Appel à témoin : avez-vous des renseignements sur une « élégante femme népalaise en sari rose » ?

par Krokodilo
mercredi 19 août 2009

Elle semble avoir été vue par de très nombreux journalistes au congrès annuel d’espéranto, à Białystok, sans qu’aucun ne puisse l’identifier ni l’interviewer.


Cela s’est passé dans un couloir mal éclairé d’une salle d’exposition. Selon les témoins, elle aurait même échangé un joyeux « Saluton ! » avec un mystérieux « Allemand de haute taille », ce qui est déjà suspect, vous en conviendrez. Les indices matériels ont été masqués par les mégots, canettes, papiers gras et autres résidus humains de tout congrès.
 
L’affaire prend dès le départ un tour des plus étranges, car sur la photo qui illustre la plupart des articles, on ne voit aucun sari rose, même à l’aide d’une loupe !

On s’étonne du peu d’informations disponibles si on considère le nombre de compte-rendus de la scène qu’on a pu lire dans les médias :

Selon Yahoo et la dépêche de l’AFP :
« Białystok, Pologne (AFP) - Une élégante femme népalaise en sari rose et un Allemand de haute taille échangent un joyeux "saluton !" avant de se lancer dans une discussion animée en esperanto, une langue créée de toutes pièces pour favoriser l’entente entre les peuples. »

« Une élégante femme népalaise en sari rose et un Allemand de haute taille échangent un joyeux "saluton !" »
RTL-Info

« Une élégante femme népalaise en sari rose et un Allemand de haute taille échangent un joyeux "saluton !" avant de se lancer dans une discussion animée en espéranto, une langue créée de toutes pièces pour favoriser l’entente entre les peuples. »
(TV5 monde)

Le Parisien. L’envoyé spécial de l’Est-éclair, plus proche géographiquement de la Pologne, a lui aussi entendu le même mystérieux mot code « Saluton ! »


Libération Champagne (sobre) :
"Une élégante femme népalaise en sari rose"... etc.

Le Point, , Aujourd’hui.fr, France 123news, Actu.voilà, RTL-info, Actualité en ligne, tous sont unanimes sur la présence d‘une mystérieuse femme en sari rose au congrès de Białystok !
 
Comment cette brève rencontre a-t-elle attiré l’attention de toute la presse ? Faut-il y voir un rebondissement de la polémique sur le voile islamique, ce qu’on pourrait appeler l’affaire du sari hindou ?

Ou suspecte-t-on un gang de voleurs à la tire qui utiliserait des complices vêtues de sari pour cacher leur butin, écumant les foires internationales comme celle de l’espéranto ?

Ou peut-être sommes-nous à l’aube d’une affaire d’espionnage : la femme au sari et l’Allemand de haute taille sont-ils de dangereux espions ayant furtivement échangé des informations sur l’Union européenne en se mêlant à la foule ?

La coopération internationale n’est pas un vain mot dans « les services », car l’info a circulé aussi vite qu’elle le méritait, on en parlait jusqu’en Angola .

Et jusqu’en Chine l’on s’interroge sur ce qui est en train de devenir l’affaire du sari de Bialystok :
 
« The elegant Nepali woman, clad in a pink sari, beamed as the tall German man strolled by. They both called out a greeting : "Saluton !" »
China Daily

Mais peut-être nous sommes-nous emballés un peu vite... Ce journal anglophone chinois semble délaisser la piste de l’espionnage pour replacer cette rencontre dans le cadre de la communication internationale :

« "You have a lot of strong-minded people who’ve taken it from being a completely made-up language through to, 120 years later, hundreds of thousands of people speaking it," he said. "I can’t see a way for it to become the international language because English has filled that role already. But does it have a future as a language, a culture and an internationalist entity ? Yes it does !" »

Le Point aussi doute de la piste romanesque comme de l’affaire policière, pour privilégier l’espéranto, langue de communication internationale :

« Son importance est dans le contact avec les gens", estime la Népalaise Indu Devi Thapaliya (45 ans). C’est un Polonais qui a commencé à lui enseigner l’espéranto en 1990 dans la capitale népalaise Katmandou. »
 
« François Randin, 58 ans, qui vient de Suisse, un pays connu pour les malentendus entre germanophones, francophones et italophones, raconte qu’il est tombé amoureux de l’esperanto il y a 15 ans. (...)
Il se rappelle un voyage effectué à travers la Chine grâce à des contacts espérantistes. Avec l’anglais, "on restait dans les bases du petit-déjeuner... du café et du lait...sans aller au-delà ! Avec l’espéranto, je parle avec les Chinois comme je parle avec vous, je peux aller jusqu’à philosopher", dit-il. »

Peut-être les services spéciaux ont-ils malgré tout discrètement surveillé la rencontre annuelle de l’espéranto, cette langue facile qui permet aux citoyens du monde entier de communiquer – un peu trop bien et un peu trop facilement au gré des gouvernements... La mondialisation, oui, pour les "traders", le pétrole et les produits manufacturés chinois, mais pas pour la communication, l’information ou le débat citoyen - trop révolutionnaire...

Cette rencontre entre une femme en sari et un Allemand de haute taille n’était finalement qu’une discussion en espéranto entre citoyens du monde, comme il y en eut des milliers durant le congrès de Białystok, mais les journalistes y ont vu malice, qui n’ont d’autre expérience de la communication internationale qu’en anglais d’aéroport.
 
Mais L’AFP et BFM-TV ont sauvé l’honneur du journalisme en "retrouvant" et en interviewant cette mystérieuse femme au sari rose, dont l’entretien est toujours visible sur YouTube grâce au travail des espérantistes.
 
Décidément, rien de tel qu’une présence féminine pour animer un évènement – ou un article !

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