2022. Arnaud Montebourg, un candidat à prendre au sérieux

par Octave Lebel
vendredi 1er octobre 2021

Ne gâchons pas notre plaisir. Ici, l’air est vif et l’ambiance tonique. On ne parle pas pour ne rien dire.

Loin des miasmes habituels desquels certains espèrent tirer un succès à monnayer, des dividendes à faire fructifier. Peut-être un dernier tir de fusée avant l’obsolescence de ceux qui se consument à trop vouloir jouer un rôle qui les dépasse. Espérant pouvoir entraîner suffisamment d’entre nous dans leurs errances le temps d’un tour pour obtenir quelques voix à livrer pour la sauvegarde du tandem maintenant devenu tragique et bancal, droite-extrême droite. Droites qui savent ce qu’elles veulent préserver mais plus comment jouer la comédie. Loin aussi du tour du marché avec un panier à promotions. Ici c’est la république qui n’a pas honte d’elle-même, qui n’éprouve pas le besoin de dissoudre ses principes et la mémoire de son histoire pour exister dans l’Europe, de négocier à l’intérieur du pays sans fin ses fondements avec ceux qui à l’intérieur confondent ou font mine de confondre citoyenneté avec identité. La république qui parle dans le cœur de la plupart d’entre nous et qui balbutie trop souvent dans la bouche de nos représentants.

Rééquilibrer la part du travail dans la redistribution de la richesse produite, protéger nos capacités de production stratégiques, nos services publics au fondement de nos choix républicains et du dynamisme et de l’unité de notre société comme l’Education Nationale, la Santé, la Recherche, la Sécurité Sociale, le système de retraite. Imposer une politique transpartisane à propos de la laïcité et de l’islam politique afin de mettre chacun devant ses responsabilités (enfin).Réfonder nos institutions. Réaffirmer notre souveraineté nationale afin de défendre nos intérêts dilués dans une réduction à 1/27 sous la subordination d’une Commission non élue. Reconstruire une politique industrielle. Etre dans l’Europe un levier pour la mise en œuvre d’une autonomie politique et stratégique. Retrait du commandement intégré de l’OTAN. Support de la dette par la BCE et non pas gérée par les marchés financiers qui l’ont suscitée pour l’essentiel en escomptant bien récupérer des intérêts sur les déséquilibres créés en nous faisant les poches tout en affaiblissant la dynamique des économies.

Arnaud Montebourg est un homme politique intelligent, travailleur, courageux. Il pose les bonnes questions, apporte de bonnes analyses et solutions. Il a visiblement réfléchi et travaillé à sa candidature depuis un moment déjà en s’entourant de compétences avérées. Il porte des convictions et s’explique clairement ce qui le rend convaincant. Il a du métier. Il a l’expérience de l’exercice du pouvoir et des responsabilités. Ce n’est pas le cas de tout le monde et cela signifie évidemment quelque chose concernant l’authenticité de cette pluralité de candidatures à gauche. Si elles arrivent à donner le change, elles disperseront les voix pour comme la dernière fois nous offrir le duel entre la bonne et la méchante droite. Aucun candidat ne peut prétendre ignorer ce mécanisme qui est devenu un véritable leurre démocratique. Le torpillage du rassemblement d’une gauche authentique à reconstruire sera appelé par tous les tartuffes du pays au deuxième tour le rassemblement républicain. Les sauveurs indispensables du 1er tour commenceront à monnayer leurs ralliements, le plus souvent dans l’ombre sur des détails dont ils ont oublié de nous parler.

Le résultat n’est pas acquis d’avance mais on ne peut pas dire que dans cette histoire le RN et maintenant le substitut de remplacement qui prend la roue, bien servis par la mise en lumière des médias et les thématiques qu’ils font flamber manquent de savoir-faire et d’habileté. Espérant déclencher ainsi à la fois une part d’abstention significative (par écœurement et sentiment d’impuissance) au détriment de leurs adversaires et en même temps se garantir un ticket de passage en finale.

Les candidatures multiples déclarées maintenant quand un rassemblement de gauche authentique qu’elles ont écarté ne pouvait se faire que bien en amont sont dans la logique de ceux qui souhaitent contribuer aux grands choix assumés par les droites et leurs nuances. Ces personnes seraient beaucoup plus respectables si elles s’affichaient en tant que telles. Le citoyen et l’électeur seraient aussi beaucoup plus respectés. Et bien sûr aussi l’esprit et la fonction des institutions politiques dans une démocratie dont on se demande où tout cela est passé en ce début de siècle. En nous souvenant que nous parlons de l’élection centrale de notre pays par laquelle nous donnons un pouvoir à une personne tel que n’en possède aucun des responsables d’exécutif dans l’UE. Avec la mémoire aussi ce qu’il s’est passé ici depuis 30 ans. De ce que sont devenues les places réciproques de la France et l’Allemagne dans l’UE.

