Après la Trierweiler, réhabilitons la pudeur

par hommelibre
samedi 6 septembre 2014

Dans le déballage public qui a cours en France, conséquence du psychodrame personnel de la Trierweiler, un acteur savoure en arrière-plan la chienlit française. Il s’agit de l’éditeur Arènes et de son comité de lecture. C’est une internaute qui le faisait remarquer sous mon article d’hier.

Le cynisme triomphant

« Les personnes qui ont contribué à la publication du livre me font penser à ceux qui montraient des femmes à barbe ou autres personnes spectaculaires dans le cirques ambulants autrefois. Nous considérons ces pratiques comme indignes, mais il se trouve des gens pour acheter ce récit d'une hystérie contemporaine. »

Ces protagonistes d’arrière-plan sont parties prenantes dans le déballage impudique auquel on assiste. Editeur et comité de lecture ont entouré la Trierweiler, l’ont soutenue à se jeter dans l’arène. Eux-mêmes n’y prennent aucun coup. Ils regardent de loin cette femme prise dans le bocal de sa furie, ils regardent François Hollande ouvrir et fermer sa bouche comme un poisson rouge, lunettes embuées, et sourient à ce spectacle tout en consultant le chiffre de ventes.

Le cynisme est total.

La liberté est la liberté. Cela reste fondamental. L’éditeur est libre d’éditer ce qu’il veut. La loi n’interdit formellement que les ouvrages racistes ou d’incitation à la haine. Elle limite aussi la possibilité de divulguer les vies privée d’autrui. Mais ici il aurait fallu intervenir plus tôt pour interdire le livre, ou déposer plainte. Ce que Sarkozy aurait fait mais qu’Hollande ne fera pas. Il reste sans vouloir ni pouvoir dire grand chose. Une forme de pudeur peut-être ? On ne peut lui attribuer que des bêtises et de l’impuissance !

 

Nouveau sondage désastreux

La vague retombera, noyant possiblement la poissonnière avec le poisson. L’épisode laissera cependant des traces profondes. Un premier effet est le sondage paru aujourd’hui réalisé par l’Ifop pour le Figaro : Marine Le Pen battrait François Hollande au deuxième tour en 2017. Cela en dit long. « François Hollande se promettait d'apaiser la France, il l'a mise en ébullition. Quand le peuple a l'impression d'avoir été berné, il se venge. Et se jette donc dans les bras de Marine Le Pen », analyse Paul-Henri du Limbert dans l'éditorial du quotidien conservateur. »

La transgression sur la vie privée est d’une rare violence. Violent, le comportement de la dame. Violente, la chute du monsieur, dont les mauvais choix et les manières peu élégantes l’emportent avec le tsunami. Sans le considérer en victime - après tout il n’avait pas le pistolet sur la tempe - je me demande ce qu’il a subi et comment il a pu supporter cette gorgone. Peut-être par opportunisme. Elle, femme visiblement ambitieuse, l’a possiblement poussé vers le sommet. Elle avait un grand média derrière elle et ne serait pas concurrente à la présidence. Au vu du caractère de la dame, était-ce prévisible ? De ce que l’on voit d’elle, de ses tweets, il ressort une personnalité et un comportement ancrés. Elle a le droit et l’intime liberté de se comporter comme elle l’entend. Mais on a aussi le droit de se poser des questions. Lui, s'il était sous le charme, n'a peut-être rien vu. C'est plus facile quand on n'est pas concerné.

Par ce livre une forme de violence, qui restait jusque là dans la sphère privée, est maintenant légitimée dans la sphère publique. Le mélange est total et tout n’est plus que spectacle. Un spectacle qui détourne des problèmes du pays, un spectacle de rue où l’on est sur le cul devant tant d’audace et d’impudeur.

 

Liberté et responsabilité

Je suis et reste profondément attaché à la liberté individuelle. Mais je pense que l’on devrait réhabiliter la pudeur, dans le comportement. Il y a des domaines qui ne doivent pas être jetés en pâture. On peut parler publiquement de soi, de questions même intimes, si cela sert objectivement un débat de société, et si des précautions sont prises - comme de poser une limite à l’exposition personnelle. Jetons loin les Ardisson et autres animateurs télé narcissiques qui demandent à leurs interviewées si elles sucent.

On ne doit pas étaler sa vie privée - et encore moins celle de l’autre - dans la rue. Ni aux médias. Ni aux amis. 5 minutes de célébrités font des ravages. Il n’y a plus nulle part de protection. La confidence devrait être réservée aux rares amis très proches. A moins de rester dans une vague généralité ne causant aucun tort à celui ou celle dont on parle. Souvent ces confidences révèlent une communication ratée dans le couple. Je ne veux pas accentuer cela.

Si la Trierweiler se revendique du féminisme, et donc de la prise de parole de la femme(si les femmes étaient vraiment silencieuses, ce que je ne crois pas), alors je pense que l’éducation ancienne des garçons à garder leurs émotions pour eux était une bonne chose, et que l’on devrait penser à y revenir. Les hommes font bien de prendre sur eux. Ils ne devraient pas non plus tendre une oreille trop complaisante à certaines femmes quand elles sont déçues. C’est certes une manière de draguer (« enfin un qui m’écoute ! »)mais les femmes devraient savoir que ce voyeurisme masculin n’est pas du respect, contrairement aux apparences. Certaines femmes promptes à exposer leur désappointement devraient réfléchir avant de parler à des amis ou amies dont la fiabilité et l’ouverture de coeur n’a pas été vérifiée. Si l'on est sonné par la violence de l'étalage actuel en France, réhabilitons la pudeur.

Réhabilitons la pudeur, par respect de nous-mêmes et par respect de ceux et celles dont nous partageons la vie.

 

 

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