur !
Et quant au Parlement, à nos députés et sénateurs, que disent-ils ? Encore en retard d'un train ? Ils ne lisent pas les journaux , ne sont pas au courant, ne veulent pas être au courant, ont reçu instruction de ne pas être au courant, de se taire ? Mais si j'étais Député, avec justement l'obligation impérieuse de m'intéresser au budget de la France, je serais très mécontent, soyez-en persuadé.
Mais comme le déclare M. Renzi, - prenez-en note, M. le Président -,le temps des lettres secrètes est terminé ! Ses propos sont très clairs :
« E sulla pubblicazione della lettera riservata ha affermato : « Sono stupito che Barroso si sia sorpreso. La notizia della lettera era stata anticipata qui dal Financial Times, credo che sia il momento della open transparency più totale. Credo che sia finito in questo palazzo il tempo delle lettere segrete. È soltanto l’inizio, non è un problema di Barroso, che tra pochi giorni non sarà presidente della Commissione Ue, ma a Juncker chiederemo che ogni dato sensibile della Commissione sia pubblicato, com’è giusto che sia, per fare capire le cose ai cittadini. Pubblicheremo non solo la lettera ma tutti i dati, quanto si spende in questi palazzi... », ha concluso. »
Car au fond, ce qui fâche la Commission, c'est que M. Renzi n'a rien à faire d'une Commission qui entend régenter de manière comminatoire et méprisante les finances de l'Italie. Un budget excessif ? Des précisions sur le budget italien ? Parfait ! Nous allons aussi publier quelques précisions sur les dépenses dans les palais européens, a-t-il répliqué avec raison.
Prenez connaissance, Chers Lecteurs, des réactions de MM.Barroso et Renzi , ce qui vous permettra au passage de pointer l'existence, à la différence de la France, d'un véritable journalisme dont peut se féliciter le Corriere della Sera, lequel, à la différence de la servilité journalistique française en la matière, n'a pas peur de rendre compte des faits, en détail.
Quant à vous, M. le Président, ayez je vous prie la bonté et l'intelligence de cesser de prendre les Français, vos concitoyens, pour des imbéciles. Vous aller réussir à les énerver.
Sources :
http://www.romandie.com/news/Budget-2015-le-ton-monte-entre-Bruxelles-et-Rome/530278.rom