Cela fait 3 fois que cette opération réussit entraînant une espèce de prise de pouvoir par délégation sur les stratégies et les esprits de nos dirigeants par le RN. Chacun se souvient de l’épisode JMLP en 2002.Qui une fois les choses pliées bien sûr l’a même théorisé après l’élection de Chirac en disant que la fonction de son mouvement n’est pas de gérer le pouvoir ni les affaires mais de faire avancer quelques idées. Et cela a marché. Le RN fidèle et constant a continué de jouer son rôle de sparring partner et inspirateur pour la droite. Sarkozy en a fait la démonstration habilement en reprenant thématiques et postures à son nom sans réussir le doublet.

Nous n’avons pas rêvé. Plonger dans la corbeille à fruits de l’extrême droite, reprendre ses mimiques et ses refrains, c’est bien ce qu’il a fait. Un peu brouillon c’est vrai. Il a joué les Indiana Jones avec un karcher et puis une fois élu a du ajusté ses comptes de fin d’année (Il fallait bien trouver de l’argent pour la remise d’impôt à la famille des sponsors) en supprimant 11000 postes de policiers entre autres, des lits à l’hôpital avec ses ministres, des postes de fonctionnaires un peu partout, en faisant travailler plus les salariés au même tarif, en pensant que d’ici le prochain service et la nouvelle carte nous aurions oublié et que de toute façon au pire les valeureux combattants habituels s’empareraient de l’actualité pour recommencer la grande danse du scalp. Il n’a pas oublié de nous donner des leçons d’histoire lui aussi, déjà. Si vous êtes curieux allez voir la liste des gouvernements de l’époque et des députés qui ont soutenu la majorité et ce qu’ils ont voté. Beaucoup ont de nouvelles propositions à nous faire aujourd’hui.

Cela ne marche cependant pas à tous les coups parce que nous tirons des leçons au fur et à mesure. Et il a fallu un grand prestidigitateur et un grand parti pour nous séduire ensuite, pas assez attentifs aux coulisses et trop confiants que nous étions. Résultats le grand parti en miettes et une hypothèque durable sur le mot de gauche. Exit Hollande. Pourtant MLP nous avait prévenus par une feinte qui aurait du faire son chemin : UMPS. Du coup, à la partie suivante, la vieille droite, comme soulagée et décomplexée de sa culpabilité d’avoir abandonné son ADN républicain et souverain, sûre d’elle, se mit à faire de la surenchère à propos des attentes de sa nouvelle idole l’UE à laquelle elle avait sacrifié d’après certains de ses leaders historiques son honneur et notre avenir. Ouvrant sans le savoir la voie à un leader soutenu par de très puissants sponsors qui se tenaient à l’affût.Venu nous jouer la carte du renouveau.

Concours fratricide d’égos, de générations, d’ambitions, de clans pour savoir qui supprimerait le plus de fonctionnaires, qui enfoncerait le mieux ce qui subsistait des services publics, qui ferait payer le plus à ceux qui ne faisaient pas parti des 10 à 15 % les plus riches. Dans l’intérêt du pays bien sûr. De son redressement même. Et cela de la part de dirigeants censés avoir une longue expérience de la conduite des affaires publiques. Qu’à cela ne tienne. Beaucoup de ces responsables, députés, ministres, soutiens fidèles des politiques menées à travers les différents mandats sont toujours là. Directement aux affaires ou dans un purgatoire inconfortable entre le soutien et ce qu’il faut de différence pour justifier une candidature à leur compte et pressés de nous détailler ce qui ne va pas et combien ils nous sont indispensables pour y remédier.

Heureusement servi par le quasi contrôle des médias réalisé en quelques années sans grande résistance par une poignée de leaders, à la fois équipiers et rivaux au CAC 40, qui tiennent maintenant en respect la carrière des journalistes, grâce aussi à l’habileté et le savoir faire de nos élites de la haute fonction publique placés aux postes stratégiques du pouvoir, passant tour à tour du privé au public, frayant de très près avec les élites de la presse, nous avons eu cette fois-ci ici un hybride de la haute fonction publique et de la finance surgi pour tenter de finaliser l’opération mise à jour du pays en mode UE qui avait pris du retard. Déguisé en prêcheur et bon samaritain mais n’hésitant pas à manier le fouet. Comme prévu il a attiré des ambitieux de tous bords prêts à servir un nouvel évangile qui s’écrit et se gomme au gré des courants d’air et des bourrasques sans jamais perdre de vue la bible unioniste européenne. Ecrite et en perfectionnement au Conseil Européen où nous comptons pour 1/27, le lieu du pouvoir législatif sous la tutelle de la Commission qui détient le pouvoir exécutif, le parlement n’ayant pas d’initiative législative. Plus de 60% de nos lois découlent de ce pouvoir. Beaucoup ne le savent pas. C’est un peu voulu, nous avons voté contre en 2005. Ces aventuriers n’avaient pas prévu que la majorité de la population renâclerait une fois de plus. 62% du corps électoral n’a pas voulu apporter de caution à l’Assemblée Nationale.

