Après la dette abyssale, une électricité précaire et hors de prix
par PELLEN
samedi 8 octobre 2011
Non content d’avoir causé la ruine de nos finances publiques, le même clientélisme politicien sans scrupule ourdit en ce moment le sabotage du système électrique français.
On voit, aujourd’hui, où nous ont menés plusieurs décennies de veulerie, de démagogie et d’idéologie politiques. Dans un aveuglement clientéliste et/ou prosélyte sans borne, année après année, l’ignorance l’a disputé au mensonge pour aggraver le fourvoiement réel ou simulé des Français dans l’idée que leur système socio économique peut indéfiniment vivre à crédit et emprunter toujours plus. L’heure implacable et pourtant prévisible des comptes a fini par sonner pour chaque citoyen et, pour chaque citoyen, la note promet maintenant d’être douloureuse.
Or, le même schéma, exactement, se dessine en ce moment pour l’énergie avec, à peu de choses près, les mêmes idéologues méprisant les spécialistes de toute discipline alertant leurs concitoyens sur la nature suicidaire des professions de foi qui insultent la physique, la rationalité scientifique ou le simple bon sens. À croire que ces idéologues sont parvenus à imprégner la classe politico médiatique du culte de l’invraisemblance et du rêve éveillé.
Sauf que, en la matière, l’agence de notation veillant à la régularité du pouls énergétique de la planète, l’Agence Internationale de l’Énergie, a cette fois décidé de prendre les devants. Elle vient, en effet, de mettre en demeure les pays qui se targuent d’abandonner le nucléaire de lui faire parvenir le plan précis de la substitution de nouveaux moyens de production électrique à leurs centrales nucléaires, calendriers et bilans chiffrés à l’appui. La presse s’est largement fait écho de cet événement, dont on trouvera quelques extraits ci-après.
Il est tellement facile à nos rhéteurs politiciens de vendre peurs et espoirs millénaristes et de faire croire que les lois du monde physique peuvent toujours être asservies aux desideratas du prophète, dans les termes et dans les délais qu’il prescrit. Mais la réalité technologique, technique, industrielle et économique va rapidement se charger de montrer aux nouveaux démiurges, ennemis de la règle de trois, que, lorsqu’on veut plier un système électrique aussi complexe que le nôtre aux injonctions du dogme, il y a très loin de la coupe aux lèvres. À chaque instant, la stabilité d’un tel système se libelle en « facteur de puissance », en « capacité de fourniture ou d’absorption d’énergie réactive », en « capacité de participation aux réglages de fréquence-puissance, primaire, secondaire et tertiaire » (1). Lorsqu’on prétend reconcevoir de toutes pièces un parc de production aussi lourd que le parc français, ce sont là, sinon les seules considérations à prendre en compte, au moins les considérations prioritaires… Et quand bien même : in fine, il faudra bien présenter aux Français une ardoise non falsifiée de ce fabuleux objet énergétique dont personne, pour l’instant, n’a observé nulle part les prouesses !
Libre à vous, chers concitoyens, de croire les bateleurs de kermesse politique ou de patronage écologisant, plutôt que les vrais professionnels ; de ne tenir aucun compte que ces derniers, aux prises quotidiennes avec la conduite ingrate du système qui fait tourner notre économie et assurent sans défaillance notre confort, 24 heures sur 24, sont réputés en connaître mieux que quiconque les limites et les exigences. Mais dites-vous bien que, demain, grossir la foule des « indignés » sur la place publique n’aura pas plus d’effet sur la multiplication des délestages tournants qu’aujourd’hui sur les conséquences sociales de l’austérité économique. Dites-vous bien également que pallier un démembrement aussi irresponsable de notre outil électro énergétique prendra infiniment plus de temps que le rétablissement de notre économie malade, quelle que soit la gravité de sa pathologie.
D’ailleurs, dès cet hiver, les Allemands pourraient bien nous donner un avant-goût de ces délestages tournants qui ont fait les délices de la France occupée, ultime parade au blackout généralisé. Mais je n’ai guère d’inquiétude pour la machine industrielle de nos voisins donneurs de leçons : depuis longtemps déjà, l’hypocrisie autrichienne a largement fait ses preuves, qui repeint en vert de considérables importations d’électricité nucléaire…
(1) – Pourquoi les productions éolienne et photovoltaïque ne dispenseront sans doute jamais RTE de recourir aux productions thermiques d’électricité, Fuel, Gaz, Charbon et nucléaire.
