Après l’enfumage H1N1, un volcan enfume le ciel, les médias et suscite la panique dans les transports
par Bernard Dugué
lundi 19 avril 2010
Avez-vous compris ce qui s’est passé ? Moi pas. Depuis quelques jours, les aéroports ne cessent de fermer. La peur du nuage islandais s’est propagée depuis la Scandinavie jusqu’au Sud de l’Europe. En cause, une éruption volcanique qui rejette des tonnes de cendres dans l’atmosphère et des mesures prises par les autorités aériennes. J’avoue avoir pris cette information en dilettante, n’étant nullement concerné par l’annulation des vols et mes proches non plus. Mais en citoyen curieux et vigilant, j’ai ressentis le doute s’installer et peu à peu, je me suis demandé si comme pour la grippe H1N1, les autorités n’en faisaient pas un peu trop. Car après tout, qui peut affirmer que le danger est réel ? Les cendres, quand ça vole sur des millions de kilomètres carrés, ça se disperse, non ?
Je me souviens de la grippe, sujet que j’ai suivi avec attention. Dans le principe, tout était possible. On nous annonçait des millions de morts. En théorie, un virus peut se révéler hautement mortel. Et c’est arrivé en 1918. En théorie, un virus grippal peut très bien muter, se réassortir avec la grippe aviaire H5N1, et devenir contagieux avec un taux de mortalité de 50%. Tout est possible. Y compris un astéroïde venant percuter la terre ou même un virus hybride issu de la grippe et du virus Ebola. Néanmoins, en dépit de la pandémie de peur grippale, la réalité fut largement accessible. On a su très tôt que le virus H1N1 de 2009 était peu contagieux et peu mortel. Mais les autorités ont voulu croire au pire et on connaît la suite.
N’assiste-t-on pas à un enchaînement du même ordre avec ce nuage de cendre ? En théorie, la cendre peut pénétrer dans les réacteurs et fondre au point d’altérer leur fonctionnement, au risque d’arrêter tous les moteurs d’un avion. On imagine le résultat. Ce type de situation est déjà arrivé mais dans un cas précis. C’était en 1982 en Indonésie, lorsqu’un avion de la British Airway avait traversé un nuage de cendres, effectuant un décrochage de plusieurs milliers de mètres avant de pouvoir redémarrer ses réacteurs en basse altitude dans une nappe d’air non polluée. Un événement du même ordre s’est produit en 1987 lorsqu’un boeing 747 de la compagnie KLM avait perdu 4000 mètres en traversant un nuage de cendres au dessus de l’Alaska. On peut comprendre qu’un réacteur soit endommagé en passant au-dessus d’un volcan mais de là à imaginer qu’un territoire aussi vaste que l’Europe soit devenu impraticable à cause d’un seul volcan, il y a un pas à franchir. Un pas que seul, ce satané principe de précaution et cette rigidité des autorités de sûreté peut franchir. Certes, des chasseurs finlandais F-18 ont eu quelques dommages après une mission le 15 avril, jour même où les pays scandinaves ont décidé de fermer les aéroports. Mais que sait-on de des dommages et du vol effectué par ces chasseurs ? Juste quelques images. Qui semble-t-il, jouent le même rôle que celles diffusées depuis Mexico avec ces cas de grippe et ces écoles fermées.
Nous voilà donc avec un cas de figure strictement similaire à celui de la grippe H1N1. Une panique, des précautions paraissant légitimes mais très vite, le doute. Et s’il n’y avait aucun danger, excepté pour un avion passant au-dessus de l’Islande ? Des compagnies aériennes ont d’ores et déjà décidé de faire voler des avions sans passagers, pour les rapatrier sur leur base. Il n’y aurait eu aucun problème. Pendant ce temps, des pilotes au long cours commencent à pester et demander que soient effectuées des tests, des mesures. En Allemagne, aucun ballon n’a été envoyé pour étudier la concentration en cendres dans l’atmosphère censée être traversée par les avions de ligne. La polémique gronde, comme pour la grippe. Et une fois de plus, on s’interroge sur un abus dans l’usage du principe de précaution dont le mode opératoire repose sur un déficit de données portant sur un danger, un déficit qui ne peut être comblé, alors que s’agissant de ces cendres, le doute pourrait être rapidement levé si les observations adéquates étaient effectuées. Décidément, nous vivons dans une drôle d’époque. 150 millions d’euros perdus chaque jour à cause des transports. Un détail. Tant que ça ne dure pas un mois, l’addition sera inférieure au gaspillage consécutif à l’achat de vaccins antigrippaux.
Après la décennie 2000, la décennie 2010 est bien partie pour devenir la seconde décennie de la peur.