Un nouveau sparring-partner entraîné grâce à la logistique de Bolloré s’apprête à varier le spectacle parce qu’à force la partie indispensable de la clientèle commune droite et extrême droite, les plus modestes de nos concitoyens, commence à se rendre compte qu’elle sert la soupe pour que les élites qui profitent d’une combine électorale continuent de manger truffes et caviar. Zemmour a trouvé une bonne martingale qu’il travaille depuis des années. Pas vraiment neuve mais bien excitante, dramatisée aux couleurs de l’histoire de France, citations savantes (hors contexte) à l’appui (qui ira vérifier la pertinence, si Eric le dit, c’est que c’est vrai), grands complots et grands méchants qui endossent la responsabilité de tout ce qui ne va pas. Guerre de religions. Classique mais efficace. C’est simple et clair et donc les solutions sont simples et claires. Qu’est-ce qu’on attend ? De la bonne propagande qui a fait ses preuves. Les mensonges courent plus vite que la vérité. Pour une campagne électorale avec les médias aux cuivres, c’est parfait.

Avec le risque inquiétant pourtant que ceux qui suivent, qui ont suivi jusqu’ici, se rendent compte que les grandes promesses de campagne n’ont pas été tenues 4 fois de suite (dont une sous couleur PS), que le partage des richesses se fait toujours à l’avantage des fortunes du CAC 40 et leurs obligés, et qu’eux se trouvent toujours en première ligne pour les additions à payer, que les problèmes de sécurité au-delà de mesures médiatiques ne sont jamais traités en profondeur, que dès l’élection terminée, après des mesures symboliques et de grandes déclarations, les projecteurs se détournent de toutes les outrances autour de l’islam comme si le feu s’éteignait en absence de lumière. Jusqu’à la prochaine difficulté ou élection.

Et cette fois-ci avec la difficulté supplémentaire que, les problèmes utilisés jusqu'ici comme carburant de l’exaspération n’ayant pas été traités malgré les promesses répétées, le même fond argumentaire pour agir doit maintenant être encore amplifié avec des solutions et des promesses de fait irréalistes et peu crédibles. Et que tout cela ne finisse par ouvrir définitivement les yeux aux plus modestes. Or ceux-ci sont l’appoint indispensable pour permettre le doublet habituel et un nouveau passage de justesse. Notre population n’est pas celle de Hongrie ni réductible au public de Hanouna. La carte Zemmour, tenu en réserve par Bolloré risque de faire un flop. Dans quelle posture Zemmour serait-il le plus crédible ? Apporteur de voix à l’issue du 1er tour ou sparring partner au second ? Le plus grand risque en fait, c’est que la combinaison, toujours la même malgré les variantes soit détectée et que les abstentionnistes par-dessus le marché aient compris eux aussi à qui l’abstention a profité la dernière fois.

Que faire ? Puisque les partis se jouent de nous de concert avec les médias et réciproquement en entretenant les comédies du 1er tour, ayant abusé de notre confiance spontanée et de notre naïveté 4 mandats de suite. Nous instruisant néanmoins malgré eux. Soyons nous-mêmes nos propres stratèges, affranchissons-nous de nos loyautés si mal récompensées et de nos illusions, déjouons les consignes, les appels à l’émotion ou à l’indignation, les postures morales si complaisamment relayées, la sarabande des enquêtes d’opinion et sondages dont le postulat implicite est celui-ci. En tant que citoyen nous n’avons pas de boussole intérieure sur le cadran de laquelle sont inscrits notre bon sens, nos convictions, la volonté de nous informer, l’appréciation de nos intérêts et notre mémoire et nous ne sommes juste que des électeurs, quantième d’une opinion publique fluctuante qui nous entraîne. Et dont le sens bien entendu doit nous être savamment expliqué tout au long du processus électoral. Idiots que nous sommes.