L’électronique - notamment l’électronique de puissance - est aujourd’hui en mesure de conférer à n’importe quel objet technologique des aptitudes de régulation très performantes. Les réglages fréquence-puissance et tension des éoliennes modernes – de type synchrone – n’échappent pas à cette tendance. Toutefois, de telles aptitudes ne sauraient obtenir que les aérogénérateurs produisent imperturbablement une énergie électrique stable à partir d’une énergie primaire mécanique, non maîtrisée. Il en va rigoureusement de même de la production photovoltaïque. C’est la raison pour laquelle ces instruments ne peuvent être considérés comme des moyens électro générateurs autonomes.
De surcroît, l’obligation de les secourir par des moyens traditionnels s’impose d’autant plus qu’ils débitent sur un réseau électrique dit en antenne ou séparé ; ce que sont en grande partie les réseaux électriques allemand et danois, pour cette raison, très dépendants de la production thermique fossile. Tel n’est pas le cas de la France, dont le réseau national bouclé présente un caractère homogène et un grand confort d’exploitation… mais à condition toutefois de disposer des outils de production idoines.
Ce réseau s’exploite de façon centralisée - bien que déclinée au niveau régional - en une entité unique, raccordée à des systèmes extérieurs avec lesquels elle échange de l’énergie. Une telle configuration explique que le pilotage fréquence-puissance, sûr et au moindre coût, du système « production-consommation » français se ramène à disposer globalement et en permanence de réserves de puissance primaires, secondaires et tertiaires. Ces réserves se doivent d’être mobilisables, à discrétion et sans défaillance, avec des temps de réponse allant de quelques secondes, pour le primaire, à un quart d’heure pour le tertiaire. Or, les énergies éolienne et photovoltaïque, par définition aléatoires, ne permettent pas d’agréger à tout moment de telles réserves. Ceci explique que RTE, le gestionnaire du réseau de transport, exclue les aérogénérateurs et les panneaux photovoltaïques des moyens de production de pointe et de semi pointe, garantissant ces réserves. Ce n’est pas par hasard que les énergies du vent et du soleil sont qualifiées de fatales par le gestionnaire du réseau français.
La problématique de contrôle de ce réseau s’exprime à peu près dans les mêmes termes pour le réglage de la tension. À l’instar du réglage fréquence-puissance, le réglage de la tension générée par les groupes de production traditionnels (fossiles, hydrauliques et nucléaires) comporte les niveaux de réglage primaire, secondaire et tertiaire. Les niveaux secondaires et tertiaires sont téléréglés depuis une commande centralisée. Ils viennent corriger le point de consigne « tension » local de la boucle primaire, en fonction de paramètres de réseau quelquefois très éloignés du groupe de production concerné.
Ce point de consigne est également corrigé par trois autres boucles de régulation - la boucle puissance électrique, la boucle vitesse et la boucle puissance mécanique - destinées à contrer les transitoires rapides du réseau. Au bout du compte, l’action de réglage finale, imposée à une machine donnée, peut parfois paraître contradictoire avec les paramètres locaux de production. Le caractère erratique des énergies éolienne et photovoltaïque est manifestement incompatible avec une maîtrise aussi élaborée de la tension du réseau national, tenue à une totale garantie de résultats. Tout au plus, tolère-t-on à ces énergies une timide participation à des plans de tension rigides et localisés.
Lucides sur les aptitudes de l’éolien et du photovoltaïque à participer significativement à la stabilité globale de notre système électrique, RTE et EDF n’ont d’autre choix technique que les cantonner dans les moyens nationaux de production de base, où ils entrent directement en concurrence avec la production nucléaire. Mais, ce qu’il convient de préciser, avant tout, c’est que les spécialistes du monde entier sont unanimes à reconnaître qu’un système « production-consommation » devient incontrôlable lorsque sa production éolienne dépasse 30 % du total en service ; ceci en l’absence d’un procédé de stockage de l’énergie électrique, dont le concept et la taille restent largement du domaine de l’utopie. Aussi, affirmer que, à une échéance raisonnable, le parc de production français pourrait être aux 3/4 constitué d’outils de production dits renouvelables est un mensonge caractérisé.