Interrogé en fin d’émission sur France Inter (dimanche 26/09/21, Questions politiques) à propos de LFI de et d’une invitation déjà ancienne de JLM pour une collaboration, A Montebourg répondit que la personnalité de JLM et ses excès était un obstacle insurmontable à la victoire de LFI, assez pressé de sortir du sujet. Réponse assez surprenante par sa brièveté. En oubliant un peu vite que lui aussi fut réduit à l’occasion à quelques flamboyances médiatiques au détriment du sujet politique qu’il portait. Plus sérieusement étant donné la responsabilité qu’il vise, il a loupé l’occasion d’interroger la méthode politique qui consiste à lancer vis-à-vis d’un adversaire résolu, écarté avec l’aide de la gauche défaillante, une quinzaine de perquisitions quelques mois après des primaires puis des élections en forme de tragi-comédie du monde politique et médiatique au regard de repères démocratiques élémentaires, sous le motif de « abus de confiance et recel », dont l’aboutissement fut un classement sans suite en mars dernier. Ce jour là, un homme de droite, Gérard Larchet président du sénat, bien seul, déplora le procédé. Honneur à lui. Pendant une semaine, 2 mn d’une video de 40 mn furent diffusées plusieurs fois par jour à l’occasion. La victime ne fut pas, tout bien pesé, seulement JLM ni LFI dans cette histoire. Que se serait-il passé ensuite si un mouvement populaire inédit n’était venu interpeller la démocratie sur ses promesses et ses fonctionnements ? Passons mais n’oublions pas pour ne pas repartir à zéro à chaque fois puisque ce genre de lynchage se produira très certainement de nouveau au cours de cette campagne. A Montebourg a oublié aussi le travail de fond que nourrit le mouvement populaire qui porte ce qui est devenu LFI depuis 3 mandats déjà en entretenant la force et les valeurs de la gauche, prenant à bras le corps au jour le jour les difficultés du présent par ses combats et ses propositions dans ce qu’il faut bien appeler un combat de chien au milieu de l’hostilité entretenue par les médias, la neutralité hypocrite de ceux qui ont coulé le PS et le fonctionnement actuel de nos institutions parlementaires. Quand l’histoire de notre a bien tourné, c’est que dans ces moments incertains et décisifs les renforts sont arrivés.

Autre point, comment ne pas rappeler à celui que en fut la principale victime à l’intérieur de la primaire de gauche de 2017 (dite de la " Belle alliance populaire") que la multiplication des candidatures au 1er tour empêcherait l’accès d’une candidature authentique de gauche au second visant un rassemblement et une reconstruction de la gauche. Lui qui redonne des couleurs à une candidature de gauche sérieuse qui mérite d’être considérée. J’ai du mal à croire qu’il n’a pas vu depuis longtemps déjà que le problème se posait et qu’il y a largement la place pour des compétences avérées et une expérience manifeste dans cette entreprise si c’est bien l’entreprise visée. Ne voit-il pas l’importance et la difficulté de l’entreprise et le caractère crucial du moment ? Il est des hommes politiques que ces enjeux stimulent, qui savent que l’avenir n’est pas écrit et qui s’en mêlent parce qu’ils voient les enjeux et les risques courus par le pays, qu’ils viennent pour bousculer le cadre habituel dans lequel voudraient nous voir éternellement réfléchir et agir ceux qui nous ont menés à la situation actuelle. Agissant à contretemps et contresens, même l’intelligence, la clairvoyance, l’énergie se voient vite réduit à l’impuissance comme il a déjà pu le constater personnellement une fois au moins. Puis à propos d'un autre ministre dans la mandature suivante qui a fait la même expérience.

Dernier point. Cela est vrai pour tout candidat d’une gauche authentique et bien sûr pour chacun d’entre nous qui sommes concernés au premier chef. « Pour engager des transformations politiques d’envergures, les citoyens ont besoin de responsables politiques courageux, qui ont eux-mêmes besoin de citoyens par millions pour les soutenir…Mais ces alliances élus-citoyens ne peuvent tomber du ciel…. Je n’imagine pas non plus que des leaders politiques d’un genre nouveau émergent s’ils ne sont portés par des mouvements sociaux. Les deux stratégies-agir au quotidien et politiquement-ne peuvent être dissociés à moyen et long terme » (Petit manuel de résistance contemporaine p. 41, Cyril Dion, Domaine du possible, Actes Sud 2018).Il me semble que c’est le grand point faible de l’époque mitterrandienne et de l’enfermement et la réduction de la démocratie dans les mécanismes électoraux que l’on connaît.

Je crois que nous le savions mais nous l’avions oublié. Les élus de la démocratie représentative n’ont pas oublié de nous présenter l’addition. Je ne sais pas ce que va apporter finalement la candidature d’Arnaud Montebourg. Il a s’il le veut et s’il le peut des éléments décisifs à faire valoir pour faire pencher la balance. N'oubions pas non plus que si nous le voulons, c'est nous qui possédons les ultimes éléments décisifs dans nos mains.

https://www.franceinter.fr/emissions/questions-politiques/questions-politiques-du-dimanche-26-septembre-2021

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Luc_M%C3%A9lenchon

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arnaud_Montebourg

 


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